Je rêvais depuis longtemps de faire une course en étapes en Asie. Alors oui, me direz-vous l’Inde est en Asie mais je pense que vous voyez ce que je veux dire (j’avais déjà eu la chance de courir au Kérala avec Canal Aventure avant qu’ils ne changent de pays). Mais voilà je n’avais pas envie de partir seule… J’ai donc proposé à ma fille de venir comme bénévole et à ma grande surprise elle a immédiatement accepté. Petit mail à l’organisation pour savoir si c’était possible pour eux et voilà comment en 24h à peine, j’avais validé notre présence à toutes les deux pour ce qui sera mon plus gros objectif kilométrique de l’année ! Bon mon souci c’est que j’avais noté les 160km mais totalement zappé l’info qui suivait, à savoir les 6000mD+… Je me voyais me balader le nez en l’air dans les rizières, pas du tout accrochée à une branche en espérant qu’elle allait tenir sous mon poids… ça m’apprendra !
En attendant le voyage se passe au mieux avec escale à Dubaï. J’en profite pour rattraper un peu mon retard ciné avec un excellent « The private war » et un très drôle « A simple favor » où j’ai attribué un oscar au styliste de Blake Lively pour l’ensemble de son œuvre 😊. On arrive à Hanoï avec nos bagages évidemment puisque j’ai tout gardé avec moi comme j’essaye toujours de le faire maintenant. Taxi, direction le Santa Barbara Hôtel ce qui ne s’invente pas. Inutile de vous dire que lorsque je me suis exclamée « trop marrant comme la série », ma fille n’a pas percuté une seule seconde de quoi je parlais ! Je retrouve Jérôme et Bruno qui sont déjà là. Il nous faut attendre quelques minutes notre chambre et très vite je mets tout par terre pour filer faire le contrôle du sac et médical. On a, toutes les deux, envie d’aller un peu se balader en ville et de toute façon il me manque deux choses à acheter au plus vite : un tupperware pliant qui me servira de gamelle et un briquet, les deux étant restés à la maison, je ne sais toujours pas pourquoi.

Soyons parfaitement honnête je n’ai pas aimé la ville… Trop bruyante, trop sale, trop dangereuse, traverser une rue te fout un coup de stress à chaque fois. J’avais hésité à nous faire arriver 24h avant pour avoir plus de temps pour se balader, aucun regret de ne pas l’avoir fait. Je n’ai qu’une hâte, prendre le bus et filer à la campagne ! Reste mes soucis de matos… Impossible de trouver ce que je cherche exactement. Nous revoilà à l’hôtel et je n’ai toujours rien. Enfin si… Je m’explique ! Mon réchaud évidemment intègre une gamelle seulement elle n’est pas assez grande pour me permettre de faire cuire ce que je compte manger. Je laisse Emma qui a besoin de se poser deux minutes et je repars dans les rues à la nuit tombée pour essayer de trouver une solution. Nous avons rendez-vous à 19h pour le diner, il faut que je trouve une solution avant ça mais j’ai beau cherché, je ne trouve rien qui ressemble à un magasin où l’on trouve des produits ménagers. Alors que j’ai rebroussé chemin et que je suis presque à l’hôtel, j’aperçois au fond d’une petite impasse des grandes bassines en alu. C’est bien un magasin d’accessoires de cuisine ! Alléluia !

Hanoï
Après avoir repéré un tupperware qui pourrait correspondre, mon choix s’arrête finalement sur une gamelle à l’ancienne, en alu hyper légère et pas chère du tout. Vendu ! Dans mon esprit j’imagine qu’elle est assez grande pour y ranger mon réchaud. Inutile de vous préciser qu’évidemment ce ne sera pas le cas et que je vais devoir lui trouver de la place dans mon sac. Mais demain est un autre jour. Diner absolument délicieux dans un restaurant à côté de l’hôtel et l’occasion de rencontrer tous les autres participants dont Manu le français et futur vainqueur de l’épreuve. On fête l’anniversaire de Bruno, notre médecin et je me retrouve, sous prétexte qu’avec 4 enfants je dois m’y connaître en découpage de gâteaux à faire 26 parts… pari réussi ce qui est ma première surprise de la semaine !
Je ne bois pas de bière mais là faut bien fêter dignement un anniversaire !
