Run : PT281, le récit de Claire Bannwarth

En attendant que Claire Bannwarth publie ses textes sur son propre blog, je l’héberge chez nous parce qu’il aurait été quand même dommage qu’un tel récit se perde sur FB où il a été initialement publié. Petit rappel pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi : elle a enchaîné en juillet une 3ème place sur la X Alpine (110k) à Verbier, une première place sur l’Ultra 01 (170k), une deuxième place à l’UT4M (170k) et donc une première place au scratch sur la PT281, une Badwater à la portugaise dont voici le récit.

Compte rendu CR PT281 – Attention pavé !

Qu’est-ce qu’il y avait ce week-end ? Netflix and chill ? Eh bien non, encore raté, ce week-end c’est encore ultra ! Et pas n’importe lequel, un monstre, 281km dans la pampa portugaise où les températures dépassent allègrement les 40 degrés à l’ombre (mais y a pas d’ombre !). Le Badwater européen ! Cela faisait quelque temps que je lorgnais sur cette course (grâce à Luca encore une fois !) et ne pouvais pas y aller. Cette année était la bonne, merci à l’orga de m’avoir invitée ! Après avoir comme d’hab’ passé trois plombes à préparer mes 7 sacs d’allègement qui ne me serviront pas à grand chose (jamais eu autant à faire, ca promettait !) direction Belmonte avec le bus de l’orga où le départ était donné à 18h au pied du château. Une petite glace avec Luca pour patienter avant le départ, puis gavage de pastèque et de sandwichs trop bons en écoutant le speaker nous dire, j’imagine, en portugais qu’on allait en chier grave, et c’était darty mon kiki !

Etonnamment, ce n’est pas parti trop vite, on voit que les gens savaient à quoi s’attendre, mais néanmoins un petit groupe de 5-6 coureurs se détache. Je reste tranquille avec Luca, on papote gentiment sans trop forcer (à 5min30 du kilo quand même). Même si cette édition s’annonce beaucoup moins chaude que les autres années, il fait quand même encore 32 degrés dans la soirée… La PT281 c’est un mix de routes et de sentiers, je suis donc partie en ultrafly3 (de Topo Athletic), je galère un peu sur la première descente un peu technique, mais Luca me rassure en me disant que c’est le passage le plus dur. 20km plus tard et quelques montées plus tard (vive le power hiking !), la température a un peu baissé, je me sens bien, j’accélère et pars devant Luca. J’arriverai à la première base de vie (km35) peu après la tombée de la nuit après avoir jardiné un peu dans un château. 10 minutes top chrono pour recharger les flasques, littéralement gober une assiette de spaghettis bolognaise, prendre un bout de pain pour la route et c’est reparti !

La nuit est agréable, fraiche mais idéale pour courir. C’est parti pour longer plusieurs lacs, traverser quelques ponts, je me fais rattraper par quelqu’un dans une montée, puis ca redescend sec et peux m’éclater dans la descente… Je rattrape deux autres coureurs et j’aperçois la lumière rouge d’un 3ème qui va littéralement me tirer jusqu’à la 2ème base vie. Là, déception, pas de plat chaud (sniff pasta). Juste du pain, et quelques fruits… Bon, va pour le pain ! On me propose du fromage avec. J’accepte… Et là, orgasme culinaire, je goberais 3 sandwichs et repartirais avec un dans le sac pour la route ! Et 80km dans les papattes… Et 41km qui s’annoncent !


Je finis la nuit en appréciant la fraicheur du matin, quelques traversées de village typiques, et un lever de soleil magnifique au sommet d’une bosse. Qui dit lever de soleil, dit aussi retour de la chaleur ! Arrêt express à la base vie du kilomètre 120, on refait le stock de snickers et on se charge surtout bien en eau car la vallée de la mort c’est maintenant ! Pour commencer un petit échauffement de 32km sous le cagnard, je me retrouve à sec à juste 4 kilomètre de la base vie. Je me dis que ca va passer, mais en fait non, je crève vite de soif et transpire comme un bœuf. Heureusement, une fontaine salvatrice au détour d’un virage de la dernière montée apparaît telle le messie devant moi. Ni une ni deux je me plonge la tête sous l’eau jusqu’au torse (ah merde, j’ai oublié que j’avais un sac) et je peux finir les derniers mètres jusqu’à la base vie. Et bam ! 152km dans les gambettes, ça commence à piquer et on est même pas à la moitié en temps. Lorsque j’arrive, un coureur est encore là – première fois depuis longtemps que je croise quelqu’un – Je ne le savais pas à l’époque, mais en fait c’était le premier, qui avait passé les 30 derniers kilomètres à ne pas se faire rattraper. Il repart aussitôt pendant que, comme toujours, les bénévoles étaient aux petits soins avec moi. Je me fais péter le bide de chorizo, et avant de partir, une trés gentille bénévole me propose une glace, quelle lumineuse idée!

