Fun : rencontre avec Yves Cordier,directeur d’Ironman France

Céline a eu la chance de pouvoir rencontrer Yves Cordier à l’occasion de l’Ironman de Nice. Il lui a accordé une longue interview que nous partageons ici avec vous, bonne lecture !

Tout d’abord peux-tu te présenter en tant que Yves ? Ton expérience de sportif ? Combien d’Ironman à ton actif ? Comment es-tu tombé dans la marmite ?

Alors Yves Cordier, j’ai 59 ans et mon histoire a débuté en 1983 avec le triathlon donc déjà 40 ans derrière moi ! J’ai été athlète de 1983 jusqu’en 2002. Mes principaux résultats ? Mes participations au triathlon de Nice et ma 2ème place qui fait encore état dans l’histoire du triathlon car j’ai été rattrapé en 1992 à quelques hectomètres avant l’arrivée par Mark ALLEN… Ça fait mal mais ce qui est important c’est d’avoir du recul et qu’après tant d’années cet événement soit toujours ancré dans la tête des gens. J’ai également été Champion courte distance au Portugal, j’ai fait 5 fois Embrun et j’ai fait 8ème en 1989 à Hawaï. Ça été une belle partie de ma vie, cela a été très enrichissant sportivement et personnellement parlant de pouvoir faire de sa passion un métier et de rencontrer beaucoup de gens qui m’ont énormément appris pour ma carrière. Je continue de partager cette passion entre l’organisation de triathlon et les entraînements d’athlètes.
J’ai participé à la création Prom’Classique en 2000 et ce jusqu’en 2011, en 2005 à l’organisation pour la première fois l’Ironman de Nice sous le label et l’an prochain nous fêterons la 19eme édition avec pleins d’épreuves qui se sont greffées au fur et à mesure : 2011 avec Aix en Provence, 2019 et les Sables d’Olonne, avant ça en 2016 Vichy et entre-temps 2019 les Championnats du Monde 70.3. C’était déjà un accomplissement d’amener ça à Nice et à ce moment-là, jamais nous n’aurions pu penser que les championnats du monde [du full NDLR] seraient un jour ici en France ! l’histoire a fait que les 2 courses des années 80 se sont retrouvées et partageront jusqu’en 2026 les championnats du Monde à Nice en France.

Justement peux-tu nous parler de cette 1ère édition des Championnats du monde Ironman qui ont lieu cette année à Nice ? (Pour les hommes seulement)

L’édition de cette année a donné une grande satisfaction aux athlètes et a pu apaiser cette décision de partager cette affiche avec Kona [NDLR : les femmes vont courir à Kona seules pour la 1ere fois]. J’ai vu beaucoup de détracteurs dire que finalement cette édition avait tenu toutes ses promesses et que c’étaient bien des championnats du monde et non un bis repetita du mois de juin.

Justement quelques mots sur KONA ?

A quelques jours de Kona je pense que l’on va pouvoir vivre avec une génération de femmes une course qui va être de toute splendeur et ça tombe bien qu’elles soient seules sur ce week-end là car souvent le monde du sport est plus focus sur la course des hommes. C’est très bien qu’elles soient mises en avant comme ça, elles prennent leur part et cette course va sans doute rentrer dans l’histoire car il y a vraiment des filles talentueuses ! Et tous les médias seront là uniquement pour elles ! Ça va être un grand point positif, et grâce à ça l’édition de l’an prochain à Nice va tenir cette promesse avec une revanche de ce qui s’est passé cette année. C’est innovant et il n’y a pas beaucoup de sports qui dédient une journée aux femmes et montrent que l’on veut laisser la place aux femmes. Il y a 20 ans il y avait peu de féminines mais aujourd’hui ça monte aussi fort que les hommes ! Ça donne la notion de notre vision du sport féminin via le triathlon. Nous avons été innovateurs et nous le serons encore !
Je me réjouis d’être à Kona pour cerner ce que cette course peut donner comme atmosphère avec la particularité qu’il y aura moins de public « homme ». Le but c’est d’imaginer ce qu’on peut mettre en valeur pour l’an prochain, puisqu’on parle bien de valorisation. Qu’on se rassure, ça ne veut pas dire qu’on va mettre du rose de partout mais que l’on va mettre en avant les femmes pour que la course soit emblématique. Pour les championnats du monde de septembre 2023, j’ai eu cette sensation dimanche matin que les athlètes étaient ravis, impatients, et surtout ravis après… vraiment !

