De la Chine je connaissais la Gobi et son désert… Mais forcément il fallait que j’aille voir les rizières et les rivières !
Pourquoi avoir choisi la Maxi Race en Chine ? Ben justement parce que c’est la Maxi Race ! Le peu que j’avais vu de ce pays m’avait fait très vite prendre conscience que notre vision du monde et du sport n’est pas forcément toujours la même sans parler de la réelle barrière de la langue (l’anglais… Je ne parle évidemment pas du français !), alors forcément quand tu sais que les équipes d’une des courses les plus connues de France sont là-bas pour donner des conseils mais sont aussi vraiment impliquées dans l’organisation sur le terrain, moi ça m’a rassuré. Il y a plusieurs formats : 10, 25 (bon en vrai 28 mais c’était annoncé avant donc pas de mauvaise surprise !), 50 (48,2 annoncés et 49 à mon GPS à l’arrivée) et 115. J’ai donc choisi le 50, n’étant absolument pas prête pour le 115 et surtout pas décidée à prendre le moindre risque de me lancer là-dedans seule. Ma prépa étant ce qu’elle est en ce moment, je sais maintenant raison garder !
Je reviendrai forcément sur les jours qui ont précédé dans un autre article puisque déjà ils furent super méga sympathique grâce à la présence des français qui avaient choisi l’option Maxi Trip pour faire un peu de tourisme avant de courir parce que c’est bien gentil mais aller aussi loin sans pouvoir se balader ça n’a que peu d’intérêt quand même. Revenons-en donc directement à la course… Il y a plusieurs choses à savoir pour tout bien comprendre ce qui va suivre. Pour être très claire comme je le suis toujours, j’étais comme souvent présente sur cette course grâce à mon statut de journaliste. C’est donc l’orga qui s’est chargé de mon billet. Le souci c’est lorsque j’ai reçu le dit billet et que j’ai découverte, à ma grande stupeur qu’ils n’avaient pas vraiment pris en compte le fait que je m’engageais sur le 50 et que dans la nuit je n’étais pas devenue Kilian Jornet… J’ai vraiment passé 3 jours à me poser mille et une questions sur l’intérêt ou non de rester sur cette distance et de prendre le risque de rater mon vol. Basculer sur le 25 n’était pas forcément une option car départ plus tardif, retour en ville avec une navette mais aux horaires pas vraiment maîtrisés. Bref après moult hésitations, je prends le pari de devoir battre mon record sur la distance puisqu’il faut absolument que je sois arrivée à 13h pour que le reste soit jouable. L’orga me propose de faire partir mes bagages avec la voiture qui emmène les sacs des coureurs à l’arrivée et normalement une voiture m’attendra là-bas pour m’emmener directement à l’aéroport sans passer par la case douche mais un coup de lingette dans les toilettes feront l’affaire !
Alors pour une fois je suis super sérieuse dans la prépa de mon sac même si question équipement je me suis totalement plantée… Je m’explique ! Lorsque je suis partie de chez moi, plusieurs jours avant mon départ en Chine, la météo annonçait 25° et un beau soleil… A l’arrivée 15° et de la pluie… Donc je vous la fais courte : je me suis gelée les miches mais ça m’a motivé pour avancer plus vite ! Alors pour celles et ceux que ces détails passionnent : tenue kalenji trail de la tête aux pieds, sac Ronhill sur le dos et veste Gore Tex pour compléter l’ensemble. Question alimentation : des Sundy, un par ravito. Cherchez pas ça me faisait envie quand j’ai fait mes dernières courses au supermarché. En boisson, j’ai finalement tourné avec une eau citronnée surement type électrolyse mais comme tout était en chinois, je suis bien infoutue de vous dire ce que c’était. Mais c’était très bon et c’est très bien passé ! Voilà la base.
