Run : la Spine Race de Claire Bannwarth – son récit

Claire n’a pas de blog, elle se contente de publier ses récits sur FB dont la Spine Race. Mais une épopée pareille mérite qu’on puisse la lire en ligne d’une traite. Elle a gentiment accepté qu’on la « sauvegarde » ici pour notre plus grand plaisir et nous la remercions de nouveau de cet honneur. Bonne lecture, pensez à aller chercher un plaid et faites chauffer la bouilloire… Vous allez avoir envie de boire des litres de thé bien chaud !

La(S)pine gelée

Les deux jours précédant la course ont déjà été épiques avec moi courant partout le vendredi soir pour récupérer à droite et gauche les derniers éléments de mon matériel obligatoire – hé oui, il faut savoir que la liste de matériel obligatoire de la Spine Race fait trois pages de long, et est très hétéroclite (hihi, contente de l’avoir placé celui là) avec notamment un sac de couchage, un matelas, un réchaud, des lunettes de protection, une pelle « à merde », des aiguilles hypodermiques… et qu’il est vérifié au retrait des dossards et à chaque base de vie avec un risque d’élimination si des éléments cruciaux sont manquants…donc autant dire que c’était un poil le stress. Puis il m’a fallu 6 heures pour préparer mon drop bag (le sac de 20 kg max qui est notre seule aide autorisée aux bases de vie sur toute la course). Une vraie partie de tétris géant. Me voilà donc couché à 4h du mat le samedi matin. Pas mal quand ton taxi est à 5h et ton avion pour Londres à 7h…C’est avec une fraîcheur remarquable que j’arrive à Edale après un second avion, et deux trains. Juste à temps pour récupérer mon dossard et faire vérifier mon matériel. Ouf, RAS, à part la nuit blanche. Je rejoins ensuite Merijn (oui oui, le Merijn, Geerts – si tu sais pas qui sais, d’abord honte à toi, et ensuite je t’invite à t’instruire, le sachoir est une arme), Fanny (oui oui la Fanny), Clare et Rick dans un chouette airbnb qui est situé d’ailleurs pile poil sur le pennine Way. Je suis bien contente d’être en très bonne compagnie car je suis quelque peu stressée, je ne sais pas trop pourquoi…

Me voici donc le dimanche matin
7h15 : Je parcours les quelques centaines de mètres qui séparent le airbnb du départ. La météo s’annonce merveilleuse : il pleut à seau et ces quelques minutes de marche suffisent déjà à me tremper…
7h25 : Je dépose mon drop bag, qui est miraculeusement accepté alors qu’il pèse trois tonnes (limite de 20 kg max), et récupère mon tracker. Bon bah il me reste une demi-heure à attendre sous la pluie – autant dire que je fais la queue pour aller aux toilettes trois fois.
7h55 : Je quitte avec regret mon abris et me dirige vers la ligne. Je manque de me casser la gueule dans la géante plaque de boue que représente le sas de départ.
7h59 : Je me bats avec mes gants, les fais bien sûr tomber au sol… Bravo gégé, comme ca, ils sont trempés !
8:00 : Allelujia, j’ai enfin réussi à mettre mes gants, ça tombe bien c’est le moment de courir, et ça part plutôt vite, enfin, pour une course de 430 km du moins.

Partie 1: Start Edale– CP1 Hebden Bridge (75km- 2300d+): Hell (Mud) fest
Nan, en vrai, ça part très très très vite. On quitte vite la route pour attaquer le Pennine Way, et là, fini de rigoler, la voici la voilà : la boue ! Puis les fameux sentiers en pierres, ruisselantes de flotte et glissantes à souhait. Et les fameuses portes et escaliers qu’il faut grimper pour enjamber les murets (le Pennine way en est pourvu de centaines…que dis-je, de milliers). Il me faut d’ailleurs bien une dizaine avant de saisir le truc pour les ouvrir… Quelle boulette. La pluie est forte, tout comme le vent, je commence honnêtement à me demander ce que je fous là. Je me retrouve vite 30ème environ (nous sommes 180 au départ), à essayer de suivre un petit groupe où il y a notamment la première femme, Elaine Bisson, qui avait fini 2eme de la Spine l’année dernière. Et j’y arrive plutôt bien, jusqu’à ce que je me pète la gueule sur une pierre… Certaines sont en effet traîtres, et trouées, et avec la flotte qui les recouvrent, c’est difficile de dire lesquelles. Dans le doute je considère que toutes les pierres un peu noires méritent une extrême précaution, mais cela ne m’empêche pas de retomber et de me retordre la cheville une paire de fois supplémentaires…

