Comme vous l’avez surement vu sur mes réseaux sociaux, j’ai eu l’extrême honneur et bonheur de faire équipe avec Sébastien Chaigneau pour la Maxi Night, première édition d’une course qui se joue à deux, de nuit et qui fait 42km. Pourquoi ? Comment ? Je vous raconte tout parce que comme souvent avec moi, il y a pleins de petites histoires dans la grande histoire…
Avant toute chose, il faut que je vous raconte la genèse de cette incroyable aventure. Je pense que même Seb ne se souvient pas de tout, c’est ce qui est surement le plus sympa dans cette histoire. Il y a des années, j’avais un rêve : courir le Lybian Challenge. Cet ultra se courait dans le désert d’Akakus considéré comme l’un des plus beaux du monde. Je n’avais jamais encore mis les pieds dans le moindre désert mais j’étais tombée sur des photos et j’étais littéralement tombée amoureuse de l’endroit sans l’avoir encore jamais vu. J’ai basculé sur ultra uniquement pour cette course à la base. Mon premier 100km ? Pour le Lybian en réalité… Mon seul et unique « 24h » à ce jour ? Pour le Lybian, pour voir comment je pouvais gérer le manque de sommeil (j’en profite pour te dire encore merci Olivier de m’avoir accompagné dans ce délire !). J’étais inscrite mais toujours en mode panique. Allez savoir comment, ça c’est un élément que j’ai oublié, un ou une amie m’a dit « mais demande des conseils à Sébastien Chaigneau, il l’a gagné plusieurs fois, lui il pourra forcément t’aider ». Euh tu es sur là ? Demander à un champion ses conseils moi petite chose qui débute dans le monde du trail ? (À l’époque j’avais juste un site communautaire, courir au féminin, mais je n’étais « rien » dans l’univers du running, si tant est que je sois quelqu’un aujourd’hui 😊). Oh et pis zut à la fin, tu as raison, de toute façon au pire il ne me répondra pas ! Et j’envoie un message via FB à Seb qui à ma grande surprise me répond et prendra un long moment pour me parler prépa, nourriture lyophilisée et j’en passe. Je raccroche en me disant « ouah mais ils sont supers sympa les champions de trail, ça me change de certains routards qui te regardent avec dédain parce que tu ne vaux pas moins de 3h sur marathon et que tu sembles les gêner d’oser te sentir toi aussi marathonienne avec tes 4h… (je ne vise personne en particulier… y a trop de noms à citer !)
L’histoire ou plutôt la politique et la guerre feront que jamais je ne vais aller voir ce fameux désert… Cela reste à ce jour un de mes plus grands regrets et hélas la situation étant toujours totalement instable dans cette partie du monde, je pense sincèrement que je ne pourrais jamais le voir, que ce soit en mode trail ou juste en mode voyageuse. Avec le temps et ma nouvelle activité professionnelle, née de ma nouvelle passion, j’ai bien entendu été amenée à recroiser Seb sur des événements ou sur des départs de course. Je le croisais aussi de temps en temps dans ma cantine japonaise à Chamonix fin août comme beaucoup d’élites à la recherche de nourriture saine à la veille d’un gros objectif. Mais de là à lui proposer d’être mon binôme !!! Et puis un jour, je découvre la Maxi Night dont le concept m’emballe immédiatement : 42km avec un départ au coucher du soleil en haut du Semnoz, un parcours qui mêle des parties suffisamment techniques pour qu’on s’amuse un peu sans non plus risquer sa vie hein 😊 et des parties un peu plus roulantes, des BH relativement courtes pour la tortue que je suis. Sur le papier, j’étais emballée par l’idée, mais restait un problème à régler : trouver un (ou une) binôme. Et c’est là que je vais vous surprendre, mais je n’aime pas ça moi courir à deux. J’ai même attendu que les Transrockies, course qui me faisait rêver s’ouvrent aux solos pour y aller. J’adore retrouver des amis évidemment, partager des moments de course avec des inconnus qui n’en sont plus à la fin de certaines de mes épopées mémorables (je pense très fort à mon dernier Verbier en écrivant ça) mais de là à partir et devoir faire 100% d’une course avec quelqu’un, c’est autre chose (comment ça je viens de finir un raid multisport en binôme ? eh ben je suis pleine de contradictions, c’est comme ça, je n’y peux rien ! Nan en réalité pour le boulot je peux, pour le perso, c’est tout de suite plus compliqué et Sandrine le sait d’ailleurs, je l’ai évoqué 😊).