Je repars la glace à la main, et absolument blindée en eau car Luca m’a prévenu que cette section est atroce – 45km absolument raplapla et sans ombre, et il est midi donc autant dire que ça va taper tout du long. Et c’est effectivement l’enfer… Dur de courir, dur d’avancer tout court, la route est souvent toute droite en plus. Je trouve un premier (et seul) café 8km après la base vie, je rentre et baragouine dans un mélange d’anglais et d’espagnol que je veux de l’eau gazeuse… Eh bien miracle, j’ai eu mon eau gazeuse ! Seul problème, les bouteilles ici sont toutes petites, donc il m’en faut deux. On me propose aussi une grande bouteille d’eau mais je suis déjà hyper chargé avec un sac qui me fait déjà sacrément mal au dos depuis 60 bornes. J’avais vu sur la fin du parcours des waypoints que je pensais être des cafés ou des points d’eau, je me dis donc que ça devrait suffire… Grossière erreur ! La suite se résume en un mot : chaleur ! Bon ok, 2 mots : Grosse chaleur ! C’est simple, dès que j’avais moyen de m’arroser (c’est-à-dire 3 fois) je me mouillais intégralement (et trois flasques sur la tête, trois !). Bon, 3 minutes plus tard, j’étais sèche à cause de la chaleur et du vent, mais c’est pas grave. En fait, le mot adéquat pour définir ce tronçon c’était « interminable ». Top chrono : 24h, 190km et 3500d+, joli split, y aura vraiment moyen de refaire un bon truc sur le prochain 24h ! Bon sang, les dix derniers kilomètres sont atroces… J’arrive à la base de vie du 196ème kilomètre en étant une vraie momie… Je ne suis pas la seule à avoir souffert car le premier de la course est en PLS dans un coin, entouré de son assistant. J’engloutis direct un litre de flotte, puis un litre de coca, remange des spaghettis à la bolognaise (le plat de la course !). Je m’arrête au moins 25 minutes, mais honnêtement c’était nécessaire car quand je repars je suis toute tremblante et je dois même mettre mes manchons. Le premier est toujours allongé. Le restera pendant 5h, glups…

Je marche sur le premier kilomètre avant de retrouver des forces et de relancer la machine (aussi bien qu’on peut la relancer au bout de 192km et 25h de course évidemment). Il reste 80km – 31 avant la prochaine base vie – et encore pas mal de dénivelé. Il est 19h30, il reste donc en gros 3h de chaleur avant de retrouver la fraîcheur de la nuit. Je sais que je viens de faire la portion la plus dure et que maintenant la seule chose que j’ai à faire c’est de continuer à mettre un pied devant l’autre en oubliant mon mal de genou et ma hanche qui me tire (de toute façon, c’était déjà le cas depuis le début de la course, un petit souvenir de l’ut4m). 22H la nuit tombe, on ressort la Go’lum. Moi qui normalement haïs de courir la nuit, je l’accueille maintenant avec grand plaisir. Seul problème : une envie de dormir incontrôlable me prend. A tel point que je suis obligée de m’arrêter trois fois en un kilomètres (ah tiens une pierre !) pour fermer les yeux Et j’ai aussi de plus en plus mal au dos, je suis obligée de tenir mes flasques à la main pour me le soulager. Je me traine ainsi tel un zombie claudiquant jusqu’à Velha de Rodao, et j’y prends mon plat favori (spaghetti bolognaise pour ceux qui ont suivi) noyé dans un triple café/coca.

La suite n’est malheureusement pas en ma faveur : 26km avec 800 d+ avec notamment d’entrée de jeu une très longue montée de plusieurs kilomètres que je suis obligée de marcher… Pas l’idéal quand tu es déjà un somnambule depuis plusieurs heures. Là, j’ai varié les plaisir : pierre, arrêt de bus, muret, rambarde…Tout à peu prés y est passé pour faire une micro sieste. Mais cela ne fait pas beaucoup avancer tout ça. Heureusement qui dit montée dit descente et faire monter le cardio me redonne un peu de tonus. Quelques heures (snifff on se traîne vraiment sur la fin) plus tard j’arrive à la dernière base de vie. Je ne sais pas quels sont les écarts entre moi et mes poursuivant(e)s – vu comment j’ai fait la marmotte, à ce moment là je pense avoir perdu beaucoup beaucoup de temps – et ne veux pas le savoir, je veux juste finir le plus vite possible. On reprend une assiette de vous savez quoi et gogogo affronter les 26 put*** de derniers kilomètres.

Bon autant vous dire que la foulée n’était pas belle, que ca tirait de partout, que ca marchait beaucoup…mais que ça avançait toujours. En regardant la distance restante toutes les 30 secondes, et en râlant beaucoup parce que ca diminuait à la vitesse d’une tortue neurasthénique. En n’étant plus trop lucide aussi et en se gourant (un peu) dans la trace (comment ça 281km, mon gps indique 300 !!!)… 20km, 15km, 10km, 5km punaise allez, on y est presque ! Le race director m’accompagnera sur toute la fin en me filmant… Merde, moi qui voulait marcher… C’est foutu, faut courir ! Dernière montée, puis descente vers la plage fluviale et yahou, je peux soulever la banderole de la victoire (et cette fois je ne me loupe pas et la chope bien au passage !).

Voilà, au final 39h et des brouettes pour faire ces 281km (un peu plus, la faute au paûmage 😁), une première place au scratch (!), des paysages magnifiques, une superbe aventure (mais très dure !), une organisation au top, des bénévoles, supporters, coureurs incroyables… Voilà, n’hésitez pas, si vous aimez la borne et que vous voulez découvrir un autre Portugal, faut y aller !
Une semaine de récup’ et c’est parti pour un autre défi de ouf avec l’ami Luca à Gran Canaria. J’aurais aimé dire moins chaud, mais en fait cela s’annonce brûlant !

merci les sponsors trop forts : Topo Athletic FR ultrafly3, qui m’ont fait les 281km !!!!!!!! Brubeck pour le short running qui a fait toute la course nickel ! RaidLight, le sac tip top (mais complètement défoncé maintenant) et Go’Lum pour la frontale au top du top !

Photos (toutes magnifiques) : Matias Novo – PT281 organisation

PS : vous pouvez retrouver mon échange avec Claire autour du thème du Swiss Peaks Trail où elle s’était déjà illustrée l’année dernière ici.