Vient la première montée : Jacob’s Ladder, une belle série de marches inégales totalement exposées au vent. Le tout ruisselle de flotte. On passe un premier checkpoint avec une équipe de sécurité, ils me demandent si j’ai besoin d’eau, je leur réponds qu’avec ce que je me prends dans la gueule depuis le départ non, je ne pense pas. On continue sur un sentier boueux, dans une montée, j’ai le malheur de mettre mon pied 10cm en dehors du sentier : et bam je m’enfonce jusqu’à la hanche dans la boue. Le coureur qui me précède se retourne et me demande si ça va, je lui répond que oui tout en galérant comme une malade pour dégager ma jambe sans laisser ma chaussure dans la tourbe. Je suis contente de retrouver le sentier pavé, et fais maintenant gaffe aux pierres noires, et à ne pas mordre d’un poil le sentier. Vient ensuite l’une des nombreuses traversées de rivière (une demi douzaine) de cette première section, j’ai de l’eau jusqu’aux genoux et dois me cramponner à mes bâtons pour résister au courant… Niveau conditions météo, la pluie avait fait place à la neige, superrrr. On arrive ensuite à une zone de réservoirs, où le sentier dégueulasse et boueux laisse enfin place à une « dirt road » où l’on n’a enfin pas les pieds trempés en permanence. J’en profite pour m’engloutir deux barres Naak, c’est vrai qu’avec le froid et le terrain difficile c’est la première opportunité que j’ai de manger. Je ressens soudain une intense douleur au poignet. Je rabats ma manche : ouch, c’est moche, il est tout gonflé avec un bel hématome (conséquence d’une de mes chutes ?), et du coup mes bracelets me font mal et me compressent le bras (oui, c’est mon fameux bras aux bracelets où je garde une dizaine de bracelets de courses, notamment celui de la swiss peaks et de l’utmb). Je m’arrête donc pour sortir des ciseaux et couper tout ca (snifff, bye bye le style), bon, je ne vous dis pas comment j’ai galéré avec la petite lame de mon canif et mes doigts gelés, j’ai dû perdre au moins 5 minutes, mais c’était devenu critique. Je me remets en route, toujours avec un mal de chien au poignet, et un peu inquiète je dois dire. Je peux tout de même utiliser mes bâtons sans trop de douleurs, donc je reste positive. Je rattrape vite un gars avec lequel j’avais un peu discuté auparavant, on finit par faire une bonne partie de la route ensemble. On passe tous les deux devant le fameux « nicky’s foodbar », célèbre pour prodiguer aux spinners morts de faim de délicieux burgers, mais je juge que je peux tout à fait tenir jusqu’au prochain CP et passe devant sans m’arrêter, non sans regret. La nuit tombe. Je lâche mon compagnon de route, et arrive à un CP non officiel (Lotherdale?) tout sourire. Je dévore un chocolat chaud et des toasts en essayant de faire des blagues en franglais, les bénévoles me disent que je suis le coureur le plus de bonne humeur qu’ils aient vu jusqu’à présent, et à vrai dire je me sens effectivement très très bien, surtout maintenant que la neige a cessé. Après une dernière descente facile où je trouve quand même le moyen de me casser la gueule, j’arrive enfin au CP1.

CP1- CP2 – 100km 2500d+

Longue et dure… L’étape bien sûr !