Je finis par demander à Fred Bousseau, collègue journaliste, via un sms s’il connaîtrait quelqu’un sur Annecy qui pourrait m’accompagner et il me répond : « ben demande à Seb Chaigneau » … Et moi de lui répondre « ah ben oui suis-je bête… et pourquoi pas Kilian tant que tu es ». Seulement Fred ne le sait pas mais il vient de réveiller quelque chose en moi qui va mettre 3 jours à murir avant que je me décide enfin à me lancer. Si Jacques un ami traileur vivant à juste à côté d’Annecy avait toujours été parmi nous, c’est à lui que j’aurais demandé en premier s’il voulait me faire l’honneur de m’accompagner… Seulement voilà, la montagne nous l’a repris il y a quelques années maintenant et il n’était plus là pour surement me dire « nan mais attends, je veux bien mais va falloir te bouger un peu ma belle parce qu’on n’est pas là pour amuser la galerie ». Mieux, il aurait surement fait le trail des Grenouilles le matin en mode perf pour venir décrasser le soir avec moi. Il se trouve que même s’il n’est plus là, Jacques est toujours avec moi puisque grâce à son épouse, mon adorable Sylvie, j’ai son sifflet toujours accroché dans mon sac de trail. Sur ma première Maxi Race je découvre totalement dépitée que le sac que je dois tester pour le boulot ce jour-là en est dépourvu. Panique à bord, j’appelle Sylvie au secours qui débarque avec un sifflet qu’elle a coupé sur un des sacs de Jacques. Depuis ce jour, il a rejoint le porte-bonheur que les miens m’ont offert et il ne me quitte jamais. Il ne me protège pas des abandons c’est certain mais il est là pour me rappeler qu’il faut vivre à fond sa vie, parce qu’on ne sait jamais…
Et il se trouve que Seb le connaissait bien, qu’ils couraient même régulièrement ensemble et que l’année de son départ, l’organisation de l’UTMB avait accepté que son dossard lui soit remis pour qu’il l’emmène de façon symbolique faire le tour du gros caillou. Ce dossard, il l’a toujours sur lui, précieusement plié, comme moi j’emmène mon sifflet. Ce « détail », je l’ai découvert à Annecy samedi dernier, mais je me suis dit qu’il n’y avait vraiment pas de hasard dans la vie et que Jacques a dû se marrer de là où il est de nous voir tous les deux embarqués dans cette aventure ! Voilà c’était pour la partie sentimentale de l’histoire. Revenons-en au trail en lui-même, je suis désolée d’avoir été un peu longue mais je pense qu’il était important que vous ayez toutes les infos 😊. A ma grande surprise, Seb a donc tout de suite accepté mon invitation. Que les choses soient très claires, je suis parfaitement lucide, il est en coupure, tout à fait conscient de mon piètre niveau et du fait que même s’il me crie dessus, me donne tous les bons conseils du monde, je ne vais pas devenir Nathalie Mauclair ou Caroline Chaverot par le miracle du St Esprit Trail. Il sait qu’il est parti pour un « yogging » à mes côtés, que ça va être long mais il ne semble pas effrayer. Lorsque je me retrouve sur le site à nous inscrire tous les deux, on me demande un nom d’équipe. Ah mince la bonne blague… Suis-je bête, Star Wars évidemment, cela tombe sous le sens !
