J’aime bien les premières fois, il y a toujours un truc émouvant les premières fois : première fois que je cours dans le coin, premier dossard de l’année et première fois très spéciale pour Hervé, mon compagnon de route d’une partie de ma petite balade nocturne sur la trace des maquisards. Prenez une bière fraiche dans le frigo, je vais tout vous raconter !
Toute première fois, toute toute première fois
Ok, ce n’est pas tout à fait vrai, je suis déjà venue dans le coin mais à l’époque c’était uniquement pour faire mon travail de journaliste pour la première édition de l’Ultra 01. Suivi de la course, rencontre avec Xavier Thevenard (mon entretien avec lui est toujours en ligne ici d’ailleurs), je m’étais dit qu’il faudrait que je revienne un jour traîner dans le coin baskets aux pieds mais ça ne s’est pas fait. Le changement de date pour cause de covid l’année dernière m’a privé de l’Ultra 01 mais quand j’ai appris le lancement d’une nouvelle course fin août j’ai tout de suite noté la date dans mon calepin. Une course qui associe devoir de mémoire et trail, forcément ça ne pouvait que me parler.
J’ai choisi le 42 parce que franchement je n’aurais pas eu le courage de me lancer sur le 80 (ni même le niveau en ce moment soyons lucide !), même si apparemment il se dit que la première partie est plus « roulante » que la deuxième. Mais j’ai un programme qui s’annonce plutôt chargé ces prochains mois, et déjà que j’ai zappé de prévenir mon coach que j’allais rajouter une sortie longue en pleine reprise, je n’allais pas en rajouter. Petite déception, j’espérais un peu de la neige. N’ayant aucune idée de la nature du terrain je trouvais ça super sympa. Heureusement que le ciel ne m’a pas entendu ! Comme je suis quand même de nature frileuse et qu’ils annoncent un risque de pluie la nuit, je pars avec une tenue complète Odlo (celle que je devais tester sur le trail blanc du Sancy mi-janvier (une saleté de test covid positif m’en a privé), le pantalon de pluie Evadict que je pensais poser pendant la course mais que je n’ai finalement pas quitté, une paire de MT Cushion aux pieds et une paire de chaussettes Verjari juste au cas où. J’ai rajouté ma veste Gore, mon sac Camelback et mes gants Therm-ic (j’ai même glissé mes moufles imperméables au cas où dans mon sac !). Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pris mes bâtons… Mon côté « ouais mais t’ai une traileuse, pas une majorette » m’a encore joué des tours… Faut que j’arrête de vouloir jouer à ce jeu-là, surtout que là j’y allais en voiture et que je connaissais pleins de personnes qui avaient fait la reco. Il me suffisait de demander pour ne pas faire cette bêtise mais c’est trop tard, l’erreur est faite.



La course est donc de nuit, j’ai 3h de voiture, je pars tranquillement après le déjeuner. Bon j’avoue je fais n’importe quoi mais alors vraiment n’importe quoi question nutrition. Goûter au Starbuck sur l’autoroute, Mc Do pour le diner… Ouais je sais mais pas le courage de chercher alors qu’il y avait une petite pizzeria juste en face du Valexpo où j’ai retiré mon dossard. Il est trop tard pour prendre des bonnes résolutions pour 2022 ???? Promis juré, pour le prochain, j’arrête mes conneries et je mange du quinoa, des graines germées… et du tofu ! Je rejoins la salle pour attendre les navettes et là très vite j’entends « mais tu ne serais pas Cécile ? » Euh oui c’est bien moi ! » « ah excellent je suis un copain de Sébastien ». Seb je lui dois une nuit « volcanique » et surtout inoubliable sur les pentes de l’Etna, à faire l’assistance d’Alex, l’organisateur de ma course du jour justement (enfin de la nuit… enfin vous m’avez compris !). Je vous remets mon texte ici parce que si vous l’avez raté ça vaut son pesant en bière et cacahuètes celle-là aussi (et ma propre course le lendemain aussi d’ailleurs). Nous voilà partis pour rejoindre la charmante bourgade de Corveissiat qui sert à la fois de base de vie pour les coureurs du 80 et de lieu de départ pour notre 42. Je retrouve mon Ludo qui vient donner de la voix comme à chaque fois. Et une gentille participante vient me dire tout le bien qu’elle pense de mes textes, ça fait plaisir évidemment ! Pour nous occuper le temps que les fauves soient lâchés, il demande aux forces en présence le temps qu’ils comptent mettre : « levez les bras ceux qui visent 4h ! 5h ! etc. Jusqu’à 9h où pour rigoler je lève le bras. Là tout d’un coup j’entends « Et Cécile Bertin elle a dit quoi ? ». Je me marre et je crie « ben t’as dit 9h alors je pars pour 9h ». Ceux autour de moi se retournent, doivent bien se demander qui est la nana qui répond ça… A ce moment-là je ne le sais pas encore mais cela tenait en réalité d’une sacrée prémonition. Le chant de partisans raisonne dans la nuit, les mots de Ludo sont parfaits pour nous galvaniser, un, deux, trois partez !
