M2M : Hawaï, over la pluie oui…

Voici donc le récit complet de mon aventure à l’autre bout de la planète. Si j’ai pris un peu de temps avant de l’écrire, c’est qu’il me fallait digérer pas mal de choses… Vous comprendrez en lisant ce texte. Parfois rien ne se passe comme prévu et ce fut le cas sur cette course. Bonne lecture !

 

Avant les ampoules, les coups de soleil !

 

Pour la première fois de ma courte carrière d’ultra traileuse globe trotteuse je m’offre le luxe d’arriver 3 jours complets avant le M2M pour pouvoir me poser un peu, encaisser le trajet et le jet lag. J’ai toujours eu tendance à faire la version ultra courte, à peine arrivée, dossard accroché et zou je repars dès que la douche est prise. Ça a un côté un peu trop frustrant et surtout totalement épuisant. Je suis donc partie avec Greg, le petit français comme j’aime l’appeler même s’il n’a absolument rien de petit et qu’il commence à avoir autant d’expérience que moi question ultra n’importe quoi. Pour simplifier les choses, nous avons choisi de passer ces 3 jours dans l’hôtel de l’organisation, histoire de ne même pas avoir à bouger lors de la première nuit sur place, puisque dans le dossard, une nuit dans cet hôtel est prévue et qu’on y fera tous les contrôles techniques et médicaux. L’hôtel est superbe, le petit déjeuner plutôt cher mais les gaufres sont à tomber à la renverse, la plage privée parfaite pour cramer à la vitesse grand V, et y a des frites de patates douces au restaurant de la piscine, que demande le peuple ! Je sors juste une journée pour aller avec certains de mes petits camarades déjà arrivés plonger dans la baie de Cook, histoire de voir les petits poissons colorés qui me change du poisson pané ! Je vais vous faire un retour sur cette sortie d’ailleurs si par le plus grand des hasards vous alliez traîner un jour de ce côté du Pacifique.

 

 
Jour J c’est parti ! Je rends la clé de ma chambre pour passer en mode collectif puisque je suis sensée partager la mienne avec une autre concurrente. Surprise, finalement elle a décidé de la jouer perso en prenant une chambre individuelle. Après négociation et puisque je ne suis pas responsable de cette situation, on m’attribue ma propre chambre. Cool ! A moi le king size géant sans rien débourser en plus ! Direction le contrôle des sacs et le contrôle médical. Le second se passe en une fraction de secondes puisqu’ils ont reçu tous les documents avant, un peu plus compliqué pour le premier… J’avais totalement zappé l’info qu’il fallait marquer de son numéro de dossard tout ce qu’on avait dans notre sac… Je me retrouve donc à tout déballer, ce que de toute façon je m’apprêtais à faire mais j’avoue que ça me gonfle un peu de marquer au feutre indélébile mon super duvet ou ma frontale. Mais si c’est pour la bonne cause… Mon sac annonce un poids inférieur à 7kg sans l’eau, ce qui me parait peu probable mais je m’en réjouis quand même. Retour dans ma chambre XXL qui se retrouve vite envahie par le bazar de Greg et Moustafa, le petit nouveau de la bande qui refont et refont encore leur sac. Nous sommes tous dans la même démarche qui va nous obséder jusqu’au départ et même pendant la course : alléger le bordel ! Bon, on grapille 50 grammes par ci, par là mais ne rêvons pas, nous sommes tous des habitués et nous sommes déjà tous en mode le plus léger qui soit en fonction de ses besoins.

 
Diner pasta party rapide pour moi, je veux absolument terminer de relire mon livre qui part à la relecture en mon absence. Dernière nuit dans un vrai lit avant une bonne semaine, autant dire que j’en profite un maximum. Le petit déjeuner prévu par l’organisation est beaucoup trop light à mon goût, je file au buffet pour faire le plein d’omelette et de gaufres au sirop de coco, faut pas déconner non plus… Je vais être à la nourriture lyophilisée pendant une semaine, je veux profiter de fruits frais et autres réjouissances jusqu’au dernier moment. J’y retrouve d’ailleurs Ian mon copain québécois du G2G et je fais la connaissance de Florian, le petit suisse. Ouais, je sais, je suis très « petit » dans mes surnoms, c’est mon côté maternelle. Bon je vais vite comprendre qu’il a tout d’un grand puisqu’il finira sur la 2ème marche du podium ! Autant dire que je ne l’ai jamais vu courir ou alors pour aller aux toilettes sous la pluie… Allez zou une dernière douche, je boucle ma valise et je file dans le bus pour le premier trajet qui nous emmène de l’autre côté de l’île ou presque, sur le premier camp. Il est installé au milieu d’un vignoble, ce qui donne immédiatement un caractère festif au truc. J’apprendrais d’ailleurs un peu dépitée que certains de mes petits camarades y sont allés de la dégustation en attendant que la nuit tombe, ce qui m’aurait bien plu. Je fais la connaissance de mes petits camarades de tente en attendant. J’ai donc Ian dont je vous ai déjà parlé, Sarah Lavender qui comme le veut la phrase de la semaine « n’est pas là pour acheter du terrain », les deux Christopher (super idée les mêmes prénoms, vu ma mémoire de Dori après 40 bornes de trail…), Daniel et Mélanie, ma tortue de Floride qui va m’épater chaque jour à finir dans les dernières certes mais à repartir tous les matins, encore et encore sans jamais rien lâcher avec un mental de guerrière.