Départ prévu à 5h du matin dans la rue piétonne et commerciale de la ville, pas vraiment à côté de notre hôtel mais on nous avait prévu des voitures à 4h15 du matin, nickel. Evidemment je n’ai pas dormi et mon petit déj se résume à des petites gaufres sous vide achetées la veille dans la superette à côté de l’hôtel. Avec ça… A mon avis y avait du gluten mais je m’en fous ! L’ambiance est quand même assez surréaliste et je profite de l’attente pour observer mes petits camarades de jeu. Aucun doute les chinois sont bien passés en mode trail et commencent à oublier leurs réflexes de copier les européens à coup de total look Salomon. On retrouve toutes les marques connues chez nous et ils font tout sauf amateurs. Il n’y a qu’un truc qui détonne : l’échauffement en mode fitness avec techno à fond que tout le monde ou presque suit avec attention. Franchement à quand la même chose à Chamonix ! Catherine c’est quand tu veux !
Bon allez c’est pas tout ça mais moi j’ai un avion à prendre et 50 bornes à faire. Le départ est franchement top : on retrouve les fumigènes rouges d’Annecy, la musique mais là forcément avec le décor qui nous entoure ça rend encore mieux. S’il y a bien un pays où le rouge est La couleur, c’est la Chine. Ça part vite… Très vite… il faut dire que les premiers km sont roulants pour sortir de la ville et je me dis que si on reste à cette vitesse-là, cette histoire sera torchée en 5h ! Evidemment faut pas rêver, mon niveau étant toujours ce qu’il est, forcément je suis dans le ventre mou du groupe et ça finit comme souvent dès que ça se complique par ralentir pour ne pas dire se mettre à l’arrêt. La première difficulté arrivera au bout de quelques km avec une rivière à traverser, enfin rivière… Quand tu as fait le jungle marathon et qu’on t’a fait traverser le fleuve Amazone tous les matins pour te réveiller avant de t’envoyer débroussailler la jungle, tout ça te fait doucement rigoler. Et puis moi j’ai un avion à prendre je vous rappelle !
Du coup ni une ni deux je passe en mode warrior, je remonte à gauche toute à travers la végétation et je traverse la rivière sans passer par le mode cailloux qui finit toujours sur les genoux sous le regard effaré de mes petits camarades de jeu. Ok j’ai de l’eau mi mollet mais je sais que mes MT supportent très bien la rigolade pour les avoir souvent testées en mode aquatique. Et hop, non seulement j’ai limité la casse question perte de temps mais surtout je suis sortie du groupe et je vais être tranquille pour courir quasiment jusqu’à l’arrivée. Le parcours qui me semblait plutôt hyper roulant et sans difficulté réelle, va très vite se corser en nous offrant ce qui va être mon pire cauchemar : une boue en mode glaise qui colle aux chaussures les rendant plus glissantes qu’un patin de Brian Joubert et surtout les rendant tellement lourdes que tu as l’impression de trainer du plomb. Tout est bon pour éviter les zones où elle prolifère dont la grimpette sur les petits murets qui dieu merci parfois sont là pour nous sauver la mise. Dès que je peux je plonge les pieds dans la moindre flaque pour tenter de les rincer un peu. Hors de question de passer en mode rando, j’ai toujours un avion à prendre moi ! Mais je fais quand même super gaffe parce que si je tombe, si je me blesse au point de plus pouvoir repartir et qu’on doive m’évacuer, là aussi le temps qu’on vienne me chercher, c’est mort pour mon vol.
Les km défilent et je commence à connaître et reconnaître un peu mes petits camarades de jeu. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que très souvent, on voit les mêmes têtes pendant une course. Mais là c’est la première fois que la barrière de la langue rendra quasiment impossible le moindre échange. Je me contente de sourire quand on me salue en me doublant. On sent quand même que la blonde en jupette alors que tous ont adopté à juste titre le collant long ou presque détonne un peu. Je m’étonne aussi d’un truc : le niveau me semble plutôt bon surtout pour ceux qui sont sur le 115. J’ai presque envie de le dire « punaise les enfants arrêtez de courir aussi vite, vous avez une idée de ce qui vous attend là ou quoi ? ».
