Run : Translantau by UTMB, « slowment » mais surement !

Même si j’étais là bas dans le cadre de mon activité de journaliste, et que par la force des choses les articles seront donc publiés dans le prochain numéro d’Esprit Trail, je tenais à vous faire un petit retour de mon expérience plus « personnelle » de cette aventure parce que je sais que vous l’attendez.

Petit retour en arrière…

Parce que c’est toujours bien de tout savoir avant d’aller plus loin

Comme toujours avec moi, la genèse de l’histoire pour commencer et accrochez vous, elle va être un peu longue. Mon histoire avec Hong Kong commence il y a déjà un paquet d’années puisque j’ai eu la chance de découvrir cette destination il y a plus de 25 ans. Je n’explique pas pourquoi j’ai adoré l’endroit mais contrairement à d’autres mégalopoles d’Asie, je m’y suis sentie tout de suite extrêmement bien. A l’époque je ne cours pas du tout, donc l’idée même d’aller crapahuter dans les territoires ne me viendraient même pas à l’esprit, d’ailleurs j’en ignorais même totalement l’existence. Mais les années passent et je découvre grâce aux témoignages de mes petits camarades de jeu, « élites » la plupart du temps, qu’il y a là-bas une vraie culture du trail et forcément cela me donne très envie d’aller traîner mes baskets dans le coin. Nous sommes en 2019, et je prends contact avec l’Office du Tourisme pour voir ce qu’il serait possible d’envisager ensemble. Bien entendu il était hors de question d’aller si loin pour uniquement couvrir une course. Le projet à l’époque est le suivant : aller découvrir les deux courses les plus médiatiques du moment à savoir le HK100 et le Translantau pour ensuite créer du contenu print mais aussi audio puisqu’il devait y avoir un podcast complet pour le magazine GEO (qui est à écouter ici d’ailleurs en version incomplète finalement, lire la suite !).

Nous sommes fin 2019… Je suis sensée partir début 2020… Des rumeurs de virus commencent à agiter les chaînes d’info en continue. Je pars, je cours le 50K du HK100, je visite, je randonne et lorsque je rentre en France, je comprends très vite que ma plus grosse bêtise… C’est de ne pas avoir acheté une valise à mettre en soute, non sans l’avoir au préalable remplie à raz bord de masques… Les mois passent, les années même et les choses changent. Translantau devient « by UTMB », mais mon envie d’aller enfin découvrir ces sentiers que Claire Bannwarth m’a vantée pour mon livre (à découvrir ici si ce n’est pas déjà fait !) est toujours aussi forte. Et j’ai surtout l’envie de finir ce dossier Hong Kong pour pouvoir passer à autre chose, un peu comme une façon pour moi de boucler ce dossier Covid qui a tellement pourri nos vies. Cet épisode douloureux m’avait privé de deux destinations professionnelles programmées, la Jordanie (c’est aujourd’hui fait) et le Translantau… Je vais pouvoir enfin de projeter sur autre chose. Je sais, ça parait surement un peu « con » comme raisonnement mais je tenais à vous l’expliquer quand même.

La course

Il est temps de rentrer dans le vif du sujet !

Le souci, c’est qu’entre 2019 et maintenant… Mon niveau et surtout mon envie de « me mettre mal » se sont clairement fait la malle. Je suis inscrite sur le 50 mais dans les semaines qui précèdent je me demande vraiment si c’est raisonnable de rester sur une distance si longue alors que je suis quasi à l’arrêt question prépa trail. Je cours toujours hein ? Mais chez moi, sur la route ou dans des petits chemins où le dénivelé est inexistant. Je m’aligne sur le 30 des Templiers pour une dernière sortie longue qui se passe plutôt correctement, même si j’ai mis mon égo de côté question classement évidemment. Le problème, c’est que je ne peux pas partir sur le 25… Cela serait totalement insuffisant pour rendre un article suffisamment argumenté, j’en ai bien conscience. Et j’avoue que l’idée de bâcher ne me réjouit pas une seule seconde…