Nuit plutôt correcte, il faut se préparer pour la course. Je confie ma valise ce matin même (ça aussi je l’avais zappé) pour passer en mode coureuse même si le départ n’est donné que le lendemain et que nous ne sommes pas encore en autonomie alimentaire. Petit déj à l’hôtel, Jérôme m’avait prévenu qu’il n’était pas terrible mais en réalité, si tu acceptes de passer en mode local tout de suite, tout se passe très bien. Il faut dire que j’adore le riz, ça tombe bien ! Trajet en bus avec un arrêt pipi et thé vert, histoire de se mettre dans l’ambiance. On découvre aussi de façon assez violente la façon de conduire qui n’est pas sans rappeler celle des indiens, communément appelée « la conduite au klaxon » … Je déconseille grandement à toute personne cardiaque de louer une voiture pour se balader dans le pays…

Nous arrivons dans le petit village qui nous servira de base pour la première nuit et c’est une vraie plongée dans le vrai Vietnam qui va nous servir de décor pour les prochains jours. Pièce commune où tous les matelas sont installés (et là tu comprends vite que le risque de ronfleurs est multiplié par le nombre de coureurs… merci boules Quiès !). Il y a bien une douche et des toilettes et même si l’eau n’y est pas très chaude, ça suffira largement à mon bonheur. Il y a des chiots partout qui sont plutôt craintifs mais tellement adorables. Des poussins par dizaine, à se demander si les poules n’ont pas mis en place un système de halte-garderie. Des jupes traditionnelles rouge flamboyantes sèchent dans un coin, les enfants nous observent du coin de l’œil. Quelques minutes à me balader dans ce village et je comprends immédiatement que je vais adorer cette expérience en mode « rendez-vous en terre inconnue ».
Dans un coin deux hommes sont en charge du découpage de la viande qui nous servira de dîner le soir même. Ici on mange surtout du poulet, un peu de bœuf et un peu de porc même si à ma grande surprise je ne vais pas en voir autant que je m’y attendais. Le brouillard est de sortie, il fait vraiment plus froid que je n’y attendais. Le coupe-vent est de rigueur et je ne vais pas pouvoir le poser de la soirée. Sincèrement une doudoune m’aurait bien servie ce soir-là. Petit briefing pour nous expliquer les règles du jeu et dîner dehors tous ensemble. Je découvre la christophine, légume vert qui n’a goût de rien mais qui complète parfaitement mon bol de riz. Tout est absolument délicieux et comme le dit Emma « attends je pensais maigrir un peu moi cette semaine… C’est quoi cette arnaque ? ».
Etape 1
Comme toujours sur ces courses, on est au lit avec les poules, et comme toujours sur ces courses, des coureurs trouvent le moyen d’être levés aux aurores alors que franchement on a le temps… Nous sommes toujours dans la brume, il crachouille même un peu mais rien de bien problématique.
Quand tu confies ton bébé à un illustre inconnu et qu’elle part sur une moto alors qu’elle n’en a jamais fait…
L’étape du jour fait 30km, 1000D+ et 2000D-, parfait pour mettre la machine en route et prendre un peu ses marques. Je n’ai absolument aucun objectif autre que de finir et de prendre du plaisir à découvrir un pays que je ne connais pas. Et très vite je découvre ce qui va faire mon quotidien : rizières, villages, terrain glissant en mode boue collante façon glaise, brume dès qu’on prend de l’altitude… Je vis mon premier petit jardinage avec deux coureurs italiens qui ne dure pas très longtemps mais me permet de réaliser qu’il va falloir être hyper attentive pour ne pas me retrouver à faire quelques kilomètres de trop. A vouloir aller trop vite, on se retrouve souvent à perdre du temps, ce qui est totalement contre-productif.