Annecy me voici ! Depuis une semaine je suis totalement en mode panique, me maudissant de ma folle idée… Mais qu’est-ce qui m’a pris franchement !!! Pour limiter le stress, j’arrive la veille au soir, n’ayant pas envie de me rajouter la gestion d’un rond-point ou d’une sortie d’autoroute bloquée. Je déjeune forcément avec Sylvie et même si je rêve des burgers de la carte je me contente d’une salade à base de quinoa… Oui, bon ok… J’ai pris le tiramisu en dessert… Oui je sais 😊, on ne se refait pas ! Direction le retrait des dossards, je me change carrément dans ma voiture et j’attends mon coéquipier pour retirer le précieux. Je refuse de regarder mon cardio, je n’ai pas besoin de lui pour savoir que j’ai le cœur qui bat à 100 à l’heure, de plus en plus consciente que nan mais franchement Cécile… tu avais la tête où quand tu as envoyé ton petit message ? Seb est là avec Isa son épouse et un ami David qui du coup fera équipe avec elle. Je leur propose de changer, moi je pars avec lui et Isa et Seb filent en direction du podium mais nan, pas moyen, il semble bien décider à traîner son « boulet » sur 42km.
Une salade avec du quinoa au Win le royaume du burger… Je vieillis mal moi !
On attend sagement les bus !
Pour des questions de logistiques, des bus nous emmènent au Semnoz pour ce qui est quand même un départ unique en son genre. Les lumières sont dingues, nous sommes d’un côté en face du Mont Blanc dont on devine le sommet balayé par le vent qui nous glace ici aussi et de l’autre par une mer de nuages qui nous donne encore plus la sensation d’être plus proches des étoiles qui ne vont pas tarder à apparaître. Sylvie est là pour les dernières photos, j’ai toujours le cardio qui pète les compteurs de stress mais tout va bien ! L’ambiance est vraiment top, comme si le fait qu’il y ait que des duos changeait la donne. Plusieurs coureurs regardent Seb en se demandant bien ce qu’il fout là au milieu du peloton et non à l’avant où il se range d’habitude. Le compte à rebours est lancé et paf ça part ! Nous allons faire une boucle de 4km au sommet presque à plat dirons-nous pour les savoyards du cru, histoire que le peloton s’étale bien avant d’attaquer la descente qui aura de nombreux passages en mono trace ou tout du moins en chemin un peu plus difficile pour les dépassements. Punaise mais c’est le régime tartiflette raclette qui leur donne une pêche pareille aux locaux ? Moi la fille de la plaine, j’ai les poumons en mode écrabouillés d’être à presque 2000m… Tu me diras ça met Seb dans le bain tout de suite ! Il comprend très vite qu’il n’est pas prêt de rentrer 😊. Un petit ralentissement pour cause de chemin qui rétrécit et les coureurs autour se marrent en disant à Seb : « tu vois, c’est ça un bouchon sur trail… ça fait bizarre hein ? ».
Sylvie super courageuse d’être montée nous voir dans le froid !
Comme évidemment il ne pouvait être question de la moindre perf pour notre duo improbable, l’idée était plutôt de faire un stage intensif de trail pour moyenne débutante. Et c’est exactement ce qui s’est passé. J’ai eu un cours magistral d’alimentation, d’hydratation, de gestion des descentes mais surtout des montées, tout y passe. Mon prof d’un jour a été tout simplement parfait en me faisant jamais sentir qu’il en avait marre de se trainer comme ça. Ce qui est complètement dingue, c’est que tu réalises en y étant confronté dans le réel, le fossé énorme qui te sépare des coureurs élites. Je sais ça fait « enfonçage de porte ouverte » ce que j’écris là mais c’est une réalité. Même quand il marchait, je ne pouvais pas le suivre ! Même dans ces moments-là, il arrive à tenir une vitesse qui te laisse sur place. Il a su s’adapter à mon rythme tout en m’entraînant à me surpasser doucement mais surement. Nan parce que l’idée était quand même que j’arrive au bout, pas que j’abandonne au premier ravito en demandant qu’on abandonne là après m’avoir achevé 😊. On sent qu’il anime des stages et qu’il a l’habitude d’être pédagogue, ce qui n’est pas donné à tout le monde, il faut bien le dire. Le fait qu’il soit à mes côtés m’a obligé finalement à faire beaucoup plus attention à mon alimentation, un de mes points faibles je le sais, je ne mange pas assez. Mais surtout il a réussi à faire un truc de dingue : me faire courir le plus possible dans les montées alors que franchement je me sentais épuisée et bien incapable de le faire. Ce qui est le plus dingue pour moi, c’est qu’il a réussi à faire ça pour les dernières alors que franchement sans lui jamais je n’aurais même pas tenté. Je me suis découvert une capacité que je ne me connaissais pas grâce à lui. Ok, je courais à la vitesse d’un paresseux piquant un sprint mais je courais quand même 😊.