Bon il ne faut pas 5 min pour que je comprenne que je vais en chier. Après tout j’aurais dû m’en douter, je reprends seulement l’entraînement et je n’ai pas couru plus de 10km de suite depuis des semaines. Maintenant l’avantage qu’il y a à être lente comme moi cette nuit là c’est que très vite je me retrouve seule et j’adore ça ! Limite si je ne ralentis pas un peu pour être certaine de bien creuser l’écart avec les autres participants. Très vite j’arrive au camp de Cize où des bénévoles reconstituent l’ambiance qu’il régnait là pendant la Seconde guerre. Puis vient le viaduc du même nom éclairé de bleu, de blanc et de rouge pour l’occasion. Ah ouais quand même… l’orga va vraiment sorti le grand jeu-là ! Bon arrête de regarder en l’air, regarde plutôt tes pieds ça commence à se compliquer cette histoire.
La descente vers les Granges, premier ravitaillement de mon parcours, est carrément sécurisée par des cordes et croyez moi sur paroles, je suis encore moins douée en rappel qu’en trail, ce qui vous donne une petite idée du truc. Ravitaillement, et là grosse erreur je pense : j’avale un verre de coca et un petit cake vite fait, trop vite fait surtout. C’est le seul truc qui me faisait envie alors qu’évidemment j’avais tout ce qu’il me fallait dans mon sac. Je m’étais contentée de ma compote Baouw pour l’instant et je me suis dit qu’il me fallait un truc un peu plus consistant. Mais je veux vite repartir alors que franchement j’avais le temps, les barrières horaires sont super méga larges. Pourtant je commence à faire mes calculs : « ok si tu gardes ce rythme, tu peux être vraiment rentrée à la maison pour le déjeuner et même avoir le temps de dormir avant de prendre la route, ce qui est le plus intelligent ». Je repars mais très vite je dois me faire une raison : mon dos n’est pas du tout de mon avis. Et mon ventre non plus d’ailleurs.
Dos, vomito, le duo pas trop rigolo !
Je m’arrête deux minutes sur un petit muret pour faire quelques étirements et très vite j’entends un « ça va ? vous allez bien ? vous avez besoin de quelque chose ? ». Je confirme que je vais bien, qu’il n’y a rien de grave, juste une douleur dorsale que je connais bien. Et me voilà repartie avec la personne qui va changer le cours de l’histoire. Je marche pour remettre la machine en route et lui aussi. Je lui demande sur quelle distance il est et là je m’attends à tout sauf à la réponse qu’il me fait : « oh moi je ne devrais pas être là, j’étais venu encourager des copains qui ont fait une équipe pour le relais à 4 mais le 4ème malade les a plantés au tout dernier moment. J’ai réfléchi deux minutes et je me suis rappelé que j’avais ma paire de chaussures de rando, un vieux cuissard et un sac à dos dans ma voiture, j’ai foncé les prendre et je suis parti. Je les ai prévenus qu’il fallait oublier le chrono à l’arrivée parce que je n’ai pas le droit de courir mais au moins ils seront classés ». Voilà comment je fais la connaissance d’Hervé, pompier de son métier qui se relève d’un accident grave en intervention, accident qui l’a envoyé dans un fauteuil de longs mois, plusieurs fois sur la table d’opération et qui n’a plus le droit de courir, juste de marcher.
Même si je ne lui dis pas tout de suite, je sais déjà que je ne vais plus courir moi aussi. Je vais rester avec lui jusqu’à la ligne d’arrivée… ou alors c’est l’inverse je ne sais plus ! Il faut dire que mon dos n’est pas passé en mode repos et que mon estomac non plus. Il appréciera moyennement le vin chaud servi à la ferme du revers. Ça ne fait pas 5 minutes que je connais Hervé et déjà je vomis devant lui… Nickel pour faire les présentations ! Ces épisodes reviennent de plus en plus souvent et sont vraiment pénibles à gérer. Pas parce que je vomis mes tripes devant des personnes que je connais à peine mais parce que cela m’empêche de m’alimenter correctement un sacré bout de temps après. Ma prochaine course c’est décidé se fera totalement sans coca pour voir si ça change la donne. Mais revenons-en à notre Trace ! Nous continuons notre petit bonhomme de chemin. Je lui raconte mes aventures à l’autre bout du monde, il me raconte son quotidien d’homme qui a bien cru qu’il ne pourrait jamais redevenir pompier. Je lui parle Antarctique et Brésil, il me parle avec fierté de ses deux fils adorés et de son premier trail Les Templiers.