Mon sac m’attend sur un banc dans une petite pièce à part. En face, Elaine est également bien installée et en train de se faire masser les jambes. Je ne traîne pas et effectue méthodiquement tout ce que j’avais identifié comme crucial de faire, à savoir:
– Mettre la montre à charger
– Enlever les chaussures, et les trois paires de chaussettes pour laisser tout ça respirer. Ouf, pas d’ampoule à signaler pour le moment, en revanche le sol en béton était bien frisquet pour mes petits panars…
– Changer de pantalon, en effet la situation en matière de chaffing devenait critique et il était temps d’y remédier avant que ce soit game over. J’enfile donc un pantalon Brubeck en mérinos (absolument génial et qui me fera le reste de la course et réglera une fois pour toute ce problème).
– Mettre une veste de pluie un peu plus épaisse et chaude, et mettre un max de bouffe dans les deux poches avant
– Réenfiler une paire de chaussette normale et deux paires de chaussettes imperméables
– Changer les batteries de frontale
– Charger la nouvelle trace et reprendre la navigation. En l’occurrence, la trace est coupée en deux : 60 km jusqu’à Malharn Tarn (CP 1.5 où il n’y a que de l’eau) puis les 40 km restants jusqu’à Hawes.
Et tout ça en me gavant au maximum de chocolats chauds, de toasts et de spaghettis bolognaise.
Je repars quelques minutes avant Elaine, mais peux apercevoir sa frontale juste derrière moi. Pour arriver au CP, on a suivi une diversion que l’on prend maintenant dans l’autre sens pour retourner sur le Pennine Way, ce qui est très sympa car on croise de facto tous les autres coureurs en approche du CP. Je salue quelques personnes, dont Eoin, avant de pouvoir continuer mon chemin sur la suite du sentier. J’aperçois une frontale quelques centaines de mètres devant moi, je reviens progressivement dessus, jusqu’à arriver à son niveau : c’était Merijn. J’avoue être surprise de le trouver là, je pensais qu’il était au moins une heure devant, et lui lâche un naïf « what the fuck are you doing here? » Rétrospectivement, j’espère qu’il l’a bien pris. On fait la route ensemble pendant quelques temps, puis je crois que j’ai dû le lâcher dans une descente. Plus trop de souvenirs de cette première nuit. Il me semble qu’on suit souvent une rivière, toujours sur des sentiers bien boueux et des traversées de champs…Le seul point positif: il ne pleut plus. Pas grand-chose à signaler avant d’arriver à Malham Cove (dommage d’ailleurs d’y passer de nuit, vu les photos, cela avait l’air d’être ouffissime). J’y galère avec la navigation : j’ai en effet du mal à croire que le sentier consiste bien à escalader et à enjamber une à une ces pierres glissantes au bord de la falaise, mais oui oui, c’est bien ça. Autant dire que je le fais avec moultes précautions comme les pierres mouillées sont de vraies savonnettes. Après un kilomètre un poil difficile, on revient sur un sentier (youpi) boueux (grrr). Quelques kilomètres plus loin, je manque de rater le CP 1.5, je fais heureusement demi tour comme j’avais absolument besoin d’eau. Je refais le stock de flotte, par contre, déception, contrairement à ce que je pensais, il n’y a pas de nourriture ici. Grrr, et c’est qui qui va se taper 40km avec juste une gaufre Naak ? Et bah c’est bibi. J’en profite ici pour changer de chaussettes, le temps de faire tout ca, Merijn et 2 autres mecs arrivent à leur tour. Ça me fout un peu la pression et je ne traîne pas plus. Je range également la frontale, le jour venant tout juste de se lever. La journée n°2 commence par une belle première bosse. Tout est bien sûr recouvert de neige avec ce qu’il est tombé les dernières heures. Il y a un vent de gueux mais au moins la neige a maintenant cessé. Puis c’est au tour de la deuxième bobosse : Pen-y-Ghent. Le vent y est encore plus fort, et il fait maintenant en plus utiliser ses mains pour escalader pendant une quinzaine de minutes jusqu’au sommet. J’avoue que c’est assez fun, mais j’imagine que je trouve cela bien car on est de jour et que j’ai une vue magnifique sur toute la vallée. J’en profite pour regarder derrière moi, j’aperçois Merijn qui commence la montée, je ne traîne donc pas plus au sommet, bye bye superbe vue. La redescente dans la neige est également fun, même s’il faut faire gaffe aux plaques de glace qui peuvent te tuer. Je double au passage quelques coureurs du challenger South, dont un en short ! Les pauvres ne sont pas arrivés ! Cela fait bientôt 6h que j’ai quitté le CP1.5 et mangé ma dernière provision et je suis affamée. J’ai croisé et je croise beaucoup de lapins et de moutons depuis le départ, et j’avoue que maintenant dès que je croise un animal des pensées meurtrières impliquant l’usage d’un barbecue m’envahissent l’esprit. Heureusement qu’ils courent plus vite que moi… Un panneau indique qu’un bled n’est pas très loin, j’espère y trouver un café d’ouvert. Pas de bol, je passe devant un premier café : « closed »…Fuck!!! Deuxième café. Re-Closed… Re-Fuck!

Heureusement, quelques mètres plus loin se trouvait un ravito non officiel organisé par le club de triathlon de Horton in Loversdale. Autant te dire que j’ai défoncé tout leur stock de chips, gâteaux, soupe de nouilles…je les ai impressionnés. Ils m’ont très clairement dit que j’étais la première à manger autant, je leur expliquais que je n’avais pas pris assez, et que cela faisait 6h que je n’avais pas mangé. Ils m’ont filé un stock conséquent de flapjacks pour la route (ah oui, j’ai découvert cette merveille…littéralement du beurre au sucre…les anglais sont des génies). J’en profitais pour faire une généreuse donation bien méritée à leur club. Je repars le ventre lourd mais l’esprit léger, et surtout, je suis assez contente que malgré mon pitstop prolongé personne ne m’ait rattrapée! La suite est interminable – une succession de montées et descentes dans la neige. J’essaie de trottiner gentiment les parties ascendantes et de dérouler tranquillement en descente, la navigation est assez facile, il suffit de suivre les traces de pas dans la neige, mais la vigilance reste de mise. Il y a un endroit où je pense que tout le monde a tiré tout droit et pris le même raccourci pour revenir sur la trace^^.

J’arrive au CP2 à 16h, ce qui ne m’arrange pas trop pour savoir quelle stratégie adopter (dodo ou pas dodo ?), je me serai bien arrêtée, mais les heures de jours sont si précieuses…Jugeant mon état et ma vitesse d’avancée correcte, je pénètre dans la salle chauffée avec la ferme intention de juste m’asseoir, manger, changer de chaussettes et repartir aussi sec. Je commande un café et des toasts, aère mes pieds, discute avec mon voisin de chaise. Quelques minutes plus tard, Merijn arrive. Je me dis que c’est le bon moment pour y aller. Problème : je sens que je suis en train de faire un malaise. Je recommande donc quelque chose à manger et décide d’aller me poser le temps que cela passe, tant pis pour l’heure de jour perdue. On me donne une chambre rien que pour moi. Je me maudis d’avoir oublié d’acheter des boules quiès alors que j’entends le brouhaha venant de la salle commune de sous ma couette, mais bon, de toute manière je sais que je ne vais pas réussir à m’endormir et que cette pause va juste me permettre de m’allonger pour quelques instants. Je mets un réveil pour 40 minutes plus tard, ferme les yeux, m’endors peut-être 10 minutes avant d’être prévenu par la sonnerie ringarde de mon téléphone que c’est le moment de bouger son cul. Je reviens dans la salle commune, bonne nouvelle, je ne suis plus nauséeuse et ready to go! Je vois le sac d’Eoin, et Merijn est encore là, donc j’engloutis en vitesse une patate et un curry, et me barre le plus vite possible pour commencer la seconde nuit !