Même si je suis là pour courir évidemment, j’adopte très vite la même attitude qu’au Burkina Fasso, course qui n’existe plus à mon grand regret et qui était organisée par Canal Aventure également. Dans les villages, je ne cours pas, je marche et je salue toutes les personnes que je croise. Je ne suis pas à la seconde et franchement je trouve ça limite impoli moi de passer devant des gens sans prendre le temps de leur porter un peu d’attention. Je profite d’une petite boutique pour faire ma première pause thé vert glacé et Patrick, un autre coureur me rejoint. Nous repartons tous les deux. Ce sera l’occasion de faire un peu connaissance. Il est né en Guyane britannique, a vécu à New York et au Canada et maintenant vit sur les îles Turks-et-Caïcos ! Il me mène un train d’enfer quand il marche, je suis souvent obligée de trottiner pour le rattraper mais papoter un peu me fait un bien fou. Nous arrivons au deuxième camp qui est superbe ! Matelas, couette confortable, douche chaude… Nan mais réveillez-moi je suis au paradis… Surtout que j’apprends par la même occasion que je suis deuxième féminine, ce qui va tout d’un coup changer un peu la donne de la course. Et si je m’amusais à garder cette place ? Nan parce que la première est trustée par Monica qui vient juste de faire 3ème au scratch… Il faut savoir raison garder et à son petit niveau rester ! Surtout que j’avais aussi zappé un truc, la deuxième étape fait 48km !
Le petit dej du premier jour ! French Team ! Oh la vache Milka !
Etape 2
Je découvre difficilement ce qui va faire mon réveil matinal pendant les jours qui suivent : l’enfilage d’une tenue humide, le séchage étant un peu trop compliqué sous ses latitudes. Pour la première fois, nous allons aussi avoir des barrières horaires pour éviter qu’on finisse trop tard. On doit être au premier CP pour 10h du mat sachant qu’il est à 15km6. Evidemment sur le papier c’est tout à fait possible mais dans l’univers du trail, certains kilomètres sont beaucoup plus longs que d’autres ! Dans le premier gros village que nous traversons, l’agitation inhabituelle fait penser qu’il se passe quelque chose. Les hommes sont à l’entrée, toujours en charge du découpage massif de la viande, j’aperçois à gauche des femmes qui s’agitent autour de feu de bois et de gamelles taille XXL, à droite j’aperçois des prêtres qui rentrent dans une maison au son d’une musique entêtante. Il y a fort à parier que c’est un enterrement, et je vais passer plusieurs kilomètres à croiser de nombreux scooters chargés de femmes portant un foulard blanc simplement noué en bandeau autour de leurs cheveux. Bien entendu je me suis abstenue de faire des photos… On enterre quelqu’un, ce n’est vraiment ni le lieu ni l’endroit pour un selfie.
Les rizières à perte de vue, d’une beauté surréaliste m’occupent l’esprit et atténue un peu le stress de la barrière horaire. Je la passe avec de l’avance évidemment et j’en profite pour ma pause thé vert, offrant un coca à Patrick qui me rattrape à ce moment-là par la même occasion. Le duo chilien nous rejoint et profite lui aussi de la pause apéro. Paula et Raoul son père, sont tous les deux là pour vivre leur premier ultra ensemble. Elle n’a jamais fait un truc pareil alors que Papa est un grand habitué puisqu’il a même fait celui de l’Antarctique comme moi. Dès le premier jour, nous allons un peu nous bagarrer sur le parcours mais bon pas au point de ne pas partager une boisson fraiche ensemble ! Faut pas pousser mémé et les hostilités quand même 😊. Enfin le CP2 et ma fille, puisque j’ai oublié de vous le préciser mais ce sera son CP tous les jours. Elle semble d’ailleurs s’adapter à cet univers avec une grande facilité et apparemment toutes les coureuses et tous les coureurs semblent l’apprécier. Re pause thé glacé parce que je sais qu’il faut prendre des forces, 6km de montée sèche (enfin c’est une façon de parler vu le taux d’humidité !) nous attend.
Pour celles et ceux qui connaissent le trail Verbier St Bernard, cette partie m’a rappelé la Chaux… qui m’avait valu un de mes plus beaux titres en mode « la Chaux m’a cramer ». Sachant que nous sommes au Vietnam et qu’ici les américains ont remplacé la chaux par le napalm, je vais éviter les jeux de mots et autres rimes totalement déplacées… On va plutôt résumer la situation à une seule phrase : « bordel mais ça n’en finit jamais ce truc ? ». Je me refuse à regarder ma montre pour ne pas me filer le bourdon mais je sais que je bats des records de lenteur même si j’essaye de garder un rythme le plus régulière possible. Enfin je suis en haut ! Patrick délire complètement en nous disant que ça commence à monter au 39ème… Nan mais ça ne va pas la tête mon garçon… Si ce qu’on est en train de faire n’est pas une montée, c’est quoi le programme après ? L’Everest, les crampons et les doudounes ? Dieu merci il a tort et nous arrivons sur une petite portion de route où Jérôme qui veille sur ses ouailles nous confirme bien sur que maintenant ça descend enfin. On s’élance avec Jeff dans ce qui est quand même bien une purée de pois.
