Run : Mile & Stone le débrief

Je tenais à revenir sur un événement professionnel où j’ai eu la chance d’être invitée pour porter la voix des femmes dans le monde du trail, mais comme je n’allais pas venir pour une heure, je suis bien entendue restée sur place toute la journée pour profiter des interventions ultra enrichissantes des speakers invités. Je vous fais un petit débrief puisque cela vous concerne aussi, puisque pour beaucoup vous êtes aussi accro à cette merveilleuse activité outdoor baptisée Trail running !

Mile & Stones

C’est quoi ?

Avant d’aller plus loin je prends quelques instants pour vous parler de l’événement en lui même. Après avoir lancé avec succès l’équivalent dans le monde de la voile, à savoir Tip & Shaft qui en quelques années est devenu un média de la voile incontournable avec une newsletter, des events pro mais aussi des podcasts, l’idée de décliner le projet dans l’univers trail est venu avant tout d’un projet plutôt simple : plusieurs membres de la société étant des traileurs passionnés (et plutôt bons traileurs d’ailleurs) alors pourquoi ne pas allier passion et projet pro ? Une newsletter a été lancée il y a quelques mois, et aujourd’hui en toute logique, un événement organisé pour les pro a donc vu le jour à Annecy. L’expérience devrait être renouvelée tous les ans pour faire un état des lieux du côté des marques et des organisateurs, pour en faire une boite à idées dans laquelle les professionnels pourront venir faire « leur marché » sur les sujets qui les concernent.

Les sujets abordés

Je ne vais pas vous faire un débrief de tout ce qui s’est dit, mais uniquement de ceux qui m’ont le plus intéressée à savoir : le trail aux JO, rêve ou réalité ? L’écologie dans l’univers du trail, rêve ou réalité ? Plus de femmes sur les lignes de départ, rêve ou réalité 🙂

Le Trail aux Jeux Olympiques : rêve ou réalité ?

Pour les JO, nous avions la chance d’avoir Michel Desbordes, professeur à Paris Saclay en marketing du sport et deux de ses élèves (big up à Constance Dusser et Nicolas Lenoir !) qui ont eu la lourde tache de faire un petit tour d’horizon de l’état des lieux des nouveaux sports arrivés dans l’écosystème des JO afin de recueillir leurs ressentis et leurs conseils si cela devait nous concerner un jour. J’ai trouvé cela très intéressant parce que cela allait parfois un peu à l’encontre de ce qu’on lit ou ce qu’on entend. Systématiquement quand j’aborde le sujet, on me parle VTT où là clairement cela semble s’être mal passé mais prenons le triathlon : aujourd’hui personne ne remet en cause le format olympique qui a donc été créé pour répondre aux critères du CIO. Donc si on veut, on peut trouver en se posant deux minutes une solution qui peut satisfaire pas mal de monde.

Mon avis est le suivant : aujourd’hui quand on pense champions de trail, trop souvent on pense champion d’ultra trail… Comme si en dessous de 170 bornes tu ne pouvais pas être un champion. On a déjà les Golden Trail series qui ont permis de remettre un peu de distances « raisonnables » là dedans mais je pense que vous comprenez parfaitement de quoi je parle. Le trail aux JO permettrait de voir naître une génération de champions qui pourrait rêver de décrocher une médaille si symbolique sur 30 ou 40km et ça serait déjà pas mal. Pourquoi une courte distance me direz vous ? Parce que les mesures de sécurité exigées par le CIO ne permettrait pas de sécuriser un parcours plus long. Et c’est d’ailleurs là que ça pêche un peu… Comment sécuriser un parcours aussi long sans en passer par un système de boucles ? C’est le vrai point noir du dossier.

Vous pouvez consulter la présentation ici pour vous faire votre propre opinion

Le trail peut-il être écolo ?

L’écologie dans l’univers du trail est forcément un sujet qui nous concerne tous puisque nous aimons ce sport pour son côté nature, et c’est tout le paradoxe d’avoir à adopter un comportement qui n’est pas écologique pour en profiter pleinement. Concrètement cela donne quoi ? Toutes les courses qui ont eu le courage de faire calculer leur empreinte carbone arrivent à la même conclusion : 80% de leur empreinte carbone est attribuée aux transports. Je vous vois venir, « forcément avec l’UTMB qui nous oblige à aller au bout du monde chercher nos runnings stones… ». Alors déjà vous êtes français donc non, vous pouvez rester en France pour les collecter et vous pouvez le faire en train en rajoutant même la Suisse dans votre to do list sans problème. Et si les enfants de Chamonix sont dramatiquement plus asthmatiques que dans le Bourbonnais c’est avant tout du côté des usines et du tunnel du Mt Blanc qu’il faut aller chercher des coupables. Mais oui, on peut et on doit mieux faire !!! Quelque soit la course, on est sur une base de 80%… Avec ce chiffre, on fait quoi ? On met en place des tarifs sur les trains (mais là cela relève de la bonne volonté de la SNCF), des navettes à l’arrivée des gares, du covoiturage, bref pleins de petites choses qui, soyons quand même parfaitement honnêtes relèvent du colibri là où il faudrait un pélican…