CP2-CP3 – 55km 3000d+

Hypo Terre Mie

La nuit est bien sûr tombée et je repars avec des jambes étonnamment fraîches de Hawes. Pareil, je dois revenir sur mes pas pour retrouver le Pennine way, sauf que cette fois ci je ne croise personne, les écarts étant devenus bien conséquents. Je continue dans la neige vers la première bobosse, qui consiste en une bonne montée sur un chemin de pierres soit recouvert de neige, soit complètement verglacé, et où la navigation durant la nuit demande une attention particulière. On repart ensuite sur une deuxième bobosse. J’ai les pieds littéralement gelés : des énormes boules de glace se sont formées sur toute ma chaussure, et elles sont maintenant scellées à mes pieds. En même temps il doit faire facilement – 10 degrés. Je sens mes doigts qui commencent à s’engourdir…hum, pas bon ça, hypothermie incoming. Je m’arrête pour enfiler ma doudoune, et fais tomber mes gants dans la neige, ce qui les trempe… bravo ! Ça, plus l’arrêt de quelques minutes, je suis frigorifiée et il me faut quelques minutes de marche plus que dynamique pour retrouver un peu de sensibilité dans les doigts. Ouf, j’avoue avoir vraiment eu peur de ne pas réussir à me réchauffer. Encore quelques heures à patasser dans la neige et j’arrive au CP 2.5 Tan hill inn. La température y semble subtropicale. J’en profite pour boire un chocolat chaud, recharger en eau, et faire dégeler mes flasques. Là aussi on me dit que je suis parmi les coureurs qui semblent être le plus de bonne humeur, et j’avoue que le fait d’avoir échapper de peu à une mort atroce par hypothermie emplit mon esprit de joie^^. Bon, comme je me doute que Merijn et Eoin ne doivent pas être loin, je quitte à regret le moelleux du canapé du restaurant et me remet en marche.

Les kilomètres qui suivent sont horribles : je fais du sur place dans de la boue glacée, et passe mon temps à me retourner pour voir si je ne vois pas des frontales débouler du CP derrière moi, mais non, rien. Peu après, j’arrive à un croisement, il y a un panneau indiquant le Pennine Way sur la gauche, je suis docilement le chemin. Au bout de 200m, petit bip de ma montre : je suis hors sentier. La trace part totalement au milieu de la végétation. J’essaie de la suivre, mais ce n’est juste pas possible, je me retrouve à littéralement à enjamber des buissons gelés. Je dézoome un peu, et vois que je peux suivre le vrai sentier et après obliquer sur la gauche pour rejoindre la trace, cela rallonge juste un peu. J’opte pour cette option. Au final, je me retrouve encore à enjamber des buissons gelés, mais pendant moins longtemps. Cela m’aura juste fait perdre de précieuses dizaines de minutes…et j’ai maintenant l’impression d’apercevoir le halo de frontales derrière moi. La navigation continue être compliquée, même si maintenant on se sent moins au milieu de nulle part car des autoroutes coupent de temps en temps la trace. Lentement mais sûrement, je me rapproche du CP. A un moment, je traverse un pont, et tout d’un coup une lumière apparaît de derrière un buisson. Cela me file la frousse de ma vie et me fait sursauter. C’était un coureur, qui avait émergé de son bivvy, allumé sa frontale et était en train de se faire bouillir de l’eau. Punaise, cela ne m’aurait jamais venu à l’esprit de m’arrêter au milieu de nul part sous -10 degrés…^^ Je le salue et reprends ma route. Ma montre m’indique que je ne suis plus très loin du CP, et j’aperçois même la frontale d’un autre coureur dans la descente gelée qui s’annonce. Je me sens pousser des ailes et sprinte pour me mettre au chaud le plus vite possible à Middleton. Il est alors 7h du matin.