Et avec un Français vainqueur en plus !

Oui ! je l’avais dit qu’il y avait 4 ou 5 prétendants et prêts à livrer une bataille, mais en plus c’est Sam qui gagne ! il y a eu énormément de public qui était très attendu, c’était vraiment génial. Ça valait le coup de souffrir pendant quelques mois et d’avoir un peu de pression. Et surtout ça motive pour la suite !

Y aura-t-il des changements pour les femmes ?

Je vais à Kona pour sentir l’atmosphère mais il y a peut-être une sensibilité différente à voir même si ça reste une compétition de triathlon ! On essaye toujours de faire un debrief d’un événement pour éventuellement effectuer des changements, des améliorations… Là c’est encore tôt car cela ne fait pas encore un mois que ça s’est déroulé mais on va mettre tout à plat et rien n’est impossible !

Yves, pourquoi venir faire l’ironman de Nice ? quelles sont les 2/3 raisons qui, selon toi, font de cette épreuve une expérience unique ?

On aurait pu penser que l’Ironman de Nice de juin s’efface car il y a à présent les championnats du monde, mais on a une demande pour juin qui est totalement différente justement. Certaines personnes craignaient que la course du mois de juin soit un bis repetita alors que pas du tout. Beaucoup d’athlètes demandent cette course car tout le monde ne fera pas les championnats du monde et c’est une épreuve historique depuis plus de 20 ans. On a vraiment voulu conserver cette course et mixer le 70.3 et le 140.6 lors du même week-end ce qui permet aux clubs et aux teams de partager un événement ensemble. Le 16 juin 2024 il y aura bien la continuité de ce qui se fait depuis 2021 !

Quels conseils peux-tu donner à nos lecteurs qui n’osent pas encore cliquer sur « m’inscrire » sur cette épreuve ?

Si Nice attire beaucoup d’athlètes ce n’est pas un hasard, alors que l’ancien triathlon de Nice qui était plus court faisait finalement tout aussi peur car il y avait à l’époque pas tant de coaching, de matériels et de conseils d’entraînement. Aujourd’hui tout existe et être sur le site des championnats en juin c’est aussi la possibilité de pouvoir s’identifier et de vivre ce qui se passe en septembre. C’est notre chance de pouvoir offrir aux amateurs des événements qui sont à l’origine d’histoires incroyables, Mark Allen, Frederik Van Lierde, pour n’en citer que deux parmi tant d’autres. L’aventure continue et ça reste une épreuve qui a écrit sa légende. De nombreux athlètes disent qu’il faut faire Nice au moins une fois car c’est une expérience atypique entre mer et montagne. Il y a souvent des parcours rapides sur les Ironman pour « claquer des temps », ici beaucoup viennent pour le paysage et la Côte d’Azur. Le 70.3 est là pour mettre le pied à l’étrier se dire « voilà c’est fait, j’ai aimé et est-ce que je fais la dernière marche vers le full ? »

Le secret pour réussir la partie vélo à Nice qui semble faire peur à beaucoup ? [180km et plus de 2000m de D+ NDLR]

Aujourd’hui quand tu vois des athlètes amateurs se lancer sur des défis de trails, de 100km ou plus ou autres défis, je pense qu’on est loin de ce type d’exploit. Ce que je dis souvent aux athlètes pour Nice c’est que contrairement à d’autres courses, là c’est du non-stop d’effort. Pour un athlète amateur quand il arrive au 120ème km s’il a la capacité de bien gérer les 60 derniers, car c’est descendant, il pourra se reconstruire et penser à la course à pied. Même entraîné, et même si c’est difficile, les derniers kilomètres sont favorables et une bouffée d’air pour le marathon. D’ailleurs souvent on me dit « t’avais raison car sur d’autres 180 km, tu pédales tout le temps alors que Nice quand ça devient difficile finalement ça devient favorable ! ».

