UTMB 2022 – Episode 3 : Les coulisses de l’assistance de Casquette Verte

Maintenant que vous savez comment je me suis embarquée toute seule comme une grande dans cette aventure (à lire ici si vous l’avez raté), il est temps de passer aux choses sérieuses et que je vous raconte toute l’histoire qui n’a pas duré 24h comme on pourrait le croire mais qui a commencé une semaine avant…

Le vendredi qui précède la course, la nouvelle tombe : plusieurs routes vont être fermées, rendant l’accès à certains ravitos impossibles. J’avoue que je tombe de l’armoire mais que sur le moment, je suis toujours en mode autruche… Ils ne vont pas pouvoir faire ça aux élites, le mail que l’on a tous reçu est un mail général mais sur place on nous annoncera qu’évidemment l’assistance de Kilian et celle de ses petits camarades de jeu pourront passer. Je décide de rester dans ma bulle pour ma MCC, j’irai lundi soir chercher mon accréditation journaliste pour la semaine, j’en profiterais pour qu’on me confirme tout ça et tout ira bien à n’en pas douter.

Têtue comme une bretonne

Mais rien ne va se passer comme prévu… On me fait bien comprendre qu’il n’y aura pas d’exception même pour les élites. Et là la panique commence. Je suis en relation virtuelle pour le moment, même si nous nous sommes croisées brièvement à la VVX, avec Charline dont son Alex à elle a survolé le 224km. Après avoir vécu dans les Alpes ils se sont installés récemment à Vichy pas loin de là où j’habite. Bref tout ça pour dire que toutes les deux passons en mode « Les Contamines je t’aurais, du sais-je y aller en courant moi aussi » ! Le mardi soir, alors que je dine au chalet Compressport (je suis amie avec Valérie, en charge de leur communication), j’apprends stupéfaite que pour eux aussi pour le moment, pas de passe-droit… J’envoie des mails dans tous les sens, je passe plusieurs fois par jour à la salle presse pour plaider ma cause. Je mets toutes les personnes de la vallée que je connais sur le dossier pour essayer de nous trouver une route encore ouverte. Bref pour faire court… Je ne dors pas pendant 2 nuits, mais vraiment, je connais par cœur les cartes IGN du coin maintenant. Et comme je ne veux pas péter un plomb et risquer d’être blacklistée à vie de Chamonix, c’est mon mari qui prend mon stress quotidien et qui me rassure : « je te connais, calme-toi, tu vas trouver une solution, tu trouves toujours ». Jeudi des rumeurs circulent, les staffs des élites auraient tout de même le droit de passer… Le message officiel arrive enfin : il faut 850 de cote ITRA pour y avoir droit. Alex a 826. Douche froide, retour à la case départ sans toucher 20 000€.

Il est peut-être temps que j’éclaircisse un point d’ailleurs. Pourquoi cette obsession de prendre à tout prix sa voiture alors que l’orga propose des navettes ? Déjà parce que lorsque la nouvelle est tombée, il n’y avait plus de pass navette à vendre, ce qui règle de toute façon le problème… Ensuite, et c’est la raison principale, gérer un suivi élite en bus n’est tout simplement pas possible, malgré toute la bonne volonté du monde. Pour Courmayeur, ça passe mais pour Trient et Vallorcine, c’est tout simplement matériellement impossible. Mais attention, pas de panique, pour 95% des participants à l’UTMB, le système fonctionne très bien, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je parle bien uniquement des élites !

Désespérée, je me rends à la soirée « Thank God I’m not Racing » (oui je vous jure elle existe vraiment et elle est super sympa !) bien décidée à noyer mon désespoir dans un spritz (la bière je n’aime vraiment pas ça !) et je tombe sur Guillaume le big boss France de Compressport qui me demande où j’en suis. Parce que bon, tout Chamonix sait que je cherche une solution pour sauver le soldat Alex. Et là miracle, il me dit « Justine la femme d’Arthur (Joyeux Bouillon pour ceux qui ne le connaissent pas, il finit 7ème de cet UTMB) va aux Contamines et elle doit avoir de la place dans son van. Je lui demande et je te dis. On a une réunion vendredi matin tous ensemble pour se coordonner, je te tiens au courant ». Allez zou, on est parti pour une nouvelle nuit de stress à attendre… Vendredi matin, le sms tombe : « c’est bon, elle t’embarque mais tu dois être pile à l’heure au van, elle ne t’attendra pas ». Alléluia !!! On va enfin pouvoir se consacrer au plus important : préparer cette foutue assistance. Mais avouez quand même que question « esprit trail » on est pas mal puisque c’est une personne de la team Compressport qui a permis à une nana invitée par Hoka de pouvoir faire la première assistance d’un ambassadeur Salomon.