CP3-C4 – 65km 1600d+

La con(ne)gelée

J’arrive à 7h du mat’ à Middleton. J’avais opté pour un arrêt éclair. Une demi-heure max. Malheureusement, même avec toute la bonne volonté du monde, entre le dégivrage des chaussures (vous rockez les bénévoles !), répondre aux interviews, les changements de chaussettes, de batteries de frontale, le rajout de bouffe, le temps de remettre de la tape sur ses petons, de les laisser respirer, d’organiser son sac, de fermer le drop bag (le tout avec un poignet toujours aussi douloureux)… et de manger trois assiettes de poulet au curry, il est dur de faire moins que 55 minutes. Merijn et deux autres coureurs arrivent peu de temps après moi. La météo s’annonce toujours aussi glaciale et sèche, ce qui me va très bien! Je repars au soleil levant avec Joe, un autre coureur qui venait de dormir plusieurs heures. On fait les premiers kilomètres ensemble (enfin, rectification : je passe les premiers kilomètres à essayer de le semer sans succès, l’animal est aussi en forme que moi^^). On longe une rivière sur un sentier plutôt agréable, par contre c’est très plat et du coup il faut courir sans arrêt…pffff ça commence à piquer cette histoire. Comme toujours avec la Spine, le chemin facile laisse bientôt place à une portion dégueulasse le long de la rivière : un champ de pierres où il faut littéralement escalader des pierres gelées. Je commence d’ailleurs par partir trop haut, et dis vite à Joe qui commence à me suivre que le sentier est en fait tout proche de l’eau. Heureusement d’ailleurs que des amis m’avaient parlé de ce passage sinon je serais toujours en train de chercher un vrai chemin. Le cauchemar dure quand même deux bons kilomètres. Puis on arrive vraiment au premier whahouuu de la course : Cauldron Snout , une énorme et magnifique cascade au débit impressionnant ! Le sentier consiste à escalader les rochers sur 30 mètres. Ceux-ci sont bien sûr recouvert de glace et une vraie patinoire. Je vois Joe réussir à grimper par une minuscule brèche et m’inviter à le rejoindre par là. Je m’arrête pour essayer de mettre mes crampons, mais avec mon poignet en vrac, c’est mission impossible, j’ai trop mal, et je me résous à m’en passer, autant dire que je fais preuve d’une extrême précaution afin de garder un minimum d’adhérence sur ce qui est de purs blocs de glace. Joe a pris pas mal d’avance et je passerai les kilomètres suivants a essayé de le rattraper, en vain. Les vues sont magnifiques, on passe devant une seconde cascade, puis on traverse un pont et longe de nouveau la rivière, J’arrive ensuite au fameux High Cup Nick, un chasme en forme de U quasiment parfait donnant une vue imprenable sur la vallée. Je suis vraiment contente de faire ça de jour et sous une météo radieuse !

Niveau navigation, je me demande un peu où il faut passer – je suis tentée d’escalader les grosses pierres au fond du U, mais je demande à un randonneur et visualise enfin ce qu’il faut faire pour commencer les 7 kilomètres de descente vers Dufton. Ils sont plutôt roulants, mais il faut pas mal faire attention aux plaques de glace et changer sans cesse de trajectoire pour éviter celles-ci. Je fais un arrêt éclair au ravito. Je recharge juste en eau et gogogo. Les bénévoles me remontent le moral en me disant que sur la prochaine partie, Cross Fell – je ne savais pas ce que c’était mais maintenant oui^^- si il y avait du vent il ne fallait pas que j’hésite à mettre mes goggles et que -15°C étaient annoncés. De toute manière Merijn m’avait prévenu qu’après Dufton c’était la mort et j’avais pris avec moi deux doudounes, deux pulls et trois paires de gants – sortez couverts ! Les bénévoles m’avaient aussi dit que l’approche risquait d’être un peu boueuse…et bah punaise^^! Après 2 kilomètres à patasser dans la boue et la flotte, je retrouvai enfin la neige et le début d’une montée de 7km à 10%. Le jour en était à ces derniers instants, et la nuit tombe bientôt. Ça, le vent de gueux et les deux mètres de neige rendaient la navigation un poil compliquée. Je m’arrête pour rajouter une couche, enfiler des gants plus chauds et mettre mes fameuses lunettes qui doivent me donner un style de ouf, et me transforme presque en glaçon dans le process. Je change le mode d’alimentation de ma montre (pour économiser la batterie, j’avais mis un mode économie d’énergie ou l’écran s’éteint, je le passe en écran permanent car la navigation est maintenant vraiment galère, et il est impossible de suivre la moindre trace de pas car le sol est balayé par le vent). Je vois bientôt apparaître une frontale derrière moi, puis vois apparaître un coureur, Marc, marchant à une vitesse supersonique. Il arrive à ma hauteur et me demande si ça va, je lui répond que oui, pour un bonhomme de neige je vais pas trop mal^^. Il me dit qu’il est blessé au releveur et ne peut plus que marcher – le mec est tout simplement en train de m’écœurer, il marche littéralement à 7 km/h. Puis il rajoute : mais oui, je me rappelle de toi, la dernière fois que je t’ai vu tu étais enfoncée jusqu’aux genoux dans la boue. Ok, c’était lui ce fameux coureur qui m’avait demandé comment ça allait lorsque je m’étais fait piégée sur la première leg…. Autant dire qu’il me sème rapidement, mais je m’accroche pour pouvoir voir où il passe et suivre sa frontale.