En attendant moi je vais faire ma première bêtise… Alors qu’une coureuse chinoise commence à jouer au chat et la souris avec moi, me doublant et me narguant avec son petit short noir (c’était la seule avec ce type de tenue sur le groupe de coureurs autour de moi, je ne pouvais pas la rater), je décide de rentrer dans son jeu et je m’accroche… Je n’ai pas de musique dans les oreilles pour m’occuper que voulez-vous. Et à jouer à ce petit jeu-là, finit ce qui devait arriver, on rate une rubalise et on fonce tête baissée sur un chemin beaucoup plus roulant qui s’offrait à nous pour être forcément plus à l’aise pour se courser. Heureusement, elle percute au bout de 500m à peine qu’on n’est plus sur la bonne route ! Demi-tour toute, en rigolant toutes les deux, pas la peine de parler la même langue, le langage du traileur est universel et se passe de mots parfois. On retrouve notre foutue rubalise et nous repartons de plus belle, très vite freinées par le retour de la boue qui colle. Ok, c’est bon nous voilà calmées !
Le parcours alterne donc des parties bien roulantes avec non pas des routes mais des chemins bétonnés assez surprenants et totalement dévastateurs pour mon dos fragile et des moments où tout est fait pour qu’on se vautre : pierres plates hyper glissantes, cailloux de rivière bien ronds et tout aussi glissants… et toujours de temps en temps des petites rivières à traverser, histoire de bien se réveiller. Au ravitaillement du 28ème km qui correspond donc à l’arrivée d’un des formats proposés, nous avons carrément le droit à des soupes dignes d’un resto avec les petites herbes fraîches qui vont bien et les fameuses tomates cerise pour lesquelles les chinois semblent vouer un culte, on en trouve partout. Et pour mettre de l’ambiance un spectacle digne du nouvel an ! Je rassure les estomacs français, il y a aussi des trucs beaucoup plus classiques mais vachement moins rigolo…
Je fais des arrêts au stand les plus courts possibles, l’idée est juste de prendre de l’eau et de filer en marchant vite histoire de me ravitailler un peu quand même. Bon aussi parce que j’ai froid et que lorsque je m’arrête c’est encore pire ! Mais du coup à vouloir toujours aller plus vite, je vais faire une nouvelle erreur de direction et là encore c’est un concours de circonstance dû en partie au manque d’attention dès que tu es en groupe. Un couple de chinois, parlant deux mots d’anglais, ont entamé la conversation avec même l’arrêt photo histoire de graver sur la carte mémoire de leur smartphone la fois où ils ont couru avec une blonde. Alors que nous rejoignons une route, nous avons le choix entre aller à droite ou à gauche, enfin c’est ce que nous pensons tout d’abord. Mince alors… pas de rubalise… On nous avait parlé de risque de débalisage sauvage et nous décidons de nous séparer pour voir de quel côté aller. Logiquement on en trouve tous les 100 à 200m, nous n’aurons pas à aller très loin. Très vite nous entendons des cris venant du champ que nous venions de traverser. Absorbés par notre discussion, nous avions juste oublié de lever la tête… La rubalise est bien là mais sur le talus droit dans le pentu et elle se voyait avant même d’arriver au fameux croisement. Ah mais moi j’aimais bien la route ! Ok… Nous voilà repartis sur le bon chemin en mode je me salis les mains et jusqu’à l’arrivée il n’y aura plus aucun doute possible sur la route à suivre.