On a perdu Patrick mais Jeff semble être en mode déchaîné alors je m’accroche. Enfin très vite, je marque un arrêt pour sortir ma frontale. Il fait encore jour mais là franchement avec le brouillard environnant et les scooters qui surgissent de nulle part, on va arrêter les conneries. J’en viens à regretter de n’avoir pas pris ma petite lampe clignotante pour me signaler des véhicules arrivant dans mon dos. Heureusement ça ne dure pas très longtemps et nous revoilà sur le chemin… Enfin heureusement… Je ne vais être heureuse que quelques minutes, le temps de réaliser que si la glaise est pénible en montée, elle est carrément ingérable en descente ! Je passe de longues minutes à maudire mes chaussures, mon choix d’avoir laissé mes bâtons à la maison, le bon dieu qui a eu l’idée saugrenue de foutre des épines sur ces foutues branches auxquelles je m’accroche pour éviter de me vautrer lamentablement… Ah tiens cool, y a un chemin en ciment ça va être plus confortable ! Mais bordel qui a foutu de la mousse dessus… C’était vraiment indispensable ? Quelqu’un là-haut veut absolument que je me casse le coccyx c’est ça ? C’est bien simple, on compte tous les kilomètres avec Jeff et enfin la délivrance, la ligne d’arrivée est là ! Alléluia ! Ce n’est pas aujourd’hui que mon coccyx tu auras 😊. Douche, nouilles, repos, réchaud, repas, une tisane, les dents et au lit, demain c’est easy, y a que 35km !

Etape 3
La naïveté de la blonde… Je vous jure… 35km et je me dis, youpi, on va faire ça « rapido le zoo ». Aujourd’hui encore j’en rigole, surtout quand je regarde ma trace garmin ! Au départ tout va bien, on alterne des passages sur des petites routes et des chemins entre les rizières. Certes la bande de terre n’est pas très large, rendant la foulée plus hésitante mais les paysages sont toujours aussi superbes et je me laisse porter. Le CP 1 est là plutôt rapidement, le CP2 n’étant qu’à 16km du départ pour des questions de logistique, là aussi je le rejoins en temps et en heure pour la barrière horaire du jour. On se fait notre petite pause thé traditionnel avec Patrick juste avant mais cela ne m’empêche pas de me renseigner pour savoir si on pourra trouver quelque chose après la grosse difficulté du jour au cas où. Je ne me doute pas de ce qui m’attend… On attaque la partie jungle de la journée mais alors que je m’attendais à quelque chose de compliqué, je ne m’attendais quand même pas à un truc pareil. C’est comme le Jungle Marathon mais en mode vertical… Je veux bien mais je gère ça comment moi avec mon sac sur le dos qui me déséquilibre et ma jupette toute propre ? On se retrouve même devant des cordes auxquelles on s’agrippe en mode rappel. Quand on connait la force que j’ai dans les bras, je peux vous dire que c’est tout sauf facile pour moi. On s’entraide comme on peut avec Patrick, pour se sécuriser mais j’avoue que je n’en mène pas large. Surtout que la fatigue des jours précédents se fait forcément cruellement sentir.