J’arrive enfin à ce sommet, cela faisait des heures que je le voyais et que j’avais l’impression de ne jamais m’en rapprocher… Je rattrape quand même Marc dans la descente, même si la différence de vitesse entre mon running éclaté au sol et sa marche très dynamique n’est pas si importante que cela. Au détour d’un virage, une cabane apparaît, la fameuse Greg’s Hut. On m’en avait parlé, et notamment de John Bamber et de ses fameuses nouilles au chili qu’il fait pousser lui-même dans son jardin. Autant dire que quand il m’en propose je n’hésite pas. Il me montre aussi une magnifique photo de moi prise à l’entrée de la cabane où j’ai les cheveux gelés et du givre sur tout mon sac. Un arrêt de quelques minutes, juste le temps de me réchauffer un peu et de faire dégeler mes flasques et c’est parti pour torcher les 16.5km de descente dans la neige jusqu’à Alston et ses fameuses lasagnes ! Ça se court bien, j’aperçois une lumière au loin derrière moi, je suppose que c’est Marc qui me remet la misère en marchant ! Plus on descend, moins le vent est violent et plus la température redevient supportable. Je fais même tomber une doudoune. On quitte enfin la neige pour une route. Un bénévole me demande si ça va et me dit qu’un peu plus loin on traverse un hameau où une femme nous invite à rentrer chez elle et que si je veux m’arrêter souffler 5 minutes je suis la bienvenue. Je n’en ai pas particulièrement besoin – la base vie est dans à peine 6km, je suis blindée de flotte et viens de m’enquiller une énorme plâtrée de pâtes, mais comment refuser autant d’hospitalité. Effectivement, un peu plus loin, une femme applaudit au milieu de la route et m’invite à rentrer chez elle. Je sens que cela lui fait tellement plaisir, je rentre 5 minutes, chit-chat un peu, engloutis deux toasts et reprends ma route ! C’est aussi ça la Spine, toutes ses petites expériences et gestes de tendresse. Bon, c’est pas tout ça, il reste 6km avant le dodo. Je les torche du mieux que je peux, et arrive au CP4 vers 23h00.

CP4-CP5 – 64km 1800 d +

Another brick in the wall…

J’arrive au CP4 vers 23h00. Bonne nouvelle, il n’en reste plus que 132km ! Joe est déjà là, il vient de se réveiller de sa sieste. Je commande direct une part de lasagne, puis une deuxième, puis une troisième. On me dit que le record est à 7, je réponds que ça me paraît petit joueur et qu’il ne faut pas me chauffer ! Je prépare ma bouffe, mes chaussettes et mes vêtements pour la prochaine section, histoire que lorsque je me réveille avec la tête dans le cul tout soit déjà plus ou moins prêt. Je jette vite fait pour la première fois un coup d’œil au classement, je vois que Merijn est assez loin, et que j’ai 30km d’avance sur la première femme… Bon bah du coup, on va se prendre une royale sieste d’une heure et demie ! Je monte à l’étage avec mon sac de couchage et on me donne une chambre individuelle mieux qu’à l’hôtel. Je mets le réveil 1h30 plus tard, comate rapidement et me réveille 5 minutes avant qu’il ne sonne. Mes jambes ont eu le temps de bien refroidir et les bénévoles se foutent de ma gueule lorsqu’ils me voient descendre les marches d’escalier en marche arrière. Je reprends 2 parts de lasagne. Total 5 parts ! Franchement, j’aurais été capable du double mais bon faut pas abuser des bonnes choses non plus. Merijn et Marc sont arrivés entre-temps, il est donc grand temps de se barrer. Je change mon pull Brubeck, j’ai en effet transpiré comme une malade dans mon sac de couchage prévu pour des températures négatives… Nouveau kit check, où bien sûr on me demande de montrer mon sac de couchage et donc de défaire totalement mon sac, et c’est darty mon kiki. Il est deux heures du mat’, 3 h de pause bien méritées, je me dis que ce sont les dernières, je n’ai en effet plus prévu de m’arrêter aussi longtemps à Bellingham. Le bénévole me donne des instructions pour retourner sur la trace. Je dis oui oui mais n’avais bien sûr rien compris, et passe 5 minutes à trouver le bon chemin hors du CP. Chapeau l’artiste, du grand art ! La dizaine de kilomètres qui suit en une succession d’enjambages de muret et de traversées de champ. A un moment, je me rends compte que le sentier est de l’autre côté d’un mur, et hop, c’est parti pour une petite séance d’escalade. Puis on entre dans un marais- qui heureusement est à moitié gelé, ce qui permet de ne s’enfoncer qu’une paire de fois jusqu’aux genoux dans la boue. La navigation est rigolote aussi, ce qui me vaut de belles traversées de buissons. Cette partie pas très fun dure quand même une vingtaine de kilomètres et je me retrouve à sec. Je traverse un hameau et suis tentée de remplir ma gourde filtrante à une rivière, mais je me dis que comme on arrive à mi-parcours, il devrait bien y avoir un point d’eau où une équipe de sécurité pas très loin.

