Run : Un Kinder dans le désert ! Le récit du Half MDS au Pérou par l’autre Cécile – (épisode 3)

L’aventure dans le désert péruvien continue pour Cécile. Si vous les avez raté l’épisode 1 est à lire ici et l’épisode 2 à lire là. Faites vous un thé glacé avant de l’attaquer celui-là, il est long !

Episode 3

La longue…

La nuit a été très moyenne. Je n’ai pas beaucoup dormi, le matelas n’est pas trop mal (mon changement de dernière minute s’avère judicieux) mais le sommeil a été compliqué. La fraîcheur du matin m’a réveillée, je me lève pour aller aux toilettes. Quelle merveille d’ouvrir la tente à 4H30 : un ciel avec des milliers d’étoiles et une lune presque pleine m’accueillent ! C’est magnifique ! Je me recouche mais ne trouve plus le sommeil. En plus je me suis trompée dans la mise à jour de l’heure de ma montre ou de mon tel, du coup j’ai peur de louper le réveil ! Nous devons laisser notre tente vide. Nous avons juste le droit de laisser l’eau si nous n’avons pas tout utilisé. Je dois donc replier mon matelas, mon duvet et refaire mon sac. Je commence par m’habiller, mais la séance pliage du matelas s’avère plus compliquée qu’à l’entrainement ! Je m’agace, mais je réussis. J’avale fissa un crumble lyophilisé, je prépare mon sac et mes gourdes.
6H : tout le monde est dans le sas de départ. Cyril commence son briefing. Il nous explique que la course est difficile, que c’est la raison pour laquelle il y a un 3e format (70KM). Pour donner sa chance à chacun. Le CP1 sera au 12e km et il faudra choisir si on part sur 30 ou sur 40/60. Cyril va ensuite dire quelque chose qui sera déterminant dans la suite de mon aventure : « Gardez en tête que ce n’est pas la distance qui fera votre course, mais ce qui compte c’est le plaisir que vous allez prendre. A quoi ça sert de faire 20km les yeux sur ses pieds en souffrant alors que vous êtes dans un endroit sublime ? Il y a 3 formats, alors faites vous plaisir ! Il n’y a pas de « petite», de « moyenne » ou de « longue», il y a un Half Marathon des Sables. Et les 3 parcours sont magnifiques. »

6H30 : le départ est donné, dans une ambiance de folie (y’a pas à dire, HMDS est fortiche pour mettre le feu…), tout le monde est chaud patate, les machines de guerre s’élancent comme des balles… Je pars avec mon objectif de faire les 45km, oui oui au final, l’étape de 40 en fait 45 et celle de 60 en fait 63 ! Comme pour le dénivelé, ils ne savent pas compter ! Mon objectif est aussi d’arriver avant la nuit, parce que franchement, vu comme on se retrouve seuls dans le désert, j’avoue que j’ai pas envie d’être seule de nuit, et j’ai testé la frontale hier soir, dans la brume, je ne voyais rien et je me suis fait la réflexion que marcher comme ça alors qu’on ne sait pas où on va, c’est pas fait pour moi. Oui je suis une flipette, et je m’en fiche, j’assume. Le feu du départ va vite s’éteindre au vu de ce qui nous attend : une grosse dune dans du sable relativement mou. C’est simple, j’ai vu sur le roadbook que ça monte jusqu’au CP1, soit 12km. Mais je ne m’attendais pas à CA !!!!

La vache, c’est raide, je vais cracher mes poumons direct, et souffrir dès le premier km. Je m’adapte mieux au terrain, je sais maintenant marcher dans le sable, trouver les appuis, pour éviter de trop fatiguer, quitte à s’écarter des traces un peu pour trouver un meilleur appui. On prend cher… La dune est interminable, je repense à mes séances de côtes où je couinais ! La rue de la Madeleine, c’est du pipi de chat ! J’ai les cuisses en feu, mon sac pèse une tonne, mais je croise du monde, on s’encourage. Qu’est ce que c’est difficile !… Je raccroche Bastien, sa chérie Virginie, Philippe, et Arzelle, qui sont eux aussi en train de prendre cher, sauf Bastien, qui a l’air d’aller plutôt bien, et qui coache tout ce petit monde à la perfection. Je vais me greffer à leur petit groupe, il faut que j’arrive à les suivre, car j’ai besoin d’un coach. Sinon je ne monterai jamais. «Un pas après l’autre», «Des petits pas plutôt que s’arrêter», on compte les balises. Des vrais mantras qu’il nous répète à l’envie. On discute, j’essaye de garder mon rythme. Ca monte, ça chauffe. C’est interminable. Au bout d’1H30, on a fait 4.6km et on s’est bouffé 920m de D+. Il commence à faire très chaud. Pourtant il n’est que 8h du matin. Je suis cuite.