Vendredi matin, Alex débarque avec tous ses sacs à mon hôtel. Je lui avais proposé de venir s’y installer pour être plus proche de la ligne de départ, le chalet Salomon étant situé à Argentière. Et de toute façon, on devait se voir pour se poser un peu et organiser les prochaines 24h. Je ne vais pas vous mentir, j’appréhendais un peu puisque c’était donc sa première course avec une assistance. Mais, oh surprise, je découvre que le garçon a en réalité 3 passions : les casquettes vertes, la bière et les sacs Ziploc… Oui bon ok, il en a une 4ème mais j’ai « juré craché » de ne rien révéler ! Tout est bien rangé, étiqueté, conditionné, y a plus qu’à y aller. Il a rajouté un sac avec du vrac, boissons, « au cas où » et moi j’ai mon propre sac d’assistance avec tout le matos obligatoire en double (nous faisons la même taille ou presque, ça facilite les choses) que j’ai le droit de lui filer en cas de casse sur les bases de vie (j’ai vérifié auprès d’un commissaire de course évidemment si j’avais bien le droit de lui filer une paire de bâtons neuve si jamais les siens cassaient), de quoi soigner quelques bobos sans passer par le poste médical pour gagner du temps. J’ai même un Fixx mini de Compex pour le masser si besoin parce que lui tripoter les cuisses sales à Champex, c’était hors de question. Je l’aime bien le gamin mais faut pas pousser non plus.

Pour l’anecdote, j’avais prévu un sac spécial Contamines pour en pas débarquer chez Justine avec pleins de trucs. Je prépare une tasse remplie d’Ice Tea, la future passion de notre traileur préféré (va falloir négocier un partenariat parce que vu sa consommation, ça va représenter un beau budget à la fin de l’année tout ça) et je pose le sac sur mon lit. Sac qui se renverse… Comme tout le thé… sur ma jolie couette toute blanche… C’est toute honteuse que je quitte ma chambre après avoir tout fait pour éponger le bordel sans grand succès hélas. Si la personne qui fait le ménage à l’Hôtel Le Prieuré passe par là, je m’excuse vraiment, je ne l’ai pas fait exprès !

C’est parti Kiki !

D’ailleurs il était planqué où Kiki ?

Bon, ce n’est pas tout ça mais il faut y aller, il doit être dans son sas avant 17h30 et il doit en plus répondre à quelques questions de la team média Dacia sur le chemin (je vous raconterai comment la marque est arrivée dans l’histoire, ça mérite un petit article aussi, parce que c’est très drôle !). Très vite, je mesure l’ampleur du phénomène Casquette Verte… Selfies, signature d’autographes sur des casquettes vertes achetées spécialement pour l’occasion… C’est juste hallucinant ! Tu me diras, depuis 3 jours, depuis son annonce sur les réseaux on m’arrête dans les rues de Cham pour me demander si je suis bien la Cécile Bertin d’Alex ! Je le lâche à son sas et je file dans le mien, celui réservé aux journalistes pour suivre une partie du départ. Je sais déjà que je ne pourrais pas rester jusqu’au bout parce que je ne serai jamais à l’heure à mon rendez-vous mais je ne veux pas rater l’arrivée de l’amour de ma vie, Tim Tollefson. Oui je sais, tout le monde me l’ai déjà dit, il est marié, pas la peine de remuer le couteau dans la plaie… Tout comme moi d’ailleurs, ce qui nous fait un point commun de plus finalement !

Bref, je file par les petites rues derrière pour rejoindre le départ pour l’Aiguille du Midi où je dois rejoindre Justine, un peu frustrée d’avoir raté la folle ambiance du départ, un truc vraiment unique sur l’UTMB mais ça va m’avoir permis de ne pas assister non plus au petit délire du gamin… qui grâce à mon ignorance totale de son « exploit » a échappé à mon courroux. Si j’avais su ce qu’il a fait dans les rues de Chamonix, il aurait eu le droit à me copier 50 fois aux Contamines « on ne fait pas le kéké devant Mathieu, Jim, Zach et Kilian Jornet pour passer à la télé ». Non mais ! (Bon, j’ai eu la fin de l’histoire et franchement c’est pas sa faute à lui s’ils l’ont laissé passer devant aussi)

Merci Johan Lepianko pour cette photo iconique !

