Run : Laurie, le sport à la folie !

J’ai rencontré Laurie sur l’UTAT grâce à Ludo Collet que tous les traileurs connaissent sans le savoir parfois, ils connaissent sa voix en tout cas ! Je suis immédiatement tombée sous le charme de son sourire, de sa joie de vivre, de sa façon de grimper sur le podium avec une simplicité déconcertante… J’ai forcément voulu en savoir plus pour les lectrices de Running pour Elles avec lequel je collabore. Mais un magazine c’est un nombre de caractères limités et beaucoup de frustration de pouvoir tout raconter… Voici donc l’intégrale de son portrait ! 

 
Tu es une sportive de haut niveau depuis toujours ou presque, pour toi le sport c’est forcément synonyme de compétition ?
Pas forcément compétition à tout prix ! Lorsque j’étais joueuse professionnelle en tennis de table, oui ça l’a toujours été, depuis les matchs avec mon grand frère dans le garage quand j’avais 6 ans jusqu’à mes derniers championnats du monde en 2007. C’était la compétition avant tout mais lorsque j’ai commencé le trail, c’était juste pour prendre l’air, et encore aujourd’hui je n’ai pas envie d’être dans cet état d’esprit. Je découvre un sport extérieur où l’on peut prendre le temps de réfléchir, de rencontrer des gens, et je me retrouve souvent à courir avec quelqu’un pendant les courses. Et puis, pour être parfaitement honnête, quand j’étais sportive de haut niveau, je n’étais pas une « méchante » et on m’a souvent reproché de (trop !) respecter mes adversaires !

 
Comment peut-on pratiquer autant de sports aussi différents que le tennis de table, le rugby à 15 et le trail ? Qu’est-ce qu’ils t’apportent ?
Alors c’est vrai que l’année dernière je pratiquais ces trois sports en compétition ! Le tennis de table, le rugby à 15 et la course à pied. Ils m’apportent tout simplement le plaisir de transpirer et la possibilité de partager ! J’ai toujours fait énormément de sport, j’ai beaucoup joué au foot avec mon frère et ses copains quand j’étais petite et aujourd’hui j’aime faire du vélo avec mon fils, lui qui fait du rugby et du judo ! Je trouve que le sport est une bonne école de la vie pour apprendre certaines valeurs comme le respect, le courage, la solidarité.

 

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Ce que ces sports m’apportent encore aujourd’hui ?
Le tennis de table est mon sport de cœur, j’ai joué pour l’équipe de France, j’ai retrouvé au club de Nîmes des personnes avec qui j’avais commencé ce sport à Montpellier donc je n’arrive pas à ranger la raquette mais je ne fais que quelques matchs de championnat pour retrouver les copines.
Le rugby, j’ai commencé l’an dernier car on s’est installé à Cahors avec ma famille, c’était avant tout l’occasion de rencontrer des nanas, et ça n’a pas loupé ! Je n’ai pas leur niveau en 3ème mi-temps mais j’ai découvert la pratique d’un sport collectif et j’ai fait de belles rencontres !
Enfin la course à pied ou plus précisément le trail, c’est ce qui m’a permis de faire là aussi des rencontres qui ont changé ma vie cette année. En fait le trail a été mon remède pour retrouver mon chemin… Mon fils Antoine est né en 2012 et j’attendais sa petite sœur en 2013. En fin de grossesse, une infection alimentaire l’a emporté, j’ai failli y passer… Du coup je n’avais plus goût à rien, c’est le cas de le dire… Et puis j’ai voulu me faire mal, transpirer pour sortir ma rage… Courir, c’était le plus simple à caser quand tu as une heure entre midi et deux, ou le matin quand tu n’arrives pas à dormir. Finalement aujourd’hui, ce malheur va peut-être m’amener à réaliser le rêve de ma vie de sportive : participer aux Jeux Olympiques !