Je vais vivre un moment inoubliable qui fait à mon avis un des grands charmes de cette course, la traversée de la rivière sur un petit bateau afin de rejoindre l’autre rive. C’est juste parfait ! Déjà parce qu’on n’attend pas une seule minute, nous sommes 3 coureurs à arriver presque en même temps, le temps d’embarquer et le moteur démarre. La traversée ne prend que quelques minutes à peine, nous laissant juste le temps de souffler mais pas de nous refroidir non ce qui est plutôt bienvenu ! J’en profite pour faire le point sur ma moyenne horaire, pour le moment je suis dans les clous, nickel. Et comme le reste du parcours va se révéler plutôt roulant, tout se passera au mieux. Je dois juste jouer avec le bonheur de la terre glaise qui pèse deux tonnes mais j’arrive à rincer régulièrement mes chaussures pour en venir à bout. Les paysages brumeux sont superbes même si forcément sous le soleil ça aurait été un peu mieux. Mais cela rend la chose finalement plutôt fascinante et encore plus en dehors du temps. Surtout lorsque tu traverses un petit village et qu’un vieux monsieur portant la fameuse casquette à l’étoile rouge, une vraie, pas une pâle copie vendue dans les magasins de souvenir te regarde avec un sourire bienveillant.
Régulièrement d’ailleurs la terre dans les villages est rouge sang, traces des pétards qu’une fête donnée il y a peu a laissé, cette terre si riche et qui nourrit la Chine. Il y a des milliers de champs de culture là-bas, entre fruits de la passion, kumquat et autres. D’ailleurs l’hiver arrivant ils sont protégés par des bâches blanches qui donnent à la montagne verdoyante des allures de pistes de ski totalement incongrues. Les km défilent plus vite que je n’osais l’espérer et j’arrive en vue de la petite ville où je sais que la ligne d’arrivée est installée. Je décide de me bouger un peu pour arriver avant mes 8 heures planifiées histoire de vraiment avoir un peu de temps pour manger un peu. L’arrivée… Ah l’arrivée… Elle est installée au bord de la rivière Yulong, connue partout en Chine puisqu’elle illustre les billets de 20 yuans, que tout chinois a dans sa poche. Comble du bonheur j’ai même le droit au ruban géant vert tenu par deux bénévoles qui me donnent l’impression de gagner la course. On fait sonner la cloche, et voilà c’est fini. J’ai presque envie de dire « déjà fini » ! Je récupère à ma grande surprise une superbe médaille ainsi qu’une veste finisher que pour la première fois de ma vie ou presque je compte bien porter parce qu’elle est super jolie et en matière technique. Nan mais sérieux cette course sait vraiment recevoir ! Entre le super méga kit d’accueil avec le t-shirt technique, la trousse de secours toute faite, la couverture de survie, l’éco tasse super jolie, les manchons de compression, le bandeau assorti et le porte-clé déjà accroché à mon sac de voyage et le kit d’arrivée, je crois sincèrement que je n’ai jamais vu ça ailleurs. Ok je ne suis pas « cadeau » mais s’ils sont jolis, utiles et portables, là ça change carrément la donne !
Sur ces routes se croisent deux époques, deux mondes qui semblent juste s’observer, entre le petit « paysan » avec sa remorque, ses bambous qui roule à 20 à l’heure, doublé par un Porsche Cayenne ou la dernière BMW… Dans les villages, les jeunes ont tous leurs Huawei qui pend à leur cou, le wifi est légion dans tous les lieux publics. Ils découvrent leur propre pays en prenant l’avion ou le TGV, puisque nous l’oublions trop souvent mais 90% du tourisme en Chine est chinois ! Ce pays va vite… très vite ou même trop vite diront certains et reste assez fascinant à observer. J’arrive enfin à l’aéroport où je découvre un peu violemment l’organisation chaotique de l’aviation chinoise : vol annoncé en retard d’une bonne heure, 3 changements de portes pour finalement partir à l’heure, un comble ! Je m’étais dit qu’une expérience suffisait pendant tout le parcours et puis j’ai vu les images du 115… Mince alors j’ai quoi de prévu l’année prochaine à la même période déjà ? Maintenant que je sais comment y aller, ce serait bête de ne pas en profiter, surtout qu’à voyager léger je n’avais pas de place pour ramener du thé et du saké ! Bon après, ils ont aussi l’Equateur et l’Afrique du Sud à visiter running aux pieds… Bref tout ça pour dire que je ne suis pas prête de raccrocher !