Je retrouve Justine et nous voilà parties pour St Gervais parce que je découvre que, connaissant super bien les lieux, elle a l’habitude de s’y arrêter avant de filer ventre à terre aux Contamines. Je ne vous dis pas la tête d’Alex quand il m’a vu sur le bas-côté à la sortie de la ville en train de l’encourager. On repart, on se gare et on file le plus vite possible parce qu’on sait qu’ils vont arriver vite. Je retrouve Charline qui est déjà en place et après quelques minutes d’attente, enfin nous avons le droit de rentrer. Alors je vous explique parce que tout le monde ne connait pas les codes de l’UTMB. Pour éviter ou tout du moins limiter le bordel, les assistances ont le droit de rentrer 20 min avant l’arrivée de leur coureur (je ne vais pas mettre le féminin à chaque fois, vous avez compris qu’évidement je parle en général, ne me sortez pas l’écriture inclusive tout ça tout ça, je suis dans le feu de l’action là). Le souci c’est que ce temps est calqué sur l’estimation de Live Trail. S’il arrive qu’on attende plus de 20 min, le gros souci c’est quand ton coureur arrive largement avant le temps estimé… Notez-le pour plus tard, vous comprendrez.

On s’installe tant bien que mal avec Charline sur nos petits bancs et nous enclenchons le mode suricate. Le hasard complètement dingue, c’est que nos deux Alex vont en réalité presque faire toute la course ensemble. Ils arrivent donc tous les deux quasiment en même temps. J’ai le cardio au taquet, il faut faire vite mais bien. Flasques vides enlevées, remplacées, gels, sel… Il enfile son t-shirt manches longues pour attaquer la nuit, on installe sa frontale… Il boit son Ice Tea, il me claque une bise (oh trop mignon le garçon ! #coeurcoréenaveclesdoigts) et il file. On se regarde avec Charline, ça a duré quelques minutes, 2, 3 max et paf c’est fini. La pression redescend, il est temps de tout ranger et de filer rejoindre Justine pour rentrer à Chamonix où nos routes vont se séparer.

Avant que vous posiez la question, je vais éclaircir ce point. Pourquoi ne pas avoir fait toute l’assistance avec elle, histoire de covoiturer ? Tout simplement parce qu’Arthur est meilleur coureur qu’Alex, il finit 7ème cet UTMB. Si pour les deux premiers, c’est peut-être jouable, pour la suite ça ne l’est plus du tout et je me serai retrouvée toute seule sans voiture à Champex-lac, parce qu’elle aurait dû filer sans moi. Je me retrouve donc dans les rues de Chamonix, il est presque 23h et je me sens mal. Je suis nauséeuse… Comme la probabilité que je sois enceinte est exclue, merci la ménopause, il faut chercher d’autres pistes. Et là je commence à réfléchir : tu ne ferais pas une petite hypo ? ben non ce n’est pas possible, tu as mangé un super riz sauté au resto thaï à côté de la gare. Mais c’était quand ça déjà ? Oh bordel, j’ai déjeuné là-bas, pas diné ! ». Le Mc Do est assiégé par tous ceux qui finissent la CCC ou qui attendent quelqu’un qui finit la CCC. Je finis par manger un panini et un paquet de chips avant de filer chercher ma voiture. Le plan est simple : filer à Courmayeur, me garer, regarder live trail pour voir l’horaire d’arrivée estimé et tenter de dormir un peu à l’arrière de la voiture. 1h du mat, je tente de fermer les yeux. 2h, ça s’agite autour de la voiture, les premiers sont annoncés à Courmayeur. Bon ben on va aller voir Kiki, Jim et les autres alors. Je prends toutes mes affaires pour ne pas avoir à revenir et je file. Grâce à mon moultipass (je sais… je vais beaucoup au ciné) je peux rentrer dans la salle tout de suite.