Alors que nous avançons en mode tortue, j’entends crier un peu plus haut. A ma grande surprise je vois débarquer Jeff en mode excitée, Monica qui devrait être presque arrivée au camp si la tradition était respectée, et j’entends un coureur italien qui profère des mots qu’il n’est pas compliqué de comprendre même si tu ne parles pas la langue. Mais ma plus grande surprise vient du fait qu’un des bénévoles chargés du contrôle du balisage est là lui aussi. Mais c’est quoi ce bordel ??? Monica parlant un peu français m’explique qu’ils jardinent un peu plus haut depuis un moment sans trouver de balisage. Tout le monde s’agite, ça crie et ça s’énerve. J’explore un peu les environs et force est constater qu’il n’y a rien aux alentours. Je demande donc à tout le monde de s’asseoir et d’attendre que le baliseur qui a un talkie sur lui règle le problème. Je ne vois pas où est l’intérêt de s’agiter dans tous les sens et de prendre des risques alors que nous sommes avec quelqu’un de l’orga dont c’est le rôle de nous sortir de là. Il part d’ailleurs plus bas pour tenter de comprendre ce qui se passe, après que nous ayons compris que c’est lui qui venait de rajouter les balises que nous avions donc à tort suivi. Monica essaye de téléphoner sans succès et moi je mange des m&m’s.
Comme je l’espérais, notre baliseur réapparaît et nous explique qu’il y a eu un souci à un embranchement. De façon naturelle, nos pas nous conduisaient à gauche alors qu’il fallait aller à droite. Après réflexion, je pense que ce qui s’est passé, c’est que le petit groupe s’est engagé à gauche par erreur. Le baliseur qui n’est là que pour renforcer le « dit » balisage a suivi le mouvement et ne voyant rien a rajouté des balises entraînant la confusion pour ceux qui redescendaient et pour ceux comme nous qui montions. On redescend tous, on prend le fameux chemin à droite et tout reprend un cours normal. On croise même Jérôme qui s’inquiétant de ne voir venir personne venait à notre rencontre. Il nous reste presque 3km de joyeux bordel mais au moins nous sommes sur le bon chemin. Je prends la tête du petit groupe et je finis par arriver sur la route où m’attendent ma fille et Bruno. J’apprends que les deux premiers ne sont toujours pas réapparus, ce qui est très inquiétant et semble déjà indiquer qu’ils ont surement fait le choix de continuer sans revenir sur leurs pas… et qu’ils doivent être en mode jardinage intensif vu le bordel qui règne là-haut. En attendant, moi je repars pour ce que je sais être un long chemin en mode roulant certes mais en mode grimpant quand même.
Comment te remettre à ta place quand tu te plains de ton sac trop lourd… Saleté de boue ! Saleté de cailloux ! PATRIIIICK ! (bon faut avoir mon âge pour comprendre !) Je fais ma Marine 🙂
Arrivant dans un village un bénévole vietnamien m’indique le chemin à suivre. J’en profite pour lui demander s’il y a de quoi boire ici. Il m’emmène dans ce qu’on ne peut pas qualifier de boutique au sens où on l’entend chez nous. Quelques étagères, 3 bouteilles d’huile, quelques paquets de nouilles et des petites bouteilles de thé pas fraîches. Pas grave, ça fera l’affaire pour le moment. Je repars mais je comprends très vite que cela va être vraiment difficile pour les kilomètres restant. J’ai épuisé mes réserves dans la jungle, mon manque d’entrainement se fait forcément sentir mais oui bon ok j’avoue… sentir que Paula est dans mes pas, pas très loin derrière moi me donne envie de ne rien lâcher pour autant. Jérôme nous avait prévenu au briefing, après un dernier village, on attaquait une montée qui n’en finissait pas, un truc à le maudire avec des virages qui te donnent le sentiment que tu es arrivé mais oups, surprise, même pas, des virages y en a encore ! Sachant que pour compléter le tableau il y a du brouillard et une visibilité un peu réduite. Ah un village beaucoup plus grand que le précédent et oh miracle j’aperçois une boutique. Un jeune homme vient à ma rencontre. Je lui montre les bouteilles de thé sur une étagère et je lui demande s’il en a des « fresh ». Après un moment d’hésitation, il se dirige vers un gros frigo au fond du magasin et l’ouvre pour me montrer son contenu… Une bonne vingtaine de poissons géants congelés attendent de finir en poisson pané. Nan j’ai dit fresh, pas fish ! Il explose de rire et ouvre l’autre partie du frigo et je trouve mes fameuses bouteilles de thé, je suis sauvée. Je rajoute un paquet de trucs qui semblent être du maïs