Punaise j’adore la tête ultra concentrée !!!
Le moment le plus drôle ? Lorsqu’il décide d’analyser ma foulée ! Au bout d’une minute je l’entends me dire « ah ok, donc tu poses le pied comme tu peux en fait » … Voilà, t’as tout bien résumé ! Le truc le plus dingue ? C’est qu’on a commencé à mi-parcours à doubler des équipes, ce qui ne m’arrive jamais sur un trail de format aussi court. Alors je vous arrête tout de suite, évidemment nous n’avons pas fini par gagner hein ? C’est la réalité, pas un film d’Hollywood comme le nom de notre équipe pourrait le laisser penser. N’allez pas vous imaginer des trucs quand même, mais jamais je n’avais vécu une telle expérience et je vous jure que c’est super sympa à vivre ! Attention, nous avons quand même pris le temps de nous arrêter aux ravitaillements, j’ai pris le temps de faire une pause technique, Seb a pris le temps de prendre pleins de photos et de papoter avec tous les bénévoles, mais franchement ça m’a vraiment donné envie de continuer à me remettre en cause pour espérer progresser encore un peu malgré mon grand âge. Je n’ai pas rejoint un club à la rentrée dernière pour rien et là je suis motivée comme jamais !
Ouais ben je ferai coucou au photographe un autre jour, là je regarde où je fous les pieds en priorité…
Je rêvais de mettre 6 heures, nous avons mis 5h50, ce qui me ravit, puisque tout ça on l’a fait sans bobo. J’avais, je vous l’avoue quand même, la trouille de me faire une cheville à 10 jours d’Oman qui est quand même mon objectif principal de l’année, qui va de plus déterminé toute mon année 2019 pour pleins de raisons que je vous expliquerai plus tard ! Je n’ai pas vu passé le temps même si j’étais bien contente de finir. J’ai des courbatures qui me rappellent à chaque pas que cela faisait longtemps que je n’avais pas un peu poussé la machine. Mais surtout j’ai vécu un moment de partage unique et rare que je souhaite à tout le monde de pouvoir vivre un jour. Je mesure pleinement ma chance croyez-moi ! Merci à toi Seb d’avoir accepté de t’embarquer dans une telle aventure, tu es vraiment un grand monsieur du trail. Merci à l’organisation d’avoir eu l’idée de la Maxi Night, vous tenez un concept génial là, j’espère sincèrement qu’il y aura une version 2 en tout cas et t’inquiète pas Seb je te laisse tranquille cette fois ! Merci évidemment à toute la troupe de bénévoles totalement incroyables qui a rendu ce moment possible, punaise vous m’avez épaté parce que vous avez dû sacrément vous les gelez à nous attendre !
Quand c’est Cyrille Quintard qui prend la photo ça donne ça !
Que la force soit avec toi fidèle lecteur !
Ps : et si je vous dis que c’est la charmante Leia qui m’a remis mon dossard, accompagnée de sa maman vous me croyez ou pas ? 😊 je vous le dis, il n’y a pas de hasard dans la vie !