Je prends donc le départ à la fois follement heureuse d’être enfin là, après quelques jours de vacances topissimes (et, oh surprise, des nuits plutôt correctes malgré le jet lag) mais aussi ultra stressée de devoir une nouvelle fois encaissée psychologiquement un abandon. Je suis dans la 2ème vague, et j’ai la chance inouïe de loger à 500m de la ligne de départ, je fais donc mon pipi de la peur bien au chaud dans ma chambre avant de filer rejoindre mes petits camarades de jeu. 3… 2… 1… On est parti, super vernis parce que la pluie vient pile poil de s’arrêter de tomber. La météo l’avait annoncé mais c’est toujours cool de constater qu’ils ne se sont pas trompés. Comme souvent les premiers km se font sur la route histoire déjà de sortir de la petite ville mais aussi d’étaler un peu le peloton. Je branche ma musique et j’essaie de rester focus sur mon objectif : rester en course le plus longtemps possible.

Très vite même si on a basculé dans la campagne, je me retrouve face à mon pire ennemi… Les marches cimentées plus ou moins régulières qui sont une des particularités de la région. Et là très vite je comprends que j’ai fait une connerie… Pourtant je connais le truc, il y a la même chose sur le HK100 mais allez savoir pourquoi, j’ai fait un peu l’autruche. J’aurais du protéger mes gros orteils des chocs répétés avec les capuchons Sidas… C’est pas comme si j’en avais plein à la maison en plus (bonne blague, j’en avais dans mon sac, je les ai découvert en le rangeant évidemment) ! Cela m’aurait évité les ampoules sous l’ongle qui vont très vite arriver et me pourrir un peu la vie, mais je l’ai bien cherché. J’avance gentiment (les photos sont trompeuses, nous n’avons jamais bouchonné, ça avançait pile poil à ma vitesse) persuadée que je gère plutôt pas mal le truc jusqu’à ce que j’arrive au premier ravito et que je constate que je suis seulement à une heure de la BH. Ah mince, je ne l’avais pas vu venir cette blague. Je ravitaille rapidement, je repars en me disant qu’il serait peut être temps de me bouger un peu. Je n’ai pas fait 2km qu’un moment d’inattention, et paf je suis par terre.

Moi qui ne tombe quasiment jamais, ça me secoue un peu, surtout que je constate que j’ai une belle coupure sur le coté du mollet droit qui saigne bien. Ben tiens, il ne manquait que ça ! J’ai de quoi soigner une ampoule dans mon sac, de quoi me strapper mais je ne crois pas avoir de quoi désinfecter une plaie et de quoi la protéger. Je suis bonne pour passer voir le médical au prochain ravitaillement. De toute façon pas le temps de niaiser, la notion de « dré dans le pentu » semble avoir été parfaitement intégrée, que ce soit à la montée mais aussi à la descente… Je m’accroche à mes bâtons et quand enfin je rejoins le niveau de la mer, je comprends que le CP2 devrait être dans les parages. Bingo ! Je vais voir le doc qui me met un joli pansement, je me rince généreusement au lavabo des toilettes et je file au ravito. Problème… Rien ne me fait envie. Il fait chaud, humide, j’ai envie d’un truc vraiment frais. Juste à l’entrée du ravitaillement, il y a une petite épicerie dans laquelle j’achète une canette de Sprite bien frais que je file déguster sur un banc avec mon sachet d’amandes bien salées. Que du bonheur ! Bon, ce n’est pas tout ça mais il est temps de se bouger, j’ai toujours la BH aux fesses moi.