soufflé. Je n’ai pas spécialement faim mais là j’ai besoin d’un truc spécial remonte moral en mode « le glutamate est mon ami », mes m&m’s ne me faisant pas envie à cet instant. Je repars, enfin prête à affronter la dernière ligne droite. Bon je m’accroche, il faut que je prenne un rythme correct et que je m’y tienne, sinon ça ne va jamais finir ce truc. J’ai déjà un chrono totalement dingue qui dépasse tout ce que j’ai déjà fait à ce jour pour 35km, pas la peine d’aggraver mon cas. Je décide de dégainer l’arme fatale à savoir ma musique pour me donner un rythme et surtout m’éviter de penser. Seulement voilà, forcément ma saloperie de google music ne s’est pas mis à jour et je n’ai pas accès à ma playlist. Ne me demandez pas comment ça marche, je ne sais pas, je sais juste que ça ne marche jamais quand j’en ai besoin ! Mon esprit totalement malade et surement en manque de sucre me fait penser que j’ai sur Netflix chargé « Burlesque » et qu’en bonne comédie musicale, ça chante plus que ça ne parle. Voilà comment je me suis retrouvée à regarder Christina Aguilera se trémoussant sur « Diamonds are the girl’s best friends ». Il faut savoir que je suis fan de comédies musicales américaines du genre, ne cherchez pas à comprendre c’est comme ça, y a des trucs qu’il ne faut pas chercher à expliquer. Me voilà donc chantant à tue-tête, massacrant allègrement ces chansons qui sont toutes des grands classiques sans me préoccuper une seule seconde de ce qui se passe autour de moi. Je suis sur une petite route perdue de la campagne vietnamienne de toute façon, je me pense seule au monde alors j’en profite.

C’est alors que je sors d’un virage toujours aussi bruyamment que je tombe nez à nez avec une femme qui travaille dans un champ. Elle semble avoir mon âge ou un peu plus et me regarde fixement. Je débranche alors mes écouteurs, mets la musique à fond pour qu’elle comprenne ce que je suis en train de faire et tant qu’à y être dans le délire, je fais quelques pas de danse de la chorégraphie que je connais par cœur. Elle me regarde toujours fixement… éclate de rire et se met à danser elle-aussi en se servant du manche de sa bêche comme pole danse. J’éclate de rire à mon tour, lui fais une petite révérence et je repars gaiement. Elle reprend son travail au champ. Notre rencontre n’aura duré que quelques secondes mais restera à jamais gravée dans ma mémoire. Voilà pourquoi je fais ce genre de courses, pour vivre ces moments, ses rencontres totalement improbables.
Quand le 4×4 où ma fille et deux coureuses qui n’ont pas passé la barrière horaire arrive à mon niveau, je lui explique rapidement que je regarde un film et que tout va bien. Je pense qu’elle me prend pour une cinglée totale mais j’ai un peu l’habitude 😊. J’aperçois Monica qui est avec mon mari venu à sa rencontre. Je reste en retrait, je sais que l’arrivée est proche. Enfin cette foutue ligne est là… 8h30 pour faire 35km… Bordel mais comment un truc pareil est possible ? J’arrive dans le dortoir, cherche le tapis de Manu puisque généralement il me réserve celui à côté du sien mais rien… (pas pour ce que vous pensez ! Il ne parle pas anglais, je joue les traductrices, ce qui est à hurler de rire quand on connait mon niveau mais je suis quand même meilleure que lui !). Le dortoir est quasi vide. Mais où sont-ils tous ? Je comprends rapidement que je suis finalement dans les premières mais que plus grave, Manu et Sacha le coureur allemand, deuxième au général ont été portés manquants un sacré bout de temps. Je mets en place ma routine et j’attends… J’attends… Je fais chauffer de l’eau pour que lorsqu’il arrive, il puisse manger rapidement pour récupérer. Les coureurs arrivent les uns après les autres mais toujours pas de Manu.
Enfin j’entends des cris, ils sont là tous les deux épuisés, griffés de partout. On sent qu’ils ont galéré pour en arriver là mais au moins tout le monde est au camp, et c’est bien ça le principal. Ils ont eu le même souci de balisage que nous mais ils ont continué, cherchant à redescendre de la montagne par l’autre versant. Bon tout ça c’est leur histoire et je ne suis pas là pour raconter la course des autres, c’est à eux de le faire. Moi tout ce que je peux, c’est lui remonter le moral et prendre soin de lui pour qu’il reparte dans les meilleures conditions possibles le lendemain matin. Je me couche et entame joyeusement ma deuxième nuit blanche de la course. Youpi… Il est temps que ça se termine cette histoire !