 

 
Alors que nous nous installons pour la première nuit, je plonge un peu plus sérieusement dans le road book qu’on nous a distribué la veille au soir et j’avoue que je me retrouve quelque peu dépitée par ce que j’y découvre. Le mot « road » apparait beaucoup trop souvent à mon goût. Tellement souvent que je comprends que le premier jour je vais devoir courir un marathon sur route… Ben tiens la bonne blague ! J’ai tout à fait les chaussures qu’il faut pour ce genre de rigolade… Sans parler du dos… et sans oublier le sac qui pèse son poids parce que je n’ai pas pu commencer à l’alléger. Ça ne me coupe pas l’appétit pour le diner, surtout qu’il y a des mochis en dessert et moi j’adore les mochis ! On a le droit à une surprise de dernière minute avec un aller-retour pour apercevoir la lave en fusion mais force est de constater que le côté touristique prime sur le côté nature puisque nous sommes super loin et je préfère rentrer me coucher vite fait bien fait. Quoi ? Non je n’ai pas la trouille de me taper presque 40km sur route le lendemain… Quelle idée voyons !

 
Etape 1 – Ocean and Waterfalls (océan et cascades)
Km annoncés : 43 / + 1085 et – 385

 
Ça commence bien avec un réveil à 4h30… Sérieux les mecs ??? Mais vous avez besoin de faire quoi le matin exactement avant de partir ? Un brushing ? Une épilation du maillot ? Evidemment, comme toujours, je traîne dans mon duvet au maximum, en prenant même mon petit déj au lit. Direction ensuite le bus puisque le départ ne se fait pas du camp mais à quelques km de là. Ce n’est pas la seule fois que cela nous arrivera et j’avoue que ça a fait partie des trucs qui m’ont un peu « gonflé ». Le départ est installé sur une petite île minuscule dans la ville voisine. Inutile de préciser que nous sommes là beaucoup trop tôt et qu’il nous faut attendre presque une heure avant de partir. Un, deux, trois c’est parti ! Comme prévu nous allons faire un bout de chemin sur route même si finalement relativement vite nous allons nous retrouver à traverser une plantation très sympathique avec lychees et citrons. Nous étions au 3ème ou 4ème jour de la course, je faisais mes courses et je remplissais mon sac !

 
Le CP1 est déjà là et je ne comprends pas tout de suite qu’il faut d’abord aller pointer à une table située totalement sur la gauche du lieu où le staff s’est installé. Pas très grave, je fais le plein d’eau et je m’acquitte du contrôle ensuite. En fait le but était de nous faire apercevoir la cascade située juste derrière. Une cascade tout ce qu’il y a de plus simple, pas de quoi casser trois pattes à un canard… Ce que je ne sais pas encore, c’est que ce sera la seule que je verrais en 7 jours… En attendant je repars dans une forêt plutôt sympathique qui très vite me fait penser à une jungle plus qu’à la forêt de Fontainebleau. Devant moi alors que nous devons piquer à gauche dans la végétation, je vois revenir des coureurs dont Jean, un autre français qui a raté comme plusieurs coureurs le petit drapeau rose. Ce qui n’est au départ qu’un incident de parcours comme il en arrive tellement sur ce type de trail va se transformer en incident diplomatique. Alors qu’après plusieurs km nous arrivons en vue d’un petit pont qui nous faire rejoindre une route, enfin un chemin à 4×4 plutôt, une américaine qui a fait demi-tour elle aussi, comprend en voyant un coureur assis tranquillement sur le bas-côté que l’erreur est en réalité une sacrée coupe.

 

On a eu le droit au traditionnel arc-en-ciel hawaïen pour le départ ! 