Quelques kilomètres plus loin, il y a un café, mais comme il est 7 h du mat’ il est bien évidemment fermé. Néanmoins je tourne autour et trouve des toilettes. La propriétaire du café en sort justement, m’aperçois, me demande si je fais la course (je pense que vu ma tête de déterrée cela devait être assez évident), je lui demande si je peux prendre de l’eau aux toilettes et elle me répond de plutôt en demander aux bénévoles. Elle m’accompagne sur le parking, où il y avait en effet un 4X4 de la course avec deux bénévoles congelés à l’intérieur. Je fais recharger mes flasques, leur confirme que tout va bien, range ma frontale car le jour est sur le point de se lever et j’arrive bientôt au pied du mur d’Hadrien. Et la, c’est l’effet waouh ! J’avais déjà vu la Grande Muraille de Chine, ce n’est certes pas aussi imposant, mais ça en jette quand même. Pour fêter ça, je sors mon arme secrète, le sandwich au roquefort, et un paquet de chips, et déguste ça le long du mur. Dans la manip, je fais tomber un de mes gants Brubeck, et suis dégoûtée parce qu’il étaient top, mais bon, la flemme de faire demi-tour. Sur la fin, le mur est construit à même la falaise, ce qui le rend d’autant plus impressionnant. Le sentier quitte ensuite le mur, puis on arrive sur une diversion pas ouf ouf (apparemment une tempête a rendu cette partie du Pennine Way impraticable et donc à la place on doit passer sur un sentier forestier en léger faux plat montant des plus banals). Un drone me filme… donc je me mets à tout courir avec ma meilleure foulée (j’ai vu la vidéo, ouille ouille ouille). J’arrive ensuite à Hornystead Farm, un ravitaillement non officiel mythique – une dame, dont le Pennine Way traverse littéralement son champ- invite tous les coureurs à rentrer dans sa grange et elle offre de la soupe, des chips, du chocolat et même un lit… à tous les coureurs affamés. Pareil, même si dans les faits je n’en ai absolument pas besoin – le prochain CP n’est plus qu’à 8km et il me reste tout ce qu’il faut en bouffe et eau, je ne peux pas me résoudre à la rembarrer et accepte avec plaisir son invitation à venir me poser et discuter 5 minutes avec elle. J’en profite pour lui demander la météo pour les prochains jours, et elle me donne la meilleure des réponses possibles en me confirmant qu’il fera froid, mais sec, jusqu’à au moins jeudi soir. Je ne m’enracine pas trop non plus et reprends ma route pour effectuer de bon pas les derniers 8 km qui me séparent du 5eme et dernier CP, Bellingham.

CP5 – Finish 67km 2200d+

The white walker

Km 365 CP de Bellingham ! Alors que je m’apprête à rentrer dans le CP, je vois Joe et un autre coureur que je vois pour la première fois (Doug, entre autres recordman du double Bob Graham round, donc pas vraiment une chèvre), en sortir. Je décide de faire un ravito express… Je mettrai quand même une heure…raté. On ne change pas une équipe qui fait match nul, donc je rechange de chaussettes, je prends un max de bouffe (sniff plus de sandwich au roquefort, mais il me reste des bretzels, youpi ! Alsace Power !), prend une doudoune de plus (quelle bonne idée j’ai eu), demande 3 cafés coup sur coup, en fait tomber un car je suis un légume, effectue le dernier kit check de la course, youpiiii ! et me barre enfin sans croiser un autre coureur de la Spine. Cool, il ne reste donc plus que 67 km. 25 pour arriver à Byrness, dernier checkpoint intermédiaire où l’on est autorisé à rester 30 minutes et où l’on nous sert un plat chaud, et après il reste le dernier marathon dans les cheviots, avec en gros 16 km jusqu’à la Hut 1, 14 km jusqu’à la hut 2 (où il n’y a rien à part un abri et éventuellement un membre de la Security Team) et enfin les derniers 11 km de descente vers l’arrivée au Border Hotel à Kirk Yetholm.

Je rattrape vite des gens du challenger North partis quelques dizaines de minutes avant moi. Le terrain est toujours un mélange infâme de parties boueuses et de verglas. J’avance plutôt bien (i.e. je courrotte à 5-6km/h), jusqu’à ce que je mette le pied dans une partie un peu plus sombre du chemin. Et vlam, me voilà qui m’enfonce jusqu’aux hanches dans la boue. Heureusement j’arrive à garder mes fesses hors de la tourbe, à m’asseoir sur une partie dure et à me décoincer. Je serai hyper vigilante sur les portions suivantes, à éviter systématiquement toutes les parties trop noires quitte à faire un gros détour. Je glisse une paire de fois sur le verglas, ce qui me vaut de belles gamelles, et m’aurait sûrement fait mal au début de la course, mais j’ai maintenant une sensation bizarre d’absence totale de douleur. J’ai l’impression d’être comme sous anesthésie. Je sens mes muscles et mes articulations travailler, et je suis sûre qu’ils doivent crier douleur, mais je ne ressens rien. C’est une sensation très bizarre, limite flippante… mais qui m’arrange bien à ce niveau de la course. La nuit retombe, je l’espère pour la dernière fois a priori. A un moment, je suis la route et ma montre sonne pour m’indiquer que je suis hors sentier. Je fais demi tour, regarde ou j’étais sensée passer, ne vois rien qui ressemble à un sentier : la trace part au milieu de la forêt. J’essaie de me frayer un passage dans les ronces. Marche quelques mètres sur la trace, doit de nouveau me frayer un passage dans les ronces. Je me dis que non, ce n’est pas possible, le chemin ne peut pas être là. Je fais demi-tour et retourne sur la route. J’ai quand même un doute. Et s’il y avait vraiment un sentier ? Je retente à nouveau de me remettre sur la trace : j’escalade un talus, enjambe des buissons, me remets sur la trace, mais non, ce n’est pas mieux, ce n’est toujours pas un chemin, je retourne sur la route, tant pis, qu’ils me mettent une pénalité si je me suis trompée, mais pas question de faire du 0.5 km/h sur un sentier dégueulasse pour suivre la trace, d’autant plus que j’ai déjà dû perdre une vingtaine de minutes. Un peu plus loin, la trace part de nouveau à perpet’, cette fois il y a carrément un fossé, ce qui me conforte dans l’idée, qu’elle n’était juste pas bonne. J’arrive toute heureuse à Byrness, j’y engloutis deux assiettes de hachis et m’octroie une sieste de 20 minutes dans le canap’. Je jette un coup d’œil à l’écran géant avec le live tracking, apparemment mes premiers poursuivants sont à 15 km… ça fait zizir ça, et c’est reparti. On me conseille de mettre mes crampons, et effectivement la montée suivante est complètement gelée et donc je les enfile pour la première fois de la course (il me faut bien 5 minutes, surtout avec mon poignet en vrac). Et effectivement, c’est magique, on a bien plus d’adhérence dis-donc.