Etape 4
43km… Rien que d’y penser j’ai juste envie de me recoucher. D’ailleurs, c’est ce que je fais pour tenter de sécher un peu ma tenue qui est restée trempée malgré une nuit passée à l’intérieur. Le dénivelé est correct, le parcours annoncé roulant, sur le papier c’est facile. En pratique c’est forcément un peu plus compliqué après une journée qui nous a tous un peu épuisé. Mais la perspective que cette étape est la dernière et que ce soir je dors dans un vrai lit dans un superbe hôtel me donne la force de me bouger un peu. Alors que le départ est donné et que je pars en mode échauffement pour mettre la machine en route, j’aperçois Paula qui est en mode déchaînée. Mais elle joue à quoi aujourd’hui là ? Je suis en mode calcul mental ou tout du moins tentative et je me maudis un peu d’avoir pris les choses un peu trop à la légère en n’allant pas voir quel est exactement notre écart au général. Mince alors… Je ne vais quand même pas me faire prendre ma seconde place le dernier jour quand même ? Je sais que c’est le jeu ma brave Lucette et que la meilleure gagne mais je ne vais pas vous mentir, ça me gonfle sérieusement cette affaire.
Maintenant y a la théorie et la pratique… Et la pratique me rappelle que c’est le 4ème jour et que mon corps ne fait pas tout ce que je lui dis de faire. Je m’accroche et même si pour le moment je n’arrive pas à la doubler, je reste derrière en embuscade pour qu’elle comprenne bien que je ne compte pas non plus me laisser faire. Nan parce que bon la solidarité féminine et tout et tout ça va bien deux minutes ! Mon expérience paye et au premier CP j’ai repris la main. Je m’offre mon thé vert journalier et je repars pour ce qui s’annonce une descente de dingue sur 8km. Oui vous avez bien lu… 8km ! Je pensais que ce serait roulant, c’est en réalité caillouteux mais le temps est superbe, la forêt incroyable et je suis seule au monde. Je ne vais pas trop vite pour éviter la chute idiote le dernier jour mais j’avance. La chaleur commence à faire des siennes et je comprends vite qu’il va falloir éviter de trop traîner en route pour ne pas trop en souffrir.
La beauté de ce pays… Parait que c’est une route… Tapis de fleurs ! Ah ben si… C’est une route finalement ! Le monde entier est un cactus… Parait que ça se mange… Même les cimetières sont beaux ! Réunion de famille !
CP2, ma fille est là et m’annonce qu’il y a un café juste à côté où je peux trouver un coca frais. En deux secondes je percute que je ne mange plus vraiment, la chaleur me coupe un peu l’appétit mais il reste quand même 13km à parcourir donc une belle grimpette dans une forêt. Je renonce donc à mon thé pour une fameuse canette rouge et je repars. Nous sommes à Maï Chau, la ville qui se situe en réalité à quelques kilomètres à peine de notre hôtel mais on nous fait faire tout un détour à travers les reliefs et la forêt environnante. Je suis une petite route parallèle à la grande qui traverse ce que je pourrais qualifier de faubourgs de la ville. Il fait chaud, les gens se sont mis à l’abri dans leur maison. Il n’y a pas grand monde dans la rue, même les chiens restent planqués à l’ombre dans les cours. J’entends un peu de bruit au loin au niveau de la rivière que je suis en train de longer. J’arrive enfin devant ce que je pourrais qualifier de lavoir séparé d’un grand mur. De mon côté il y a plusieurs hommes qui se lavent et très vite je comprends que si les hommes sont d’un côté, les femmes sont forcément de l’autre. Bingo ! Je pose mon sac et file sans demander mon reste me baigner dans cette eau fraîche dont j’ai tant besoin. Les femmes éclatent de rire, me parlent sans que je les comprenne. L’une a les seins nus, elle est en train de se laver les cheveux, elle me tend alors sa bouteille de shampoing. Oui bon ok j’ai compris les filles, je pue c’est ça ? Je ressors, remets mon sac et repars en les saluant. Je cours pour éliminer l’eau de mes chaussures, afin d’arriver en forêt les pieds les plus secs possibles.