Le coureur en question ayant compris qu’il avait pris un raccourci s’était spontanément arrêté pour attendre que la personne devant lui réapparaisse pour reprendre sa route, ce qui est plutôt honnête. Mais plusieurs coureurs ne s’étaient pas donnés cette peine… Et là mon américaine déchaînée va ruminer sa haine pour s’empresser d’aller dénoncer tout ce petit monde dès la ligne d’arrivée passée. Même si je comprends que cela ait pu l’énerver, force est quand même de constater qu’il n’y avait pas intention de tricher, puisqu’il fallait savoir que cela raccourcirait sérieusement la balade et pour ça il fallait être du coin, ce qu’aucun des coureurs concernés ne pouvaient revendiquer. Personnellement, je me dis que si l’ambiance commence comme ça, ça promet de grands moments de convivialité tiens…

 
En attendant youpi revoilà la route ! CP2 je crois faire le plein mais en réalité, j’oublie juste de remplir une gourde… Ben tiens, t’as raison ma fille, fait pas chaud du tout à Hawaï. Tu me diras, on alterne les averses et le soleil de plomb, ce qui n’arrange rien à mes affaires. Jusqu’au CP3, soit un peu plus de 11km je suis en bord de route, la plupart du temps en ville. Tiens Pizza Hut ! Mince mais pourquoi je n’ai pas pris de dollars moi… En attendant j’avoue que ça fait bizarre de faire des km et des km sans voir une personne qui t’encourage sur le perron de sa porte. Aucune voiture croisée non plus, aucun passager, aucun conducteur qui fasse semblant de s’intéresser à la bande de frappadingues qui courent sur le bas- côté. Non que je sois sensible à ce genre de détail, je suis plutôt du genre à apprécier le silence du désert, c’est juste que ça m’étonne. Je croyais que l’île adorait les sportifs, mais la prochaine fois je prends ma trifonction pour courir ! CP3, Greg est là. Il est arrivé blessé sur la course et semble souffrir. Il parle même d’abandonner… Bon, en réalité il va me faire le coup quasiment tous les jours tout en finissant toujours devant moi ou presque. A mon avis il attendait juste que je souffle sur son bobo pour repartir ! En attendant moi j’avale vite fait une barre peanut butter qui doit avoir assez de calories pour faire deux UTMB enchaînés et je repars. Franchement si j’avais su… On nous fait quitter la route pour nous faire prendre un petit chemin parallèle qui va se révéler être le lieu propice aux décharges sauvages. Quand je pense qu’on nous menace d’heures de pénalité pour un gel tombé à terre… Là c’est juste un matelas et un sommier qui sont tombés…

 
Loin d’être plat, ce foutu chemin passe son temps à monter et à descendre, c’est épuisant. J’arrive au CP4, heureuse de pouvoir me poser deux minutes et de pouvoir profiter à plein régime du chouchoutage de ce qui va très vite devenir mon équipe de bénévoles préférée. Oui, on a le droit d’avoir des préférés, même si bien entendu tous les autres font un travail incroyable. Pour tout vous dire, c’est surtout la présence d’une bénévole d’origine danoise qui va tout changer. Avec elle je passe en mode Point de Vue Images du Monde et elle semble ravie que je sois imbattable sur sa famille royale. Quelques minutes de « qui couche avec qui ? » n’a jamais fait de mal à personne même chez les têtes couronnées. Bon, c’est pas tout ça mais je ne suis pas là pour acheter du terrain moi aussi, il reste un peu plus de 7km à faire, je relève mon popotin, renfile mon sac et je file. Evidemment ça ne va pas durer longtemps et très vite je dois me rendre à l’évidence, j’ai besoin de souffler encore un peu, mon rythme cardiaque ne semblant pas du tout décidé à rester dans les cordes. Je m’allonge, et j’en profite pour regarder ce qui se passe dans ma chaussure. Je ne le sais pas encore mais je suis face à ce qui va très vite devenir mon principal problème. Mes semelles de propreté, surtout celle du pied droit ne semble pas du tout décidé à rester à sa place. Elle plisse et qui dit plis dit frottement et qui dit frottement dit ampoules potentielles. Pour le moment, ça reste raisonnable mais l’enfer de l’étape du lendemain va vite se transformer en enfer du côté de mes pieds…
J’arrive enfin au camp qui présente déjà des zones inondées qui ne laissent rien présager de bon pour la nuit qui s’annonce tout aussi pluvieuse. L’humidité est telle que les duvets « s’auto-mouillent »… J’ai froid, je suis trempée, le terrain est trempé… Saleté de Rainforest tiens ! Quoique je ne suis pas la plus à plaindre, certains verront leur tente tout simplement inondée, et leur duvet réellement trempé. Sincèrement j’avais naïvement compris qu’il pouvait peut-être pleuvoir de temps à autre, genre averse tropicale en fin de journée qui fait du bien parce qu’elle rafraîchit l’atmosphère. Mais en discutant avec la locale de l’épreuve (qui va la gagner au demeurant), j’apprends que la pluie fait partie du charme de cette partie de l’île et qu’elle n’est pas prête de s’arrêter, même si nous avons été particulièrement gâtés. Le matin, je me lève pour aller aux toilettes et force est de constater que nous sommes plus à Venise qu’à Hawaï… Il faudrait un service de gondoles pour traverser le camp ! J’enfile ma tenue trempée, mes chaussures toujours mouillées et je me maudis. Si j’avais eu la moindre idée de ce qui nous attendait, jamais je n’aurai fait les choix matos que j’ai fait. En tout cas je me marre parce que certains ont enfilé leurs chaussettes sèches alors que 50m après la ligne de départ, il y a juste une flaque à traverser, enfin flaque… Tu as quand même de l’eau au-dessus du genou !