Une fois la montée finie, on se trouve complètement exposé sur des sentiers enneigés. J’essaie de continuer à courir, mais je m’enfonce trop, donc je passe en marche rapide. La navigation demande également de l’attention, car certes, la plupart du temps il suffit de suivre les traces de pas, mais comme on a tous plus ou moins les mêmes montres, et bien on suit des traces, la montre sonne pour nous dire qu’on est hors sentier, et on voit à gauche de là, où on s’est arrêté, effectivement des traces de pas de quelqu’un qui revient dans la bonne direction… Bref, je fais donc quelques « tout droit » qui me font perdre du temps et rendent cette partie encore plus interminable qu’elle ne l’est déjà. Les kilomètres défilent très très lentement sur ma montre et pour la première fois de la course je trouve le temps long, très long… Sans compter qu’il fait un froid et un vent de gueux. J’atteins enfin la hut 1, je m’y arrête quelques minutes pour m’y réchauffer un peu. Grossière erreur, lorsque j’en ressors, j’ai encore plus froid qu’avant car je suis restée immobile. J’enfile alors tout ce que j’ai dans mon sac : deux doudounes et une veste imperméable supplémentaire, et il faut bien ça pour que j’arrête de frissonner. Encore 14 km, dont une bonne montée-redescente, jusqu’à la hut 2, je patauge dans 2 mètres de neige à certains endroits, c’est encore plus long et plus froid. Je me dis que ce n’est pas le moment de s’endormir car sinon je risque de mourir sur place… Heureusement je suis certes un peu en mode zombie, mais pas au point de dormir debout. J’atteins enfin la hut 2, on m’invite à rentrer à l’intérieur, je le fais en hésitant, j’ai pas vraiment envie de m’arrêter… A l’intérieur, c’est bienvenue à Zombiland : la hutte est remplie d’une très belle brochette de coureurs du Challenger Nord emmitouflés dans leur couverture de survie et visiblement dans un état de décomposition avancée. Pas envie de moisir ici moi ! je ressors aussitôt, me fais juste dégivrer les flasques et profite du soleil levant pour entamer en marchant (grosse flemme de courir) les 11 derniers kilomètres qui me séparent d’un dodo bien mérité. Il faut cependant rester vigilant, les derniers hectomètres sur la route sont bien casse-gueule à cause de plaques de verglas géantes. Hop la fameuse dernière montée, puis la dernière descente. Je pensais que je serai émue, comme sur mon Tor des Géants, mais non, aucune émotion ne m’envahit… Je pense que je suis juste trop fatiguée et que ces 40 derniers kilomètres m’ont tuée… J’aperçois enfin l’arche, des bénévoles et des passants qui m’encouragent, et là oui, je commence à être heureuse et soulagée. Je fais un dernier effort pour courir les 100 derniers mètres et n’avoir pas trop l’air ridicule sur la vidéo finish. Et comme je ne savais pas trop s’il fallait embrasser ou toucher le mur, dans le doute, je fais les deux !

Voili Voilou, quelle aventure : 431km bouclés en 97h39, 5ème au scratch à juste 50 minutes des 3ème et 4ème ex aequo qui ont fait les 100 derniers kilomètres ensemble pour pas que je les rattrape. Certes je suis loin de Damian et Jack, mais bon c’était ma première Spine et surtout ma première vraie expérience de course hivernale – c’est pas pour rien que je fais la majorité de mes courses sur des îles tropicales. Et surtout j’ai eu l’impression de profiter à 100% de l’expérience incroyable offerte par cette course en profitant de tous les ravitos inofficiels, en prenant le temps de discuter avec les bénévoles et d’admirer le paysage… Bref, un vrai truc de dingue, que j’ai apprécié de A à Z (moins les cheviots !). La question à 1000000 d’euros, vais-je y retourner?… Et bien je n’en sais rien, la météo de cette année n’était au final pas si horrible, donc je suis quasiment sûre que si j’y retourne, je vais me prendre pire dans la tronche… Mais en même temps c’est tellement incroyable et je suis sûre que je peux faire largement mieux… On verra.

Crédit photos : organisation

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