 
Si tu devais en choisir un ce serait lequel du coup ?
La course à pied ! Pourtant j’ai pratiqué le tennis de table pendant plus de 20 ans mais c’est du passé. Et il faut vivre le présent. Aujourd’hui c’est dans la course à pied que je prends du plaisir, que j’ai envie de progresser, que je découvre des endroits magnifiques et que je fais des rencontres surprenantes comme toi au départ du challenge au Maroc ! Et puis je m’y investis complètement depuis cette année car je suis franco-cambodgienne et que je prépare les jeux d’Asie en marathon pour le Cambodge l’été prochain. Tout ça c’est un peu « à cause » de mon coach Ludovic Collet en fait ! L’an dernier en mai 2016 sur la ligne d’arrivée du Festa trail, il m’accueille comme une « princesse », tous ceux qui ont eu la chance de croiser Ludo sur un trail connaisse « the Voice » ! On discute, je lui explique que je cours juste pour le plaisir même si j’aime me faire mal et il me dit qu’il peut m’aider à progresser si je le souhaite, lui qui entraîne également Sabrina Weber et Abdo Kemmissa. Evidemment, j’accepte son aide, j’intègre la « Team Ludo » et à partir de là, le trail a pris une toute autre dimension… J’ai commencé à progresser, j’ai gagné mon premier trail à Valmorel en juillet 2016 (62km et 3600 d+) une course inoubliable que j’ai partagé avec Gildas Lemasson pendant plus de 9h ! Je suis allée faire un trail au Cambodge dans les temples d’Angkor, un endroit que mon père a fui pendant la guerre des khmers rouges, où j’ai gagné le 32km et surtout où j’ai été contacté pour défendre les couleurs du pays jusqu’aux Jeux Olympiques, mon rêve !

 

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Ta semaine d’entrainement ça ressemble à quoi ?
Je m’entraîne quotidiennement. Ça n’est jamais pareil car j’ai la chance d’avoir deux coachs qui me suivent actuellement, Ludovic Collet donc et Sébastien Cornette. Ils se coordonnent pour m’aider à me préparer à mes différentes courses mais on va dire que je cours 1h30 par jour en moyenne. En période de trail, j’ai beaucoup alterné avec le vélo pour soulager les articulations mais aujourd’hui que je prépare un temps sur marathon route, je fais beaucoup de vitesse donc je cours sur bitume ou piste. A côté de ça, je m’entretiens aussi quotidiennement en faisant du renforcement musculaire (abdos, gainage, squats, proprioception pour les chevilles…). Et je fais quelques exercices de pied avec les conseils de Frédéric Brigaud, d’EAD concept qui m’aide à la transition pour passer à une prise d’appui avant pied, c’est étonnant comme c’est efficace. Et j’ai quand même un jour de repos par semaine !

 
Tu as des trucs pour ne pas devenir folle avec un boulot, une pratique sportive intense et un enfant ?
Alors justement, je suis en train de changer d’activité professionnelle car il est effectivement compliqué de jongler entre tout ! J’ai un master en droit du travail spécialisé dans les Ressources Humaines et je travaillais jusqu’à cet été 2017 dans une agence d’intérim et recrutement Morgan Services donc je casais en général mes entraînements tôt le matin ou entre midi et deux pour être avec mon fils le soir. J’ai aussi la chance d’avoir un mari sportif qui sait que j’ai besoin de ça pour me sentir bien. Il s’entraine au rugby deux fois par semaine et il a des matchs le dimanche donc il comprend. Après c’est un rythme qu’on a pris, on a des voisins qui peuvent garder notre fils quand on s’entraîne et puis il va chez ses grands-parents si vraiment je dois partir longtemps. Mais avec les nouveaux objectifs avec le Cambodge, j’ai décidé de mettre de côté mon travail jusqu’aux JO, si financièrement j’y arrive… Je vais tenter de battre le record du pays sur marathon qui est de 2h59 et je vais chercher une activité plus indépendante comme du coaching sportif pour avoir plus de temps pour m’entraîner et pour la récupération. Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir des sponsors qui m’équipent : Scott de la tête aux pieds, Anita active pour les sous-vêtements (petit clin d’œil à Virginie Govignon car c’est grâce à elle !) et Meltonic pour la nutrition. Je cherche maintenant des entreprises qui pourraient me soutenir financièrement pendant 3 ans (jusqu’à Tokyo 2020), j’ai quelques pistes mais si mon projet vous touche, n’hésitez pas à me contacter !

