Lorsque j’ai découvert le post de Guillaume sur le groupe FB « bref je fais du trail » dont je suis modératrice à mes heures perdues, j’ai tout de suite eu envie d’en savoir plus. Non pas que le projet me fasse envie, loin de là mais juste parce que ce type d’aventure soulève souvent des questions simples qu’on n’ose souvent pas poser. Je m’en suis donc chargée pour vous. Ici pas de philosophie, ni de spiritualité mais juste du concret !
Concrètement la traversée des Pyrénées ça veut dire quoi en km, d+, durée…
La traversée des Pyrénées, c’est 800km pour 43000m de dénivelé positif. Il y a plusieurs possibilités pour traverser : le GR10 en France, le GR11 en Espagne, et la Haute Route des Pyrénées (HRP) qui reste au plus près de la frontière et des lignes de crêtes. J’ai choisi de traverser sur la HRP pour profiter des plus beaux paysages et de la difficulté supplémentaire.
Pourquoi ce projet ? Comment un jour on décide un beau matin de traverser les Pyrénées à pied ?
J’avais l’idée en tête depuis quelques temps. Durant les 3 dernières années, j’ai fait des voyages dédiés 100% à la course à pied : 26 parcs nationaux américains, l’Europe de l’Ouest, les Grands Balkans. Pendant ces voyages, je vivais dans ma voiture à la découverte de nouveaux chemins. Je me suis alors rendu compte que j’utilisais au final très peu d’équipement… et que ça pouvait tenir dans un sac à dos. Pendant ces longs voyages, je courais environ 800km et 60000mD+, soit le format de la traversée des Pyrénées.
La préparation a duré combien de temps ? Physique et matérielle évidemment.
8 mois. Les premiers mois était principalement pour la planification du parcours et le sac à dos. Je voulais absolument traverser dans assistance, pour profiter au maximum de l’expérience. Il fallait donc que tout rentre dans le sac. Ce n’était pas si simple que ça. La préparation physique a vraiment commencé 6 mois avant avec 5 entrainements par semaine pour 130/160km hebdomadaire. J’ai fini ma préparation par le Tor des Géants (340km 27000m) autour de la vallée d’Aoste en Italie trois semaines avant mon départ.
Penses-tu qu’une autonomie complète soit possible sans prendre de risques ? eau, nourriture… ton sac pesait combien au final ?
Je pense qu’il faut bien se connaitre, avoir d’habitude de la montagne et ne pas prendre de risques inconsidérés. J’avais également une balise GPS pour appeler directement les secours en cas de pépin. Etant sans assistance, il me fallait trouver nourriture et eau en permanence. L’avantage, c’est que je faisais au minimum 50km par jour, soit 3 ou 4 vallées. Cela offrait d’avantage de possibilité pour trouver de la nourriture. Je trouvais de l’eau directement dans les sources tous les jours. Et au-dessus de 2000m d’altitude, pas besoin de traitement. Je faisais le plein de nourriture tous les deux ou trois jours, en fonction des disponibilités. Mon sac pesait 6.750km pour seulement 20L. Quand on pense que j’avais dedans un sac de couchage, matelas et une tente, c’est vraiment très peu. Tout était parfaitement optimisé.
Question bête mais as-tu une idée du budget que cela représente au final ?
La traversée en soi n’est pas très chère. En comptant l’aller-retour depuis Paris, les refuges et la nourriture, j’ai dépensé un peu plus de 500€ pour les 14 jours de traversé. Les coûts étaient plus en amont. Pour faire un sac aussi compact et léger avec tout le matériel nécessaire, il faut forcément du matériel de qualité. En général, ce n’est pas donné. Si je vais la somme de tout, je devais avoir environ 3000€ sur le dos. C’est une somme, mais c’est surtout un investissement. Je vais pouvoir utiliser cet équipement pendant plusieurs années, pour de futurs projets.
Les grandes difficultés ? Les bonnes surprises aussi d’ailleurs parce qu’on ne va pas uniquement parler du négatif !
Je n’ai pas vraiment eu de grandes difficultés pendant ma traversée. La météo était plutôt clémente (11 jours de grand beau sur 14). Je pense que le plus compliqué a été la traversée de l’Ariège. Il n’y avait absolument pas d’eau pendant 80km. J’ai bu 1 litre ce jour-là, et un seulement demi le lendemain. Faire 80km à sec, je m’en serais bien passé. Comme j’ai traversé en Octobre, tout était fermé du côté français et 50/50 du côté espagnol. Le ravitaillement était donc une préoccupation quotidienne. La bonne surprise vient des « trail angels » qui m’ont donné pas mal de nourriture et eaux lorsque j’en avais besoin. Je n’aurais pas pu traverser à cette vitesse sans eux.
Et forcément tes meilleurs moments !
Les lever et coucher de soleil. Je courrais tous les jours de 4h à 21h. C’était des moments tout à fait particuliers avec des couleurs absolument magiques. Il est impossible de choisir quel était le meilleur d’entre eux. Toutefois, je pense que je n’oublierais pas de sitôt cette descente dans une réserve naturelle espagnole en fin de journée. Il n’y avait absolument personne et les isards grouillaient de partout. J’ai dû en voir une centaine directement sur le sentier en moins de deux heures.
Nous sommes beaucoup à nous inquiéter du balisage, de la facilité ou non de trouver son chemin ? Doit-on savoir lire une carte ou c’est jouable en suivant les petites pancartes ?
La HRP est plus ou moins balisé. Ce n’est pas le chemin le plus facile à suivre. On est loin des « autoroutes » des GR alpins. Avoir et savoir lire la carte est indispensable. Je n’ai pas eu besoin de sortir la boussole, mais il faut vraiment savoir où l’on va et utiliser son sens de l’orientation.
As-tu eu des moments de découragement ou de doute ?
Absolument. Après 3 jours, je me suis rendu compte en regardant les cartes que j’avançais plus lentement que prévu malgré mes 50K quotidiens. La distance totale à parcourir de 800km était bien importante que les 550km théoriques de la HRP. Il se trouve que la distance avait été mesurée par azimut (à vol d’oiseau entre les points principaux) et non en kilomètre réel. Un coup dur mais pas de quoi me décourager. J’étais préparé pour durer.
Si tu devais donner 3 conseils à une personne qui envisage ce genre de petit délire ce serait lesquels ? Les trucs vraiment mais vraiment importants à prendre en considération.
Préparation, préparation et préparation. Une traversée comme ça ne s’improvise pas. Il faut se préparer physiquement pour être capable d’enchaîner les kilomètres et les dénivelés. Il faut également préparer correctement son sac. Etre en autonomie cela veut dire qu’il faut tout emporter mais également le strict minimum. Enfin il faut se préparer mentalement. Savoir gérer la solitude pendant deux semaines et conserver sa volonté d’avancer peut s’avérer plus compliqué qu’il n’y parait.
Guillaume Arthus est un traileur de 27ans qui court depuis 2010. Il a participé à de nombreuses courses (UTMB, Marathon des Sables, Barkley, Tor des Géants,…) et a couru dans plus de 40 pays sur 4 continents pour filmer près de 150 trails. Il est possible de retrouver ces vidéos toutes les semaines sur Runnexplorer.