Devant nous à présent, on dirait qu’il y a comme un plat… Je prends un peu d’avance sur le groupe. Mais d’un coup d’un seul, je me prends un sale coup de mou. Et je me mets à pleurer. C’est tellement difficile… Mais comment est-ce que je vais réussir à finir cette étape, si au bout de 4.6km je suis au bout de ma vie, sachant que sur le roadbook ça monte jusqu’au CP1, et que par conséquent, il reste 8 bornes de grimpette ? Le paysage est exceptionnel, je sais que j’ai une chance incroyable de voir cette merveille, mais fichtre comme il se mérite ce paysage bordel !!!!!!
C’est ce que je suis venue chercher : ces étendues somptueuses et reculées… C’est aussi ce que je suis venue chercher : ces retranchements avec moi-même, aller titiller mes limites. J’ai un bon mental, je le sais, je ne me laisse pas abattre trop facilement, mais là, j’avoue que je prends sacrément cher. Le D+, la chaleur, le sac qui est si lourd. 45km, ça va être chaud. J’ai encore 8km pour me décider, mais je commence à me dire que je vais bifurquer sur le 30. Après cette accalmie un peu plate, ça repart à la grimpette. Le paysage a changé, nous passons entre des dunes, c’est splendide.

Grimpe, grimpe, grimpe…

Au fil des dunes, j’ai pris ma décision en repensant aux sages paroles de Cyril ce matin, et je vais faire le 30km. Aucun intérêt de faire 45 bornes dans la souffrance, et de risquer de devoir abandonner à cause des barrières horaires, car je ne suis pas une flèche moi, j’avance tranquille.
12km, plus de 1200m de D+, et pas de CP en vue. Je vois des coureurs (enfin… des petits points qui bougent au loin…) en haut d’une dune super haute et super loin. Là, mon cœur s’arrête : le CP est après cette dune ? C’est tellement loin, et surtout, tellement haut !!!! Ca me coupe les pattes, je me sens découragée, mais je continue quand même parce qu’il faut aller jusqu’à ce CP. Je suis claquée et il fait tellement chaud. Je brûle sur les mains, et ma crème solaire est dans mon sac, mais je ne veux pas m’arrêter pour le poser, sinon je ne repartirai pas ! Le chemin tourne, et au détour d’une dune, j’aperçois le CP1 !!! Il est là !!! En fait, la dune c’est la suite du parcours, mais le CP est là ! ENFIN… Je me remets à pleurer, de soulagement cette fois, je suis tellement heureuse d’arriver au CP. Et je sais qu’après, ça ne monte plus autant.

Je me suis dit que j’allais m’y poser un peu pour me rafraichir et manger un bout. J’arrive au CP, les gilets bleus demandent comment on va, nous remontent le moral, et nous proposent de nous rafraîchir. Je demande à l’un d’eux s’il peut me donner ma crème solaire, car je vois bien que je brûle. Je me pose un peu sous la tente d’ombre. Arzelle, Bastien et le reste de la troupe arrivent pas loin derrière. Le gilet bleu explique qu’on est limite pour la barrière horaire du 45. Moi j’ai décidé de changer de format : je pars sur 30. Alors que je suis en train de me sortir une barre pour manger un bout, arrivent Charlie et son pote. Charlie est canadien, il vient d’Acadie. Je découvrirai plus tard que Charlie est une star sur Instagram mais moi je ne le connais pas, et tout ce que je vois, c’est que ce mec est complètement barré et surtout très drôle.

Charlie, il fait le HMDS avec un sac à dos de rando de 36 litres (alors que je subis mon sac de 20L), des chaussures de rando, pas de guêtres, et des grosses chaussettes… Un vrai touriste quoi ! Il est en plus super sympa. Quand il me voit (sans doute décomposée) on discute 5mn, puis il me demande quelle course je choisis. Je lui réponds : « Oh ben j’abandonne la 45, là je pars sur la 30 ». Avec son accent à couper à la hache, il me répond « Ah mais nan, t’abandonnes pas ! Tu changes juste ton chemin ! » Merci Charlie car à cet instant, cette phrase là m’a fait tellement de bien ! Charlie et son pote repartent, torses nus sous le plein cagnard pour la 45.
** spoiler ** Ils fermeront la marche de cette étape de 45km, en arrivant les derniers vers 22H30 à la lumière de leurs frontales, et les pieds de Charlie seront en charpie.

Je repars moi aussi, mais de l’autre côté. Le prochain CP est dans un peu plus de 8km. Le paysage est sublime, changeant. Je ne cesse de répéter que c’est sublime, incroyable. Les paysage sont à couper le souffle. Le vent alterne entre chaud et frais, c’est bizarre. Et ce silence… Je marche et je cours toujours en musique, je fais même demi-tour si j’ai oublié mes écouteurs. Mais depuis 2 jours je n’ai pas sorti mon lecteur. Je me gave de silence. Le silence va tellement bien à cette immensité et à cette solitude. J’avais pas prévu ça, mais en fait je crois bien que j’avais aussi besoin de ce silence. Les 8km qui me séparent du CP2 défilent. C’est la partie la plus simple de l’étape.