Surtout que j’ai bien intégré le fait que la plus grosse difficulté est devant moi… Je sers les dents, je m’accroche à mes bâtons et je plonge dans ma musique pour éviter de trop penser. Km après km, enfin le sommet… Où je ne peux pas rester longtemps parce que déjà on n’y voit pas à 5m mais surtout parce que le vent à décorner un cocu fait un bruit pas possible. Bon ben faudra revenir un jour de beau temps, je ne vois que ça ! Mais le plus dingue c’est que la chaleur est telle que même ce passage ne suffit pas à nous rafraichir vraiment. C’est vraiment un truc qui va me marquer, la température ne baissera jamais, même en pleine nuit. Peut être un ou deux degrés mais pas suffisamment en tout cas pour que cela donne un début de sentiment de fraîcheur. Autre surprise, la nuit arrive tellement vite que je dois sortir ma frontale beaucoup plus tôt que je ne l’avais imaginé. Bon tu me diras j’avais aussi imaginé que j’allais aller beaucoup plus vite… 😂. Fin du reportage photo, je dois me concentrer sur ces foutues marches tordues à souhait, sur les racines et surtout sur cette habitude pénible de tracer tout droit dans la pente !

Même si j’ai toujours à peine plus d’une heure d’avance sur la BH, je décide de prendre un peu de temps à la dernière base de vie pour me poser quand même. L’entrée se fait après avoir traversé le fameux tunnel de lumière Hoka (moi franchement ça m’éclate, je sais je suis bon public !) et sur la pelouse du stade, on trouve de nombreuses chaises longues bleues de la même marque très tentantes. Je file chercher deux ou trois trucs à grignoter au ravito et je repars m’installer avec des petits sachets remplis de gel transparent fruité à souhait. Je ne sais pas du tout si ça sert à quelque chose nutritionnellement parlant mais c’est rudement régressif et pour le moral ça fait du bien. Ce qui fait encore plus de bien, c’est que l’assistante de ma voisine de transat m’offre un peu de glace pour mes flasques ! Je regarde ma montre et je repars vite sans demander mon reste… J’ai beau avoir le sentiment de courir dès que le chemin me le permet, je reste toujours à une heure de cette foutue BH et ça me stresse. Je sais que cela peut paraître idiot mais cela me donne le sentiment de ne pas avoir le droit à l’erreur.

Je me souviens que le dernier tronçon a nettement moins de dénivelé que tout ce qu’on vient d’affronter, espèce de grande naïve que je suis, je me dis que ça va être facile… J’aurais du me méfier ! On grimpe de nouveau dans les hauteurs de l’île et c’est toujours aussi étonnant d’être en pleine nature tout en ayant en contre bas les lueurs de la ville, enfin surtout les lueurs d’une ville qui abrite des immeubles comme nous n’en connaissons pas sous nos latitudes. Il faut savoir que Hong Kong est un territoire tout en paradoxe, où les constructions sont entourées d’une nature ultra dense mais où 50% de la population vit dans les « HLM » très particuliers, construits pour permettre aux personnes aux revenus modestes de pouvoir se loger alors que l’immobilier est ici parmi les plus chers du monde (un habitant sur 10 est millionnaire…). Ces tours immenses qui semblent vouloir rejoindre le ciel telles des tours de Babel sont absolument fascinantes de nuit surtout. Merci de ne pas commenter en mode « nan mais tu imagines la vie des habitants », évidemment que je l’imagine très bien… Et à aucun moment je n’idéalise ou quoique ce soit bien entendu.

En attendant, j’avance petit à petit, assez désespérée de ne pas voir enfin la dernière descente qui sonnerait la fin de ma balade… Surtout que je sais que la station balnéaire où se situe la ligne d’arrivée n’a que très peu d’immeubles et rien de ce que j’aperçois autour de moi ne m’indique que je me rapproche. Je regarde comme une forcenée mon gps le maudissant de ne pas aller plus vite… Comme si c’était sa faute 😂 ! Enfin, un virage, le sentiment qu’on bascule vers quelque chose de nettement plus sombre et je me dis que ça y est, la fin est proche. J’ai une fraction de seconde pour me réjouir, pour m’imaginer galoper cheveux au vent, en mode « youpi c’est fini ! » et là paf… Sous mes yeux, enfin surtout sous mes pieds un espèce d’escalier avec des marches en ciment ultra mal foutues qui vont me faire descendre doucement mais surement pour rejoindre enfin le plancher des vaches. Les deux derniers kilomètres sont enfin roulants, je longe la plage, je passe devant mon hôtel, un dernier virage et enfin la ligne d’arrivée est là… Mais ce n’est pas fini !

