Vous vous en doutez, parce que vous me connaissez, je suis curieuse par nature et lire le livre de Rémi Camus (retrouvez ma fiche de lecture ici) m’a donné envie d’en savoir plus. Il m’a donc gentiment accordé un peu de son temps pour répondre à mes questions.
Tu ne sembles pas avoir un passif de sportif de haut niveau ou même juste d’ultra-traileur alors comment un jour on se retrouve à traverser un continent en courant comme tu l’as fait ?
Tu n’as pas tort ! Ma première vie professionnelle était dans le domaine de la restauration et pour être parfaitement complet dans le domaine de la nuit surtout. Très vite à 21 ans, je me suis retrouvé à Londres, à me défoncer au travail mais surtout à me défoncer tout court… Alcool, drogue, tout ça en mode festif mais avec des réveils de plus en plus difficiles. Et puis un jour, il y a eu le jour de trop justement. J’ai fait un malaise au travail, un ami m’a ramené chez moi et j’ai passé la pire nuit de ma vie. Je devais faire un choix : stop ou encore… J’ai dit stop. Le lendemain je retournais au travail pour donner tout ce qui me restait de cigarettes ou même cocaïne à mon manager. Il m’avait parlé de la Nouvelle Zélande et en quelques jours j’ai décidé d’y partir. J’ai pris un billet d’avion, rempli un sac à dos et j’ai atterri à l’autre bout du monde à Auckland en ignorant tout ou presque de l’endroit où je venais de mettre les pieds.
J’ai suivi un groupe, je suis monté dans un bus dont je suis finalement descendu quand le chauffeur m’a fait remarquer que j’étais le dernier. J’ai trouvé une guest house à 17$ la nuit, avec un dortoir immense. Un homme était là en train de ranger son sac à dos… J’ai dormi 6 heures épuisé par mon voyage et quand je me suis réveillé il était toujours là. Nous avons fait connaissance, je lui ai demandé ce qu’il faisait, il m’a juste répondu « je quitte la ville, je me suis fait agresser, je vais me mettre au vert », « je peux venir ? », « oui, si tu veux ». Et voilà comment a commencé un périple de 8 mois à la découverte d’un pays dont j’ignorais même le fait qu’il y avait des montagnes. Il ne buvait pas, ne fumait pas, il a été ma cure de désintox à moi. J’ai commencé à courir, nager mais sans autre idée que de rechercher un peu de bien-être. Et ce qui est cool avec le sport, c’est qu’il te permet de manger sans culpabiliser, mon autre passion ! Voilà comment quelques temps plus tard, rentré en France lorsque j’ai trouvé par hasard le livre de Jamel Balhi qui raconte son Paris Shanghai, je me suis dit « et pourquoi pas moi ? ».
Tu te considères ta traversée de l’Australie comme un défi sportif ou une aventure ?
Je suis clairement à ranger dans la deuxième catégorie, déjà parce que l’autonomie qui est la base de ma traversée rend la recherche de performance impossible. Quand Serge Girard, que je connais bien d’ailleurs, part pour ses propres traversées, il a tout un staff qui le suit, qui anticipe ses besoins, s’occupe de tout, ce qui ne diminue en rien son mérite, c’est juste autre chose. Moi, je dois penser à trouver de l’eau, parfois même à me nourrir en chassant un serpent comme ça m’est arrivé en Australie et j’en passe. Ce sont vraiment deux aventures totalement différentes. Mais il ne faut pas croire que ça ne me fasse pas envie aussi, tout comme lui a évoqué avec moi l’idée de se lancer seul pour vivre autre chose justement !
Quand il court, il n’a à penser qu’à ça, alors que moi mon cerveau était toujours en train de réfléchir à plein de choses, propre à mon organisation, ou plutôt mon absence d’organisation. Ca te bouffe une énergie de malade… Un jour j’ai couru 113km en une journée en Australie. Epuisé j’ai posé ma tente à 3m de la route, j’ai juste gonflé mon matelas, j’ai dormi tout habillé. Les trains routiers, ces camions immenses qui traversent l’Australie passaient sans me voir… Si l’un d’entre eux faisaient un petit écart, j’y restais sans que lui même ne réalise que ce n’était pas un kangourou qu’il avait écrasé mais un être humain. Ce n’est pas vraiment un bon souvenir non plus :). je cherche juste à vivre l’aventure, le flow
Tu as du quand même te retrouver dans des situations plutôt ubuesques non ?
Ah ça ! La première qui me vient à l’esprit s’est déroulée en Asie au bord du Mékong. La nuit tombe et je dois trouver un abri pour dormir. Le seul bâtiment que j’aperçois sur la berge, c’était une prison. J’ai demandé au gardien qui parle deux mots d’anglais si je pouvais y dormir. Le gardien surpris me répond que oui, me donne les clés et je vais me coucher dans la seule cellule vide de l’établissement. Il m’avait donné les clés !!! La tête des prisonniers le matin quand je suis sorti avec le trousseau dans les mains…
Et les rencontres ? Tu en parles beaucoup dans ton livre, on sent que c’est surtout ça qui t’anime d’ailleurs.
En Australie, ça a été un peu plus compliqué, enfin différent. Si en Asie on vient souvent vers toi, les aborigènes ont été plus difficiles à apprivoiser. J’ai attendu qu’ils viennent vers moi et non l’inverse. J’ai vite compris surtout que si tu veux de la bienveillance à ton égard, il faut commencer par la communiquer aux autres. C’est un peu donnant donnant. Et j’ai eu le luxe d’avoir le temps, de pouvoir le prendre pour rencontrer des gens mais aussi juste pour profiter de la vue :). Parfois en Australie, je prenais 5 minutes parce que je trouvais le lieu unique et je prenais le temps de le savourer pleinement.
Tu as des nouveaux projets ?
Je prépare en ce moment une traversée Calvi Monaco à la nage en autonomie qui finalement est un mixte entre un projet collectif puisque je le prépare avec tout un staff et un projet perso puisque je serai seul en Méditerranée à nager. Et je travaille aussi à monter un projet plus sociétal, un tour de France en relais pour embarquer avec moi dans l’aventure je l’espère des dizaines de coureurs ou non d’ailleurs parce que l’idée c’est aussi de permettre à des personnes de se dépasser pour le collectif.
Retrouvez ma fiche de lecture de son livre ici.
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