 
Etape 2 – Rainforest (forêt et pluie… encore de la pluie !)
Km annoncés : 30.9 / + 1095 et – 52

 
Et c’est parti pour l’étape la plus courte de la semaine (si on oublie la dernière qui compte pour du beurre !) ! Ça tombe bien, vu ce qu’on va avoir à traverser, ça suffisait amplement. Certes la forêt est belle mais il tombe des trombes d’eau et le côté montagnes russes version aquatique finit par être un peu lassant… Ce n’est qu’un enchaînement de montées et de descentes avec à chaque fois dans le creux, de l’eau. Le niveau dépend de ta taille et l’injustice est totale ! Je vais en avoir parfois jusqu’au-dessus du genou, ce qui fera mi-cuisse pour certains… La température n’est pas assez élevée pour en faire un truc agréable. Et surtout je pense à mes pieds… Je me marre en me disant qu’en fait il fallait le matos obligatoire de l’UTMB pour cette course et que pour le coup mon pantalon de pluie aurait été mon nouveau meilleur ami !

 

Il pleut, il mouille… C’est la fête à l’ampoule !

Franchement je ne suis toujours pas dedans… Je subis plus qu’autre chose, avançant de CP en CP tête baissée, sans me poser de questions parce que de toute façon si je commence à m’en poser je vais partir en vrille et me retrouver à faire du stop pour rentrer à l’hôtel ! Après la forêt, on bascule dans un paysage de landes qui me donne l’impression d’être en Ecosse l’hiver. Le brouillard est tombé, il pleut toujours, moi qui rêvais tropique, je suis servie ! Sur le sol, on a le droit à un espèce de pierrier en mode volcanique. C’est instable et il faut quand même faire gaffe à ce qu’on fait. Nous sommes là, tête baissée encore pour éviter de se vautrer avec la pluie qui nous arrose, on dirait des forçats du trail.

 

 
Ah ben tiens, la forêt revient et avec elle les rivières, les pieds trempés, la routine quoi ! J’arrive au camp trempée, gelée et avec une seule idée en tête : m’offrir une douche chaude ! Je fais donc un truc qu’il ne faut pas faire mais je m’en fous, je remplis mes deux gourdes d’eau chaude mise à disposition pour les repas et je file aux toilettes (on a le droit à des cabines au sec dieu merci !) pour me rincer et me réchauffer un peu. Direction ensuite ma tente où je constate dépitée que pour la première fois depuis que je fais ce genre de course, les places du premier soir ne sont pas respectées. En fait le principe de base sera : le premier arrivé prend la meilleure place et ainsi de suite… Sympa pour la dernière qui devra chaque soir se contenter de la pire place, après avoir passé la journée sur les chemins ou la route. Dois-je vous préciser qu’il pleut toujours ou tout le monde a compris le principe ?