Je vais vivre un des moments les plus gênants de ma vie de traileuse et dieu sait que j’en ai vécus (j’en ai même fait un livre c’est dire !). Deux bénévoles sont là avec le ruban de la course et moi, forcément je pense qu’ils attendent une ou un coureur qui gagne un des autres formats puisque nous sommes sur une course « poupée gigogne » et que nous finissons tous sur le même parcours. Du coup je suis super gênée, surtout que je les vois s’agiter en mode super contentes de me voir ! Moi je tente un « it’s not me, it’s a error »… et je passe sous leurs regards atterrés sous le ruban… Avant de comprendre qu’ils offraient un accueil de star à tous les coureurs, du premier au dernier 😂😂😂. Et ce n’est pas fini… Je récupère ma médaille super fière de moi, mes nouilles avec des vapeurs crevettes et je file prendre une douche bien méritée. Je n’aurais même pas le courage de ressortir diner, je me contente de compléter mon diner improvisé d’un sachet de chips qui trainait dans ma chambre avant de tenter de dormir. Ce n’est que le lendemain matin, dans la salle du petit déjeuner qu’en voyant un client se rendre au buffet avec sa veste finisher « 50k » que je réalise que j’ai aussi loupé ce truc-là ! Inutile de préciser que j’ai filé vite fait sur le village pour la récupérer, qu’évidemment ils n’en distribuaient plus puisque la course était finie depuis plusieurs heures mais une gentille bénévole est allée rechercher dans les cartons remballés pour m’en donner une. Je l’aurais embrassée sur les deux joues tellement j’étais heureuse !

Epilogue

Parce que tout a une fin !

Même si cela ne parait pas évident de prime abord quand on lit ces lignes, j’ai adoré mon expérience. J’ai repris confiance en moi et en mon mental légèrement fragilisé par plusieurs DNF qui forcément m’avaient entamée. J’avoue que je n’ai pris aucun risque puisque je pensais enchaîné quelques jours après sur le HMDS en Egypte qui finalement a été annulé pour les raisons géopolitiques que l’on connait tous. Sans cette perspective très proche, je pense que j’aurais surement un peu accéléré le mouvement mais aucun regret, j’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai rencontré des personnes vraiment adorables sur le parcours, et même si la barrière de la langue était parfois problématique, j’ai été assez surprise de voir la densité autour de moi. Clairement je n’ai jamais été seule mais jamais empêchée de courir non plus, preuve que le nombre d’inscrits est le bon. J’ai croisé quelques français expat mais surtout beaucoup de singapouriens avec lesquels j’ai un peu papoté. Finalement à ma grande surprise, très peu étaient là pour les running stones, ils étaient uniquement là pour la course, Chamonix n’étant absolument pas dans leurs projets. Autre surprise, le taux d’abandon plutôt faible sur le 140 puisqu’il n’est que de 30%… Il fallait voir les derniers finir, le dimanche matin… C’était impressionnant de voir leur détermination dans le regard. Cette expérience, ces quelques jours n’ont fait que me conforter dans l’idée que j’adore cette destination, même si bien entendu son côté « bout du monde » la rend quelque peu inaccessible pour le commun des mortels. Je vous ai mis toutes mes photos en storie à la une ici, n’hésitez pas à aller la voir, ça rendra tous ces mots légèrement plus vivants 😉.

Pour ne rien rater des prochaines publications pensez à télécharger l’application Run, Fit & Fun ici !