Pour la petite histoire, la VVX a tenté cette année une expérience : les coureurs étaient invités à renoncer à leur t-shirt sur la ligne d’arrivée. Cela permettait à l’organisation de pouvoir mesurer si le fait que le t-shirt finisher disparaisse serait jouable. J’ai fait partie bien entendu de ceux qui l’ont fait mais concrètement nous étions apparemment une centaine pour la globalité de l’événement… Et il suffisait de voir le nombre de t-shirts verts le lendemain de la course pour comprendre qu’entre le discours sur les RS et la réalité du terrain, il y avait encore des choses à faire. Le chantier est énorme, à n’en pas douter et à un moment il faudra bien l’admettre, notre sport pratiqué en mode compétition n’est pas compatible avec une démarche écoresponsable. A nous maintenant ou de l’assumer, ou de changer de braquet. Fun fact pour clôturer le sujet : l’empreinte carbone de l’UTMB est 10 fois inférieure à celle de Roland Garros…

La place des femmes dans l’univers du trail

Terminons par le sujet qui me concernait donc le plus puisque j’intervenais dans la table ronde, les freins qui font qu’on ne trouve toujours que 10% de femmes sur les lignes de départ des ultra trails en France. Bon à savoir : on est plus proche des 20% ailleurs dans le monde avec un big up au Québec Mega Trail qui a plus de 25% de femmes (j’ai eu la chance d’y aller le récit est ici !). On peut donc en déduire qu’il y a un problème français. Vous me connaissez j’ai vite mis les pieds dans le plat… Lorsque j’ai lancé un mini sondage sur mon insta, les réponses ont été hyper claires : la peur de ne pas trouver de toilettes est la première peur évoquée !!! Sans parler des témoignages de jeunes femmes qui ont du garder leur cup bien au delà des heures recommandées avec le risque de choc toxique à la clé parce qu’elles n’avaient pas pu trouver un lieu avec de l’eau pour la rincer. Pas de zone attribuées aux femmes pour qu’elles puissent se changer en toute intimité aux bases de vie, pas de garderie, pas de report de dossard sans frais pour cause de grossesse, bref la liste est longue mais absolument pas insurmontable. Et je tiens d’ailleurs à vous annoncer que presque tous les organisateurs de courses présents sur place sont venus me voir pour me dire qu’ils allaient se mettre au travail dès leur retour. Important quand même à préciser également, il existe déjà des trails qui ont pris conscience qu’ils devaient être pro actifs de leur côté comme l’ultra trail du Vercors pour n’en citer qu’un. Et bien entendu des associations comme celle de Sophie Power dont on connait tous la photo prise par Alexis Berg à la base de vie de Courmayeur, SheRaces font déjà un travail de communication et de lobbying important. Mais il y a encore un vrai travail à faire en France et je compte bien ne rien lâcher !

Pour finir sur le sujet, sachez que je vais travailler avec les organisateurs justement à la mise en place d’une fiche de recommandation qui sera ensuite communiquée à toutes les personnes qui seraient intéressées pour faire avancer les choses. Si vous avez des idées, commentez ici, si vous êtes un organisateur et si vous avez déjà mis en place des choses qui fonctionnent, commentez ici, bref tous les avis sont les bienvenus !

Reste bien entendu tout le travail à faire auprès des femmes elles-mêmes et ça les organisateurs ne peuvent pas tout… Le patriarcat, la charge mentale, le manque de confiance en soi… Toutes ces notions, tous ces freins doivent tomber et l’organisateur du « trail de la chouette joyeuse » ne pourra pas faire de miracle non plus.

Voilà, c’est clairement hyper résumé vous vous en doutez ! Mais je tenais à partager tout ça avec vous. Comptez sur moi pour vous tenir au courant de la suite des événements 🙂

PS : en complément je vous mets cette présentation de Miles Republic qui donne des chiffres passionnants que je vous invite tous à aller consulter !