« Le lundi au soleil »


Je n’ai à présent plus aucun regret d’avoir changé de plan. Cette course est juste exceptionnelle. Difficile et exigeante, mais exceptionnelle ! Je rejoins une petite jeunette, Audrey je crois, qui court avec sa mère. Elle m’apprend que son frère court aussi, plus avant. La mère a couru le Marathon Des Sables il y a quelques années. Quelle chance de vivre ça avec ses enfants ! Ça me fait repenser à mon plaisir d’avoir partagé la Spartan Race avec Antoine. Nous arrivons au bord d’une immense dune qu’il va falloir descendre. Du sable très mou. La dune est verticale ! Et en bas, je vois le Pacifique et le CP2. Nous dévalons la dune, c’est un vrai grand moment de kif total. A mesure qu’on descend on entend la musique du CP2.

CP2 : ravito d’eau. Il fait très très chaud. Il nous reste 8 ou 9km pour rejoindre le bivouac. D’après le roadbook ce sera globalement plat et en bord de mer. Ces 8km n’ont rien d’insurmontable en soi, mais nous sommes en plein cagnard et il est pas loin de midi. Je bois inlassablement. Mon sac me tue le dos, j’ai les trapèzes en miettes. On est au bord du Pacifique. Donc je cherche le sable dur pour plus de facilité. Mais rapidement le chemin va revenir dans du sable mou et il faut quitter le bord de l’eau. A ma gauche l’océan et ses grosses vagues. A ma droite les dunes. Le paysage a encore changé mais c’est toujours aussi beau. Nous croisons des pêcheurs qui doivent se dire que nous sommes des barjots. Les kilomètres ne défilent pas bien vite sous cette chaleur écrasante. J’ai très chaud. Trop. Ma tête va éclater sous ma casquette. Aucune idée de la température mais aujourd’hui il n’y a pas de vent pour rafraichir.

La fin d’étape est tellement longue… Une ligne quasi droite de 8km sans jamais voir le bivouac. In-ter-mi-na-ble. Et je suis seule. Pas de coach, personne à qui parler, alors je répète les mantras de Bastien « petit pas », « un pas après l’autre »… ponctués de quelques « putain qu’est ce que j’ai chaud » ou autre variante « bon sang ce sac est trop lourd ». On s’approche d’une dune et je me dis « pourvu qu’on ait pas à la monter celle là ! » Ahahaha le ciel m’entend : il faut continuer tout droit. Suivre les balises. Surgissant de nulle part (non pas un aigle noir ) mais LE BIVOUAC est en vue !!!!! J’en peux plus, ch’suis cuite et au bout de ma vie. Il y a bien encore au moins 3km (en vrai… 4…) qui vont me sembler une éternité. Mais plus j’avance, plus je suis fière de moi. Je vais finir cette étape qui sera sans contexte spoiler la plus difficile de cette aventure. Le dénivelé de la première partie, la chaleur écrasante, le sable dans tous ses états, le poids du sac… je m’attendais à ce que ce soit difficile, mais franchement je ne pensais pas que ça le serait autant.

J’approche du bivouac, j’entends la musique. Mes pas sont lourds, je me traîne. Dernière ligne droite, je sens monter les larmes. Cyril nous a dit ce matin qu’il ne voulait voir que des sourires à l’arrivée. Ça s’annonce mal, car je n’arrive pas à retenir mes larmes, des larmes où se mêlent le soulagement, l’épuisement, la fierté et la joie d’arriver au bout de cette étape. Il m’annonce au micro, je sais qu’il va à nouveau me faire un accueil de Princesse d’Ultra-trail. Je voudrais courir pour passer la ligne mais mes jambes n’en peuvent plus, ne veulent plus, et j’arrive en mode tortue. Je passe l’arche, en larmes derrière mes lunettes noires, et je tombe dans ses bras. Il me congratule. Cyril, c’est le roi du câlin finish. Tout ce que je réussis à lui dire : « C’était sublime mais tellement difficile…! » 30.84km parcourus en 7h45. Très sincèrement, je n’en aurai jamais fait 15 de plus. Il doit être pas loin de 14h.

Je vais commencer par boire, poser mes chaussures et constater qu’aujourd’hui encore je n’ai pas d’ampoules. Je vais aller me poser sous la grande tente et applaudir les coureurs qui arrivent. Marie et Hélène les québécoises sont là, elles sont déchaînées. Je mange un peu mais j’ai pas très faim. J’applaudirai un grand nombre de champions, en attendant Fabrice mon Binôme du Désert, Arzelle et Bastien qui arriveront ensemble. Et ce soir c’est moi qui vais lui préparer son petit bouillon Kub’Or, au Binôme !Une fois encore nous allons nous coucher tôt, moulus par cette journée, les yeux pleins de ces paysages somptueux, et du sable plein la tente…

Le site de l’organisation est ici et leur insta là.

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