La natation est en général très facile car ça se déroule en mer, et la course à pied, même si c’est 4 tours sur la Prom, les amateurs sont heureux d’être encouragés par leur famille, amis, spectateurs de nombreuses fois et ne jamais être esseulé. C’est le moyen de se faire des copains pendant la course. Il y a même des triathlètes après les championnats du monde qui m’ont dit la Prom’ sur 4 tours c’est incroyable ! C’est un grand stade et ça permet de vivre des émotions fortes.

Et sinon, facile d’entraîner Marjolaine Pierré, notre Niçoise championne du monde ? tout paraît simple pour elle qui enchaîne les victoires mais elle montre aussi que la vie réserve des épreuves même pour les champions. Quelles sont selon toi les principales qualités à avoir pour pouvoir accepter ces heures d’entraînements comme elle le fait ?

Ayant entraîné pas mal de filles à même niveau, c’est vrai que je suis surpris de cet accomplissement sous une forme différente, son accession à haut niveau a été différente. Elle est brillante dans son organisation, sa vision et sa capacité à voir le sport et ce qui est à côté. Elle n’est pas forcément à « manger » Triathlon H24 ce qui est important. De mon côté c’est une triathlète très autonome, je n’ai pas souvent grand-chose à dire, et quand je le dis c’est carré, ça s’applique, ce qui est hyper agréable. Son évolution a été très rapide. Aujourd’hui on n’est plus étonné par cette précocité, il y a pas mal de jeunes qui montent vite comme Pogačar ou d’autres qui battent déjà des records.
Marjolaine a cette capacité d’avoir un entraînement atypique, qui est tout en finesse et je veux le faire perdurer pour préserver son énergie qui est forte. Avec elle c’est du sur mesure. Le 3 novembre elle fera son 1er full Ironman avec un programme totalement atypique. C’est important pour Marjolaine de faire ce qui convient le mieux. C’est toujours du sourire, elle est pleine de vie et c’est génial car même dans des moments qui sont difficiles, comme l’an dernier avec ses blessures liées à une approche santé différente. Il y a eu un chemin à prendre pour faire du haut niveau, elle l’a bien compris elle le met en place doucement et ça à l’air de bien fonctionner espérant qu’elle puisse garder ça le plus longtemps possible. Et quand on parle de Marjolaine, généralement on parle de Clément [Mignon, son petit ami NDLR] car ils partagent tout ensemble, ils ont une fusion de leur passion et leur vie ce qui leur donne leur force.

Pour finir des questions plus personnelles !

Ton spot préféré dans la région pour rouler ?
L’arrière-pays et plus particulièrement du côté du Turini qui donne un paysage atypique. Quand on pense qu’on est à quelques kilomètres de la mer et du monde sur la plage. C’est un moyen pour moi de m’échapper et de passer un moment relax ! Ce n’est pas un hasard que l’avant-dernière étape du Tour de France 2024 passe par ici ! Pour nous c’est peut-être banal mais peu de gens imaginent ces paysages sur la Côte d’Azur !

Ta marque de vélo préférée ?
Si je devais changer de vélo j’aimerais aller sur un Colnago. C’est une marque qui a une histoire, c’est une marque emblématique. C’est un peu comme pour les voitures, tu rêves de rouler sur une Ferrari ou une Porsche, Colnago c’est la Porsche des vélos !

Ton maillot/marque préférée ?
J’aime les marques atypiques comme Café du cycliste par exemple qui propose quelque chose de chic et élégant.