J’attaque la forêt et après quelques kilomètres je me retrouve devant une petite clairière où je découvre une petite maison traditionnelle en bois sur pilotis, une petite mare avec 3 canards, des poules qui surveillent quelques poussins, un coq en balade, une vache qui mange tranquillement et un couple tellement vieux que tu ne peux plus lui donner d’âge. Ils vivent là, sans électricité apparemment puisqu’aucun fil électrique n’est visible à l’horizon. Ou comment te remettre à ta place en quelques secondes… Je les salue, désolée d’avoir perturbé leur tranquillité et je file un peu plus haut dans la forêt.
En mode point de croix !
Je finis par suivre une canalisation le long d’un petit chemin et tout d’un coup, je tombe nez à nez avec une femme qui brode tranquillement, assise à l’ombre d’un arbre. Je m’arrête quelques instants, demande si je peux prendre une photo de son travail et elle déplie son ouvrage pour que je puisse bien le voir. Décidément c’est le jour des rencontres improbables ! Et ça n’est pas fini. Alors que je rejoins un village qui semble endormi, j’aperçois des femmes, assises à l’entrée de leur maison. Elles sont là à même le sol, cherchant surement un peu de fraîcheur sur le carrelage. Et elles brodent… Toutes les femmes que je vais croiser cet après-midi là occupent les heures chaudes de la journée en brodant en groupe et en papotant. Là encore je vais à leur rencontre, sors mon téléphone pour la photo et là encore, très fières elles me déplient leur ouvrage. J’adore définitivement cette course qui me permet des rencontres totalement improbables.
Alors que je dois être à 5 ou 6km de l’arrivée, j’aperçois une silhouette que je reconnais immédiatement. Monica est juste devant moi et il est facile de comprendre qu’elle est à la peine. C’est roulant, c’est même une route et elle marche, vite certes, mais elle marche. Je la rejoins en quelques foulées et je lui propose qu’on termine ensemble toutes les deux. J’avoue que je suis ravie d’être tombée sur elle. Autant j’adore faire une course seule, autant je déteste la terminer seule. Nous papotons gentiment, elle me parle montagne, Mont Rose et tutti quanti, je lui parle de ma vie. Cela lui change un peu les idées parce que très clairement la chaleur n’a pas l’air d’être sa meilleure amie ce jour-là. Allez un petit tour dans une rizière et nous apercevons au loin la ligne d’arrivée. Nous la passons main dans la main, voilà c’est fini. Ma fille est bien là pour m’embrasser comme la famille de Monica. On fait quelques photos et je file faire ce dont je rêve depuis plusieurs heures déjà : virer ses fringues qui puent, ces chaussures que je ne peux plus voir en peinture et prendre une douche !!!
Youpi c’est fini ! A défaut de Mac Do… Tout ça pour ça !
Voilà l’Ultra Asia c’est déjà fini. J’ai adoré cette course, partagé quelques instants la vie des vietnamiens, leur quotidien même si cela n’est rien au regard de leur réalité. Voir les enfants partir à 6h30 du matin pour aller à l’école… Voir ces femmes et ces hommes partir dans les rizières tout aussi tôt… Voir ces enfants en bas âge trottiner devant les maisons sans couches puisqu’ils pratiquent le HNI ou hygiène naturelle infantile comme les scientifiques l’appellent, ils sont propres à un âge où pourtant chez nous on nous apprend dans les cabinets de pédiatres que ce n’est pas possible physiologiquement parlant.
Cette course fut une vraie belle course de rencontres humaines avant tout, que ce soit du côté des coureurs mais aussi du côté des spectateurs d’un jour. SI votre truc c’est le barnum et les hélicos, passez votre chemin… Si vous avez envie de remettre l’humain au centre de votre passion, n’hésitez pas à venir les rejoindre, ces courses sont faites pour vous. J’ai vécu un moment unique vécu avec ma fille qui découvrait mon univers à cette occasion. A la base ça devait être ma dernière course en étapes mais problème, elle a tellement adoré cette expérience qu’elle a commencé à parler du Mozambique, autre destination organisée par Canal Aventure… C’est malin