C’est toujours impressionnant à observer d’ailleurs, j’adore cette pression… et franchement je les plains aussi d’avoir tout le temps des caméras autour d’eux qui commentent les moindres faits et gestes de ces « ultraterrestres ». Bon, c’est bien gentil les mobylettes mais je me prendrais bien un petit cappuccino moi ! C’est la spécificité de cette base de vie, la présence d’un bar qui fait les meilleurs cappuccinos de la terre et qui vend aussi des croissants délicieux, et ça toute la nuit. Les couloirs autour du lieu sont envahis de dormeurs, qui ont préféré venir s’installer ici pour se reposer avant l’arrivée de leur champion. Je retourne dans la grande salle, fait quelques vidéos pour le compte Dacia France afin d’expliquer un peu l’organisation de la plus grande base de vie de l’UTMB et je fais les 100 pas en consultant Live trail comme une forcenée… Bon il arrive quand le gamin ? Je lui avais dit tu ne rentres pas après minuit !

Enfin c’est à mon tour de rentrer sur zone. L’avantage à Courmayeur (et surtout l’avantage d’avoir un coureur « rapide » à gérer) c’est que tu as de grandes tables à dispo, idéales pour étaler tout ton bordel afin que le coureur n’ait pas besoin de te demander des trucs. Flasques neuves, gels neufs, on reprend nos habitudes mais pour la première fois, Alex mange du riz parce qu’il faut absolument qu’il mange. Ce ravito est capital pour la suite de la course. Il est aussi super délicat à gérer parce qu’il faut à la fois prendre le temps mais ne pas en perdre non plus. C’est un juste équilibre qui est loin d’être simple à gérer, que ce soit pour le coureur mais aussi pour son assistance. Il faut à la fois cocooner et foutre dehors dans la foulée. J’annonce à Alex que finalement je ne pourrais pas aller à la Fouly, j’ai des infos contradictoires sur l’état de la route, je ne veux pas prendre le moindre risque finalement. Je préfère filer à Champex tout de suite, surtout que de toute façon à la Fouly, je lui faisais juste coucou, l’assistance y est interdite. Oui, bon ok, j’avais surtout en tête de m’offrir mon deuxième cappuccino de la journée face à la montagne à la terrasse de l’auberge des Glaciers, mon endroit préféré dans le coin. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois ! Si je l’avais trouvé « fragile » je prenais le risque mais là je commence à voir dans son regard un truc, une étincelle et je sens déjà qu’il va se passer quelque chose cette nuit d’inattendu… et je ne vais pas être déçue ! Il repart, se fait contrôler comme tous les coureurs avant lui pour son matos obligatoire. Les commissaires raconteront plus tard qu’après toutes les élites ultra organisées qui le passent en une fraction de seconde, Alex sera le seul à devoir sortir tout son bordel pour trouver ce qui lui était demandé. On a donc ce point à améliorer pour aller chercher le top 10 l’année prochaine !

Cette décision de changer de plan a un impact direct sur mon plan de route. Je devais passer par le col du Grand St Bernard mais là aucun intérêt, il est plus rapide de passer par le tunnel du Mt Blanc et de repartir vers Martigny. Mais j’avais pris un ticket pour un aller simple… Le truc bien couillon s’il en est… Mais je tente au guichet le « désolée je me suis trompée, je fais l’assistance sur l’UTMB » et la gentille dame me dit « pas de souci, vous avez bien toujours votre ticket ? ». Cool ! C’est toujours ça de gagné ! Sur le papier je pouvais m’arrêter à Chamonix mais je décide, je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs à ce moment-là de filer directement en Suisse. Sans le savoir, c’est ce qui va me sauver parce que j’ai totalement zappé l’horaire de fermeture de la route à Orsières. Bon tu me diras, je ne suis pas passée à l’aller à Orsières… J’ai piqué tout de suite à droite, sans réfléchir sur la route que je prends tout le temps et où je m’amuse, j’avoue, à jouer les Sébastien Loeb d’opérette. Sauf que j’ai juste loupé un truc… Le panneau où il y a écrit « attention travaux, la route est fermée à hauteur de »… Je ne sais plus mais de toute façon ça ne me parlait pas. Et évidemment à un moment, ça coince… Je suis devant le fameux panneau « route fermée ». Pas envie de refaire tout le chemin dans l’autre sens et sincèrement je ne me voyais même pas faire un demi-tour en pleine montagne sur un tout petit bout de route. Oui bon ok… J’y suis allée au culot et ça passait ! Pourvu que la maréchaussée suisse ne passe pas par-là, je suis bonne pour un PV !

Ouh ouh y a quelqu’un ???