 
Etape 3 – Lava, lava everywhere…
Km annoncés : 45.3 / +916m et -916

 
Comme vous pouvez le constater, le principe de cette étape semble simplissime : on monte et on redescend pour revenir en réalité au même camp pour une seconde nuit. Ça, c’est bon j’ai compris. Mais le plus drôle dans l’histoire c’est que moi naïvement en bonne touriste de trail que je suis, j’avais lu lave… et j’avais entendu lors du briefing santé qu’il fallait faire gaffe de ne pas faire les fous lorsque nous traverserions les champs de lave et d’éviter de tomber dedans. Ben vous savez quoi ? J’en avais déduit que j’allais aller courir pas loin de la lave en fusion, que j’allais vivre un truc de ouf, unique au monde évidemment… forcément… Pas que j’allais courir 30 bornes au milieu d’une lave suffisamment refroidie pour que des arbres poussent dedans ! Bon évidemment ces champs de lave noire séchée sont assez impressionnants à voir mais au bout de 10 bornes, j’ai compris le principe !

 
Sinon je vous ai dit qu’il pleuvait ? J’ai comme un doute… CP3, contrôle surprise des deux frontales et de la couverture de survie… La barbe… Je suis tellement peu dans la course en fait que pour une fois je manque sérieusement d’organisation. D’habitude tout le matos obligatoire est rangé dans un sac étanche et surtout rangé sur le haut de mon sac pour être vite accessible en cas de contrôle. Là forcément je vous le donne en mille ma frontale est bien au fond de mon sac, ce qui m’oblige non seulement à tout sortir ou presque. Ça m’apprendra tiens ! Allez, on repart et oh miracle, il fait beau ! Alléluia ! Et vous savez quoi ? Je vais profiter de cette heure d’éclaircie pour sécher mais aussi pour prendre un coup de soleil sur la nuque et sur mes oreilles… Bref les seules zones pas encore cramées qu’il me restait. Nan mais c’est une blague ?

 

Un pot de beurre de cacahuètes dans le sac de Mélanie… ça aide à faire passer la lave ! 

Et comme dirait le monsieur de la pub SFR « et c’est pas fini ! »… Nous savions qu’après le CP3, nous devions courir sur une route, enfin sur le bord de la route parce qu’il nous était interdit de courir sur le bitume. Mouais… Mais au CP3 une des bénévoles nous rappelle cette directive tout en nous disant : « bon ne dites pas que je vous ai dit ça, mais vu qu’il n’y a pas de bord de route en fait, vous pouvez rester sur la route ». Ben vous savez quoi ? Après des km de cailloux je prends la nouvelle avec soulagement ! Sans parler du fait que miracle, en plus du dénivelé négatif, nous bénéficions d’un vent dans le dos sacrément agréable qui nous donne presque l’impression que nous sommes des coureurs. Je trottine donc vers le CP4, sans savoir que ce foutu vent s’amuse à arracher ma carte de pointage…

 
Arrivée au fameux CP, je constate la perte qui logiquement me vaut une pénalité. Sérieux quoi… C’est un morceau de papier détrempé de toute façon que les bénévoles n’arrivent même plus à troutrouter… Alors que je suis en train d’argumenter que vraiment je suis bien passée au CP3, Ralph, coureur américain de son état arrive et me tend ma fameuse carte. Je suis sauvée ! J’accroche ma petite lampe rouge sur mon sac à dos et je repars pour rejoindre le camp. Et là vous vous dites : « punaise mais c’est déjà la nuit ? Elle fait quoi exactement pour mettre autant de temps pour faire 45 bornes ». Que nenni ! C’est bien encore le jour mais comme nous allons devoir faire plus de 10km sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, c’est mieux d’être vu par les voitures ! Eh oui… Tant qu’on y est dans la rigolade…

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Je repars avec mon copain Ian pour ce qui va être une véritable épopée routière. Inutile de préciser qu’il pleut de nouveau et qu’en plus le brouillard est de nouveau là. Nous sommes censés rester sur le bas-côté de la bande d’arrêt d’urgence en fait, sur la zone caillouteuse, ce dont mes pieds trempés et ampoulés se réjouissent vous devez vous en doutez. J’ouvre la route, Ian est derrière moi, nous n’échangeons pas un mot, j’entends juste le bruit de ses bâtons qui donnent le rythme façon métronome. Le vent de face ne nous donne pas envie de courir, les camions qui passent nous clouent sur place de toute façon. Entre la température qui baisse inexorablement, les vêtements trempés et le vent, je vais frôler l’hypothermie. Je tente tant bien que mal de réchauffer mes mains que je ne sens plus du tout. Et surtout je me demande ce que je fous là…

 
Après un temps infini, nous finissons par apercevoir un petit drapeau rose qui nous indique que nous quittons la route pour plonger dans la forêt et revenir au camp. C’est amusant parce qu’immédiatement nous reparlons enfin. Peut-être aussi parce que nous pouvons enfin nous entendre parler ! Nous passons la ligne tous les deux, main dans la main, heureux d’arriver au camp qui s’est réellement transformé en Mud Day géant en notre absence. Non c’est plutôt un Woodstock du trail mais avec Justin Bieber en bande son le matin pour nous réveiller (je vous jure que c’est vrai !). Je file prendre une douche chaude façon gourde et surtout enfiler des vêtements secs. Je dois absolument récupérer au plus vite puisque le lendemain, nous basculons dans la partie « sèche » de l’île (enfin…) mais surtout nous attaquons l’étape longue qui s’annonce être un sacré morceau.