Nous arrivons à Izernore la dernière base de vie. Arnaud le directeur de la course, pompier lui aussi l’accueille en lui demandant ce qu’il fout là. Il lui explique rapidement la situation non sans lui préciser qu’il est accompagné d’une nana qui a fait le tour du monde et qui lui raconte des histoires pour passer le temps. Il se marre en m’apercevant ! Je profite de ce moment au chaud pour me poser un peu et boire un bouillon bien chaud dans lequel je découpe une tranche de pain. Je sais que ce truc passe toujours très bien et c’est d’ailleurs le cas. Il nous reste une bonne dizaine de kilomètres, une bonne grimpette dont je me serais volontairement passée, mais franchement la forme revient. Alors que nous nous apprêtons à partir, j’entends un « quelqu’un aurait un compeed ? ». Ah mais oui j’ai ça normalement ! Je dégaine ma pochette magique de chez Sidas qui est toujours dans mon sac à dos pour dépanner une coureuse qui a un orteil mal en point. Mais à la vue du truc, je lui propose plutôt un manchon de silicone (c’est l’ongle qui est atteint) que je lui mets, tout en lui donnant un pansement plus classique si le premier ne donne pas le résultat escompté. Et nous repartons direction Oyonnax !
Quelques minutes plus tard, elle nous doublera en mode « speedy gonzales » me remerciant pour le truc magique qui lui sauve sa course. Cela fait une éternité que je n’ai pas regardé ma montre, j’ai perdu toute notion du temps. Quand je finis par la regarder, je me dis que si on continue à ce rythme on devrait être en ville pour l’ouverture de la boulangerie, ce qui est vraiment parfait. Arrivés en ville nous tombons sur plusieurs camions de pompiers qui sécurisent le parcours et à chaque fois, c’est la même chose « mais qu’est-ce que tu fais là ? ». Le héros ce jour là c’est Hervé, pas moi, moi je suis juste l’inconnue qui emboite ses pas et c’est vraiment super sympa. Nous n’avons même pas fait semblant de courir pour passer la ligne d’arrivée à deux, ça n’aurait eu aucun sens de faire ça. C’est assez marrant mais je trouve même que ça aurait gâcher un peu les choses, comme si nous avions, tous les deux, envie de faire durer la balade le plus longtemps possible.
Nous recevons notre béret souvenir, il file rejoindre ses amis venus l’attendre et moi je file saluer Alex l’organisateur avant de repartir chez moi. Même s’il y a des douches évidemment et un repas prévus, il est 7h du matin et j’ai vraiment envie de tenter le coup d’être rentrée chez moi pour le déjeuner. J’ai en tête de partir tout de suite, de m’arrêter prendre un petit déj en route et de m’arrêter si le besoin s’en fait sentir. 2 croissants, un cappuccino, un jus d’orange et 30 minutes de sieste plus tard, je suis chez moi sous la douche, juste heureuse de la nuit que je viens de passer. Ok le chrono n’est pas du tout au rendez-vous, oui j’aurais pu largement courir un peu sur la deuxième partie quand la forme est revenue pour finir plus tôt mais franchement à quoi bon ? L’humain est tellement plus important que des chiffres alignés qui ne veulent pas dire grand-chose de toute façon.
PS : pour compléter mon texte avec des considérations plus terre à terre, j’ai trouvé le parcours vraiment sympa, nettement plus que celui de la Saintexpress pour comparer avec un autre trail nocturne de la même distance très connu. Pas trop de parties techniques, juste ce qu’il faut pour que les débutants sortent de leur zone de confort et pour réveiller les expérimentés. Seule petite inquiétude pour les lieux qui abritent les bases de vie, si la course monte en puissance l’année prochaine (et c’est tout le mal que je lui souhaite) il faudra très certainement changer de lieux pour plus de confort. Moi j’étais en fin de peloton, donc tout s’est très bien passé mais pour la masse de milieu de peloton, si on monte à plus de 1000 participants il faudra voir plus grand. Parcours super bien balisé, je n’ai pas eu une seconde d’hésitation pendant toute ma balade, même quand je courais (parce que oui j’ai couru un peu au début !). Très peu de bitume finalement en proportion, hormis évidemment lors des traversées de village et dans Oyonnax pour rejoindre la ligne d’arrivée. Je ne peux évidemment pas parler de la première moitié du 80km que je n’ai pas fait.
Alors pour ça, je laisse la parole à Alex alias Casquette Verte qui a gagné le 80, ce sera plus simple. « Il y a proportionnellement plus de bitume sur la première partie que sur la deuxième, aucun doute mais ce sont de « bons kms ». Parfois sur certaines courses, on sent que l’orga a absolument voulu éviter la route et pour ça elle nous envoie à travers champs, ce qui n’est pas du tout fait pour courir et peut même s’avérer dangereux. Là le tracé semble couler de source, puisque le choix a été fait de partir de Bourg en Bresse pour la symbolique, donc ça ne m’a pas gêné plus que ça finalement. Question horaire dans l’absolu j’ai presque regretté le départ aussi tardif, 2h plus tôt et en plus on avait la vue en montant dans le maquis, ça pourrait aussi être super sympa pour tous ceux qui sont pas du coin ».
Crédit photos : Gilles Reboisson
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