Bref, j’arrive à Champex au petit matin, arrêt à la boulangerie, parce que le panini est loin. J’avoue Alex je ne te l’ai pas dit mais je t’avais acheté dans le doute un croissant et un petit pain au lait… seulement j’ai tout mangé avant que tu arrives ! Je suis tellement matinale que vous savez quoi ? Le ravito n’est même pas encore ouvert !!! Je retrouve mes bénévoles préférés que je connais puisque je suis là tous les ans maintenant. Le fameux Léon, qui a donné son nom la Petite Trotte à Léon est aussi là, ça papote, je m’offre un thé, bref la belle vie quoi. Les premiers vont bientôt arriver, leur assistance est déjà là et installe les tables. Le speaker est ravi et nous régale de ses commentaires absolument uniques au monde. Yohann Metay accroche-toi à ton pinceau, la concurrence arrive ! J’en profite pour faire quelques photos, j’ai une passion pour les tables de ravito, ne cherchez pas c’est comme ça. Observer les différents protocoles alimentaires des élites me fascine toujours. J’ai la riche idée de poster celle de Kilian sur les réseaux, je n’aurais pas dû… J’ai ouvert la boite de pandore sans vouloir, même si dieu merci, les caméramans qui le suivent pour le direct feront de même quelques minutes plus tard. C’est pas moi, c’est eux ! Débrouillez-vous avec ça.

Charline arrive et nous attendons notre autorisation pour rentrer sur zone. Ah oui, tiens j’ai oublié de préciser un truc : même si mon moultipass me permet de naviguer sur le ravitaillement comme je le souhaite pour faire mon métier de journaliste, bien entendu, je respecte totalement les règles et jamais je ne m’installe avant l’heure autorisée. Sauf que là franchement ça aurait été une bonne chose. Alors que je suis en train de déballer mon bordel, j’entends Charline crier « il est là, il est là ». Je me retourne persuadée qu’elle parle de son Alex mais pas du tout, c’est le mien qui déboule 20 min avant l’heure prévue ! Et il est carrément chaud comme une barraque à frites. Ce sera notre ravito le plus chaotique de la journée puisque rien n’est prêt évidemment mais je comprends qu’à partir de maintenant, il va falloir jouer avec l’appétit grandissant du gamin qui a l’air bien décidé à aller attaquer le classement… Chouette ça me plait ! Parce que moi j’étais venue pour ça 😊.

Tu la sens la panique à bord là ?

Je range tout mon bordel et je rejoins une nouvelle arrivante dans l’aventure, à savoir une membre de la team Salomon elle aussi, et donc excellente traileuse s’il en est, qui va devenir ma coéquipière pour le reste de la balade. Sa présence m’arrange pour deux choses : la première et non des moindres la sécurité… J’ai juste « dormi » une heure sur la banquette de ma voiture et les petites routes de montagne restent dangereuses, en cas de fatigue, je pourrais lui passer le volant. La deuxième, il faut se rendre à l’évidence, si je veux des vidéos et des photos souvenirs il faut quelqu’un qui gère ça pour moi. Bref, j’ai embauché une super assistante moi aussi quoi ! Trient nous voici, nous voilà ! Fun fact du moment, je me retrouve la même place que pour mon assistance de la CCC, celle d’un copain qui visait un temps précis et qui l’a atteint. J’y vois un signe du destin !

Il faut savoir que ce ravito est plutôt petit, voir même très petit. Quand il y a du monde ça devient même légèrement chaotique mais bon l’ambiance est là, avec la musique et la raclette qui coule à flot. Le souci, c’est que justement il est petit et que la gentille bénévole à l’entrée joue les cerbères. Après le coup de Champex il est hors de question qu’on se fasse encore avoir et je ne lâche rien. De toute façon les tables sont vides, alors autant les occuper non ? Avec Charline on s’installe dans le fond toutes les deux parce qu’on sent que nos Alex vont arriver ensemble. Elle a en plus la chance d’avoir des espions sur le parcours qui sont là pour nous prévenir en amont de l’arrivée de nos champions. Là encore il ne faut pas rater ce ravito parce que tout commence à vraiment se jouer. Place après place, Alex remonte, tel Pac Man et il lui faut du carburant. Il me dit qu’il est tombé, je checke rapidement mais je décide de le laisser repartir comme ça. J’ai de quoi soigner mais je pense vraiment à ce moment-là que les endorphines font faire le job. C’est un pari qu’on fait tous les deux et qui se révèlera gagnant finalement. Flasques, riz, gels, un peu de pastèque récupérée au ravito, Ice Tea, et en avant Guingamp. Tel une formule 1, tout se passe à la vitesse de la lumière !