 
Mélanie arrivera à la nuit tombée, épuisée mais heureuse d’être là. Elle est tellement épuisée qu’elle n’a pas la force de ressortir chercher de l’eau chaude pour avaler au plus vite une soupe. C’est moi qui vais aller lui en chercher sous une pluie battante puisque apparemment mes petits camarades de chambrée n’ont pas l’air décidé à le faire… Il faut croire que la galanterie est comme l’esprit trail, une légende urbaine…

 

Etape 4 -Mauna Kea
Km annoncés : 77.6 / +3345m et -3345m (on monte au sommet et on redescend quoi !)

 
Pour résumer la situation, l’étape longue sera en fait une 6000D+ légèrement rallongée. Tiens la charmante idée, je n’y avais pas pensé… Nous allons rejoindre après 30 minutes de bus ce qui est en réalité l’entrée d’un parc national. Nous sommes en fait sur le terrain de jeu préféré de notre première féminine qui vit pas très loin et qui vient s’entraîner ici très régulièrement. Très sincèrement, même si j’ai l’air de râler, il faut quand même bien admettre que c’est l’étape la plus « trail » de notre semaine et qu’après tout, nous sommes venus pour ça. J’ai fait mes calculs savants et si tout se passe bien, je peux espérer être dans la navette qui me ramènera au bord de la mer, dans le camp installé sur la plage vers 2 heure du matin. Inutile de vous préciser que rien n’est passé comme prévu…

 
Bon déjà je peste parce que, comme souvent j’ai décidé de laisser mes bâtons à l’hôtel afin de faire de cette semaine un vrai stage en mode « t’arrête de jouer les majorettes » … L’intérêt de faire prendre l’avion à mes bâtons ? Franchement je cherche toujours… Si encore ils me rapportaient des miles supplémentaires ! Avec un dénivelé pareil, ça aurait été quelque peu judicieux de les avoir avec moi mais le mal est fait. Bon en montée, ça passe encore mais vu le caractère légèrement technique des descentes et mon manque de technique justement dans les descentes, c’est juste totalement con.

 

Je trouvais l’arbre joli… et puis il y avait du ciel bleu derrière, truc de dingue !

Les deux premiers CP se passent pile poil dans mes objectifs de temps donc jusque-là tout va bien. Mais forcément ça ne pouvait pas durer longtemps. Dans une descente je glisse, surement dans un moment d’inattention mais au lieu de tomber simplement sur les fesses, je tente instinctivement de me rattraper et je fais un faux mouvement. Mon dos part en vrille (c’est vraiment le cas de le dire) et la douleur est fulgurante. C’était vraiment indispensable ? Mes pieds tous pourris d’ampoules, ça ne suffisait pas ? Je me traîne jusqu’au CP 3 où je me pose parce qu’il faut absolument que je trouve une solution. Sans cela, c’est la fin de la course.

 
Immédiatement une des bénévoles m’installe un tapis au sol pour que je puisse m’allonger et réaliser au plus vite une série d’étirements pour essayer de débloquer la situation. Comble de joie, pour une fois la journaliste japonaise présente pour faire un reportage sur la course s’intéresse à moi et trouve le moyen de m’interviewer alors que je suis sur le dos, les jambes en l’air tentant par tous les moyens de décoincer ce foutu dos tout en grimaçant de douleur. Sympa l’image qu’ils vont avoir de moi au Japon tiens ! J’accepte l’ibuprofène de la toubib parce que là franchement je ne vois pas comment faire autrement et je repars. Le CP4 est en haut de la montagne, y a plus qu’à prier pour que tout tienne jusque-là. J’y crois parce que en réalité c’est réellement en descente que la douleur est présente, en montée ça reste totalement supportable, vraiment pas agréable mais supportable.

 

Du sable noir… que je ramènerais en souvenir… et la vue au sommet !