Ton plus beau souvenir sur une course ? Le pire ?
Le plus beau c’était ma victoire de championnat d’Europe à Cascais sur distance olympique car c’était ni attendu ni préparé ! Mais aussi en 1989 à Hawaï, sur cette course qui a été mythique avec le duel avec Mark Allen et Scott Tinley, une course légendaire ! En 1992, ma 2ème place à Nice derrière Mark Allen a été comme le KO d’un boxeur mais qui après temps m’a donné matière à réfléchir sur cette course qui a finalement donné envie à de nombreux athlètes de se lancer dans le triahtlon ! Et quand on se retrouve avec lui, ce qu’on nous demande c’est Nice 92 ! C’est douloureux à l’instant T car je suis passé très près de la victoire mais quelle satisfaction d’avoir pu donner autant d’énergie !

Ton ravito préféré en entrainement ?
L’hiver j’aime bien aller rouler en bord de mer et m’arrêter prendre un café avec des viennoiseries à Juan les Pins ou dans le Var au soleil, sinon c’est rare que je m’arrête ! L’été c’est plutôt s’arrêter pour un bon Coca pour repartir !

Si tu n’étais pas triathlète quel sport ferais-tu ?
J’aurais sans doute fait du vélo, j’ai été très proche de ce sport car à l’époque avec Charly (équipe Renault) il y avait beaucoup de cyclistes l’hiver qui s’entraînaient. Je suis toujours un grand fan de vélo et je rate rarement les grandes courses. S’il y avait eu à mon époque l’eau libre en natation j’aurais pris cette voie à l’issu de ma carrière de nageur car j’étais hyper à l’aise dans l’eau libre et j’adore les longues distances. J’avais fait 27km en 6h et mon objectif était de battre les 24h (82km) et je voulais faire 100km car j’adorais ça ! Malheureusement ça ne s’est jamais fait pour pleins de raisons. C’était un rêve un peu fou et j’étais dans un club où l’entraîneur est parti… Le projet est finalement tombé à l’eau. Cela montre que le triathlon est arrivé au bon moment car c’était ce que je recherchais : des défis ! Quand on sort de l’eau, le vélo et la course à pied c’est loin d’être simple mais il a fallu un peu de travail mais c’était le défi qui m’intéressait !

Le tri athlète / cycliste que tu admires le plus ?
En triathlon ça ne va pas être original mais c’est Clément Mignon ! C’est son attitude que j’adore ! Il est calme, il a un truc à faire qui est dur et rien ne le perturbe. Sa simplicité est incroyable, sa gestion, il a peu de stress qui ressort ou d’énervement. C’est un athlète à qui je souhaite une grande carrière ! Dans la lignée : Marjolaine qui vit cette passion à fond, qu’elle ne change rien et qu’elle continue de croquer la vie à pleine dents ! Et c’est super agréable d’avoir des triathlètes qui sont très simples et toujours pleine de vie avec ces moments de partages, de plaisir ou même de difficultés. Encore hier j’ai passé 160km a vélo avec eux, c’est génial on rigole tout le temps !
Je dirai aussi pour le passé : Mark ALLEN qui avait aussi ce caractère trempé mais qui est capable d’agir sans bruit. C’est un exemple de le voir encore en course, il a toujours une analyse très pointue !

Heureux de voir le TDF cette année à Nice ?
Naturellement ! On a la chance de voir ce grand moment ! Ce qui nous attend en 2024 avec cette avant dernière étape et aux vues des derniers Tour de France, cette 3ème semaine va certainement être dans la construction de la performance des leaders. En plus, un contre la montre en dernière étape, et qui plus est atypique avec des montées et descentes, ça va être grandiose ! L’équipe du TDF a concocté une arrivée hors de Paris qui sera 100% à la mesure ce qui est attendu. Ça sera une édition inédite alors tous à vos agendas pour ce 3ème week-end de juillet 2024 !

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