Je sais que je suis en train de vivre un truc dingue, de jouer un rôle dans un truc qui dépasse même le principal intéressé je pense à ce moment-là de l’histoire. Mais je sais aussi qu’il peut le faire, et qu’il va le faire, parce que je suis aussi venue pour ça, pour lui prouver qu’en adoptant les codes des élites, il pouvait tutoyer les étoiles lui aussi. Toutes les précieuses secondes, voir minutes que je lui fais gagner en n’ayant pas à remplir ses gourdes ou aller chercher de quoi manger aux ravitos, ça fait la différence à la fin. Toute cette logistique mise à son service, c’est aussi autant de poids en moins à porter. Et puis l’aide mentale, le fait de savoir qu’il est attendu, un visage connu, des encouragements, ça aussi ça fait partie d’un tout qui te fait grimper dans le classement.

Après Trient, Vallorcine, la dernière base de vie où je vais pouvoir ravitailler. On en profite pour se ravitailler nous aussi, parce que bon c’est bien gentil mais il fait faim ! Barquettes de frites, saucisses grillées et Orangina pour moi, parce que je conduis hein ? Je retrouve ma copine Charline, on sait que c’est la « der des ders » et il règne une ambiance super particulière dans ce ravito. Un mélange de stress, d’excitation difficile à décrire. Le gentil assistant de Katie Schide est là aussi, seul homme dans cette nuée de femmes. C’est assez particulier à vivre parce que d’un côté on sait que tout est presque joué mais que tout peut encore arriver. La tête au Vent est loin d’être un passage évident quand on a autant de km dans les pattes. Mais voilà Alex en veut, Alex le peut et il arrive 20ème à Vallorcine… Bordel, il est en train de le faire ! 1’23… Son arrêt va durer 1’23 ! Il repart dans la foulée de Katie, je n’y crois pas… Je sens à cet instant qu’il va oser Le truc.

Charline vient de renvoyer « chercher bonheur » son Alex, on est là, toutes les deux épuisées mais tellement heureuses que ce soit fini. Fini ? Non pas tout à fait parce qu’elle me dit « on fonce les voir au Col du Montet ! ». Carrément on peut y aller, on a le temps en ne trainant pas. Je jette tout en vrac dans mes sacs, on verra ça plus tard et on fonce. Je ne vous dis pas comment je me suis garée sur le bord de la route… mon mari lit parfois mes récits ! On dira que ça a fait un drôle de bruit. J’ai « jeté » avant ma coéquipière au croisement au cas où j’arriverais en retard, pour assurer qu’au moins une de nous deux soit bien là. Oui, bon ok, il court vite mais pas autant que ma golf ne roule quand même ! Je m’installe un peu dans la montée, pour faire une vidéo un peu plus sympa. Je tombe sur une équipe de photographes qui suivent la première féminine. Quand ils me voient hyper surpris j’entends un « attends Casquette Verte arrive ? Ah ben on ne bouge pas alors on ne veut pas rater ça ! ». Il arrive enfin, quelques encouragements de rigueur et voilà, mon rôle est officiellement fini. Je ne peux plus rien faire maintenant, c’est à lui de jouer.

Et ça pour jouer, il va jouer… Le temps qu’on arrive à Chamonix, il a doublé Katie… le temps que je prenne une douche, il est 18ème. Alors que sincèrement nous avions prévu de nous offrir tranquillement une glace avant d’aller nous positionner, mon assistante préférée sur le parcours pour la remise du drapeau parisien et moi à l’arrivée où mon moultipass magique me permettait de pouvoir filmer, nous faisons un léger point chrono et à la vue de la queue devant le chalet 4810, c’est mort pour mon sorbet mangue passion. Tant pis, ce sera pour plus tard ! Nous filons nous mettre en place pour vivre ce moment incroyable. Voilà il est là, il passe la mythique ligne d’arrivée de Chamonix en 22h55’31 et mon histoire s’arrête ici. Je voudrais bien vous dire que j’ai pleuré d’émotion mais non, j’étais juste extrêmement fière de lui, parce que cette place il est allé la chercher et il l’a amplement méritée. Sur la ligne d’arrivée de l’UTMB, Casquette Verte est devenu officiellement Alexandre Boucheix, un mec qui vaut moins de 23h sur le parcours de l’UTMB et j’ai été là pour voir ça.

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