Greg est avec moi, lui s’est foulé les chevilles… On fait un sacré duo d’éclopés tiens ! Nous avançons lentement mais régulièrement et même si la température commence à baisser du fait de l’altitude, ça reste largement supportable. Ce qui est sympa c’est que nous commençons à croiser les premiers qui redescendent et tout le monde s’encourage, s’informe sur ce qui reste à faire. Dois-je vous préciser qu’évidemment comme souvent les premiers sont partis à 11h ? Mais perso j’adore toujours autant voir les premiers dévalés la pente comme des chamois. Ce n’est pas le même monde que moi mais c’est vraiment beau à regarder. Et comme avec les nuages, on n’a pas la vue incroyable promise, faut bien s’occuper ! Quand je vous dis qu’on est maudit…

 
Comme prévu nous ne traînons pas au CP4. D’abord parce qu’il n’y a rien à voir, ensuite parce qu’il fait un peu froid et que ce n’est pas le moment d’attraper la crève. C’est reparti pour ce qui est officiellement plus de 3000 de descente mais bien entendu, j’ai oublié de vous préciser que ce serait un peu trop simple pour être vrai. C’est plutôt un coup de descente, un gros coup de remontée, des petits coups de descente et des grands coups de remontée… Bref c’est plus Big Thunder Montain qu’autre chose la blague. Dans la première redescente je perds Greg qui est à la peine avec ses chevilles. Je ne suis pas du tout inquiète pour lui. Même s’il passe son temps à dire qu’il va abandonner, je sais pertinemment qu’il va continuer. C’est un peu comme mes enfants… Ils râlent un peu mais finissent toujours par mettre leurs chaussons…

 
Sans parler du fait que je dois aussi penser à m’occuper de moi qui commence à partir en cacahuète. Sans réellement m’en rendre compte j’ai arrêté de manger et surtout de boire. Ça commence souvent de la même façon : le caractère technique de la descente fait que je me concentre uniquement sur ma foulée. J’oublie de m’hydrater et la déshydratation s’installe. Le souci c’est que lorsqu’elle s’est installée la bougresse elle prend très vite ses aises. Et moins je bois, moins j’ai envie de boire… et plus je me déshydrate. J’arrive au CP6 totalement exsangue. Je suis incapable de me rappeler la dernière fois que j’ai bu ou manger. Il est 23h30, il faut se rendre à l’évidence, je ne vais pas aller plus loin. Comme toutes les deux heures sur l’autoroute, la pause s’impose ! J’essaye de manger une soupe miso avec mes nouilles dedans puisqu’il y a de l’eau chaude à disposition. Mais très vite je comprends que ça ne passera pas. Il est grand temps d’aller me poser deux minutes histoire de récupérer et de pouvoir manger. Direction la tente qui est installée à l’arrière du CP pour s’allonger 45 minutes. Tant pis pour mon objectif, de toute façon si je n’arrête pas, si je ne mange pas, je ne vais pas aller plus loin.

 
Je m’installe à même le sol dans mon duvet que j’ai retourné parce que je suis vraiment cracra et je me pose. Je ne vais pas dormir, juste rester là allongée. J’entends Greg qui arrive pour faire la même chose que moi. Je lui demande s’il veut repartir avec moi dans 45 minutes. Il me répond dans un premier temps « oui » mais quelques minutes plus tard je l’entends me dire qu’il va rester là plus longtemps et que je ne dois pas l’attendre. La gentille bénévole vient me réveiller comme convenu et je remballe mon sac. Je tente d’avaler un peu de soupe mais très vite je suis prise de tremblements violents. J’ai trop froid… Alors soit je vais me recoucher, soit je me bouge… Je ne le sais pas encore mais je vais être la dernière à quitter le CP, tous les autres décideront de dormir et d’attendre plusieurs heures avant de repartir.

 
Il me reste presque 20km à parcourir que je vais faire totalement seule sur un chemin qui n’en finit pas de monter et de descendre. Le peu de nourriture que j’ai avalé ne semble pas disposer à rester en place mais petit à petit je réussis à boire un peu. Deux fois je vais m’asseoir sur le bord du chemin, frontale éteinte en guettant désespérément une frontale derrière moi, pour ne pas être seule dans la nuit. Autant je suis à l’aise dans le désert, autant j’aime ces nuits de solitude, autant là je donnerai tout pour avoir une âme charitable pour me faire la conversation. Ah oui j’oubliais, ma musique est déchargée depuis le début de la course, j’ai oublié de l’éteindre après l’avoir rechargé… Quand ça veut pas, ça ne veut vraiment pas !