 

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Quel est à ce jour ton plus beau souvenir sportif ?
Alors mon plus beau souvenir sportif, c’est ma première médaille sur un championnat d’Europe de tennis de table, en 2001 à Terni en Italie où j’étais dans la catégorie des moins de 15 ans. On a eu la médaille de bronze par équipe avec l’équipe de France avec Carole, Sarah et Nathalie, des filles avec qui je suis d’ailleurs toujours en contact. C’était un moment très fort car c’était nos premiers championnats d’Europe, on perd face aux russes d’entrée en match de poule mais on se rattrape en faisant de belles performances et en demi-finale on perd face la Roumanie, un match compliqué mais quelle fierté de monter sur le podium avec les copines, la sensation d’avoir terminé une belle saison sportive, un retour en chantant dans les rues de Terni, bref un moment inoubliable ! Et quelques mois après, on intègre l’INSEP pour les 7 années qui vont suivre.

 
Quel est à ce jour ton plus beau souvenir de running ?
En route, je n’ai fait qu’un 10km et un semi pour l’instant et entre nous, il ne se passe pas grand-chose car tout le monde regarde sa montre ! Donc en trail, c’est le trail d’Angkor… Il faut absolument que je détaille le contexte de mon voyage magique : Mon père est né au Cambodge, je suis donc cambodgienne par la loi mais je n’avais pour l’instant jamais eu l’occasion de venir dans ce pays. J’attendais le bon moment et Ludo m’en parle deux mois avant mais il n’était pas disponible pour m’accompagner parce qu’il était engagé auprès d’une coupe du monde de ski à animer. Je ne me sentais pas d’aller seule dans ce pays que je ne connais pas et qui représente tant de choses pour ma famille. Finalement sa coupe du monde est annulée par manque de neige et Anne Guillon la femme du célèbre Antoine qui était le parrain de cette édition arrive à convaincre Ludo qu’il doit absolument venir, que je dois courir car c’est mon pays etc… Deux semaines avant de partir, ma responsable m’accorde une semaine d’absence et me voilà partie !
J’arrive à Siem Reap le jeudi soir, le temps de m’installer, je passe récupérer le dossard à l’hôtel de l’organisation, et je commence déjà à ressentir une énergie spéciale. Le vendredi, je pars visiter les temples d’Angkor, avec forcément beaucoup d’émotions dans ces endroits magiques… J’apprends d’ailleurs par mon frère ce jour-là que mon père a fui le Cambodge depuis Siem reap justement, où il était prisonnier, pour rejoindre la Thaïlande dans les années 70, après que sa famille ait été assassinée (parents et sœurs…). C’est incroyable, je me retrouve là, pour participer à ce Trail d’angkor, un endroit qui signifie beaucoup pour mes ancêtres, pour ma famille et mon esprit le ressent … Je vais voir le départ de l’ultra à 22h, je rentre me reposer et à 4h du mat’ le Tuk Tuk que j’ai réservé est là pour aller au départ de la course. C’est bizarre mais j’étais en immersion totale avec mes terres, je me sentais comme chez moi. A 6h30, le top départ est donné, je pars doucement et partage près de 20km avec une fille formidable, Virginie, on traverse des rizières, des villages, des temples… Je ne vois pas le temps passer, on blague de temps en temps et au ravitaillement du 20ème km, elle me dit de partir, je vois la deuxième devant moi et la passe pour continuer mon aventure. Et là, dans cette épopée incroyable je retrouve Carole, mon amie d’enfance du tennis de table dont je vous ai déjà parlé, avec qui j’ai grandi à l’INSEP. Figurez-vous qu’elle faisait à ce moment-là un tour du monde et qu’elle se trouvait justement au Cambodge, je l’avais donc prévenu de ma course et elle m’attendait au 24ème km. Elle me dit qu’elle m’attend à l’arrivée et me motive à aller chercher la première, sa motivation couplée aux pensées que j’ai pour mon père quand il était en fuite, me redonne l’énergie pour passer en tête au 26ème km … Je reste à mon rythme, je ne me rends pas forcément compte de tout, mais proche de l’arrivée je retrouve Carole, comme une dingue ! Elle me dit que je suis 1ère, elle me dit que je vais gagner, et sur les derniers mètres je réalise enfin que oui elle a raison, je vais gagner ! Je sors mon drapeau cambodgien rangé dans mon sac à dos et je savoure les dernières foulées avec mon coach au micro qui m’accueille avec beaucoup d’émotion…

 

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Quel pire souvenir forcément ?
Eh bien je n’en ai pas forcément en course à pied mais je pourrais dire mon abandon (le seul et unique pour l’instant !) lors du trail aux étoiles cette année au mois de mars sur le 58km car je n’étais pas vraiment préparée, les conditions étaient difficiles (pluie, vent) et j’ai eu de grosses douleurs à un pied. Mais finalement, j’étais plutôt contente d’avoir fait preuve d’un peu de sagesse !
En fait s’il devait y avoir un pire souvenir, ce serait plutôt ma blessure pendant ma carrière de pongiste après les Jeux méditerranéens en 2005 où je me suis fait opérer du genou. J’ai subi un peignage du tendon quadricipital à force de tendinites récurrentes, mon tendon allait rompre et j’ai passé un an à me rééduquer. J’ai été mise à l’écart, j’étais loin de ma famille, mais au bout du compte cette épreuve m’a beaucoup renforcé mentalement ! Je suis revenue plus forte et j’ai participé aux championnats du monde en 2007 avant de dire « stop c’est bon », je me suis prouvée que je pouvais revenir mais je ne supportais plus le staff et la politique de notre fédération qui avait naturalisé des joueuses chinoises alors qu’il prônait l’inverse depuis des années !

 
Ton planning 2018 est-il déjà prêt ?
Quelques compétitions sont au programme, oui, mais ça n’est pas complètement figé. Cet hiver ce sera surtout de la vitesse, donc des cross et des 10 km route et l’objectif de l’année ce sera le marathon aux Jeux d’Asie à Jakarta (Indonésie) en août 2018. Ensuite j’aimerais courir la Mascareignes en octobre pour découvrir la Réunion si jamais je suis tirée au sort !

 

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As-tu un rêve secret ? Sportif en général et trail en particulier.
Ça n’est pas vraiment secret car c’est le rêve de tout sportif, c’est celui de participer aux Jeux Olympiques ! En fait lorsque j’étais en équipe de France de tennis de table, j’ai pu participer à des opens partout dans le monde, à des championnats d’Europe, des championnats du monde mais jamais aux JO. Aujourd’hui j’ai l’opportunité de le faire dans un autre sport et pour le Cambodge donc je vais tout faire pour !
En trail je n’ai pas de rêve particulier, car il y a beaucoup de courses qui me font envie. Après, j’aimerai faire un ultra de 100 km mais je n’en suis pas pressée pour autant, car je ne suis pas prête et ça a l’air si éprouvant… En fait je rêve simplement de découvrir certains endroits du globe, je regarde souvent les vidéos de Christophe Le Saux et ça me donne envie ! Et puis j’aimerai grimper en haut de quelques sommets mythiques comme le Mont Blanc, mais là aussi je ne suis pas pressée, la montagne est belle mais elle me fait peur, et ça s’apparente plus à un rêve d’alpinisme du coup !

 
Quel conseil donnerais-tu aux lecteurs et lectrices de ce blog ? que ce soit sportif ou pas d’ailleurs.
Un conseil en général… Profitez de l’instant présent, croire en ses rêves et toujours garder le sourire (c’est quelqu’un qui me l’a dit ça !) car la vie est comme un miroir et un jour tu récoltes les sourires que tu as donné. Et puis conseil sportif, continuez à faire du sport ! Chacune a ses objectifs mais surtout ayez toujours confiance en vous, quand on y croit, on en est capable !

 
Ta tenue fétiche pour finir sur un truc léger ?
C’est la collection supertrac RC de Scott, le t-shirt et le short car c’est hyper léger et agréable à porter et j’adore les couleurs jaune et noire !

 

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