 
Enfin le dernier CP est là, surgissant comme toujours au dernier moment. Le coureur qui était devant moi repart à l’instant. Je suis bien incapable de le rattraper. Je dois d’abord me poser. La bénévole réveille la médecin pour qu’elle me donne un anti-nauséeux que je vais m’empresser de vomir dès que je vais repartir du CP. Je me souviens que les derniers km sont plutôt faciles mais ils vont pourtant me paraître interminables. Je guette la moindre lumière qui pourrait me faire penser, espérer que la ligne d’arrivée est là, enfin. Je sais par le biais des bénévoles que personne n’est derrière moi, je ne cherche plus à attendre qui que ce soit. Enfin j’entends des clochettes, des cris au loin. Mon collègue est en vue de la ligne et si je l’entends si clairement, c’est que moi aussi je dois me rapprocher. D’ailleurs j’aperçois enfin sa petite lumière rouge qui se balance à l’arrière de son sac au loin. Je voudrais bien vous dire que j’ai pleuré d’émotion ou de joie mais déjà que je n’arrivais plus à pisser… Je n’ai plus une goutte d’eau disponible !

 
Alors que je suis moi-même en vue de la ligne, ma nao décide de s’éteindre, là comme ça à 200m de l’arrivée. Elle était en mode éco depuis pas mal de temps mais sérieux, elle aurait pu attendre un peu ! Je pourrais finir sans lampe mais comme ils sont parfois titilleux question sécurité, je prends le temps de sortir ma frontale de secours pour parcourir les derniers mètres. Enfin j’en ai fini… Il fait encore nuit, il est 4h30 du matin, j’ai mis 2h30 de plus que prévu et je n’ai qu’une envie : aller me coucher ! Alors qu’on nous annonce qu’il faut attendre que la navette se remplisse, je négocie tout de suite un rapatriement anticipé parce que c’est bien gentil mais là tout le monde dort encore au CP6 ! Il est hors de question que j’attende 4h dans un minibus que mes petits camarades de jeu nous rejoignent. Heureusement, l’orga n’est pas difficile à convaincre et une des bénévoles nous installe dans son 4×4 pour nous emmener au camp.

 
Nous allons arriver au petit matin, le jour se lève. Le camp est bien au bord d’une plage, enfin le paradis après l’enfer… Enfin pas tout de suite puisqu’il va quand même pleuvoir pour notre arrivée ! Je me pose dans ma tente où je suis incapable de dormir. Au petit matin, le soleil étant revenu, je vais aller me baigner dans une mer d’huile. Je vais aussi pouvoir constater l’étendue des dégâts du côté de mes pieds. Ça tombe bien j’ai toute la journée pour m’en occuper ! Comme souvent dans ce type de journée off, le temps s’écoule aussi lentement que les coureurs se déplacent… Sur la pointe des pieds la plupart du temps parce qu’ils sont bien incapables de les poser. Du côté des miens il faut se rendre à l’évidence, je ne peux plus soigner ça toute seule comme une grande. Direction la tente des docs pour voir ce qu’ils peuvent faire. Parce que blague à part il me reste encore 47 bornes à faire dont pas mal sur route (encore…) et là je ne vois même pas comment je peux les remettre dans une paire de chaussures.

 
En fait une de mes ampoules sous-cutanées s’est remplie de sable noir lors de l’étape longue. Comment ? Franchement je n’en ai pas la moindre idée mais ce sable fait pression sur ma peau à vif sous l’ampoule et c’est loin d’être agréable. On va donc attaquer tout ça à la lame histoire de pouvoir bien nettoyer en profondeur. Le reste est percé, drainé et emballé pour tenir le choc le lendemain matin. Dieu merci Gilles le dieu du rhum planqué dans le fond du sac vient à mon secours pour me requinquer ! Sans oublier le traditionnel coca glacé et comble de bonheur le beignet sucré à point. Et re comble de joie, j’arrive même à dormir un peu, la nuit, bercée par les vagues…

 
Etape 5 – Waimea
Km annoncés : 47 / +157 et – 1900m

 
Sincèrement je me demande encore comment j’ai réussi à enfiler mes pieds dans mes pompes ce matin-là. T’as juste l’impression d’avoir les pieds comprimés dans une pince au fer rouge… ça te coupe de souffle tellement c’est douloureux. Nous reprenons le bus direction la ligne d’arrivée de l’étape précédente (et la ligne de départ aussi d’ailleurs si vous avez tout bien suivi). Nous le savons déjà, la première partie sera un semi sur route. Tiens ça faisait longtemps… Et moi j’adore les bandes d’arrêt d’urgence ! Bon je suis mauvaise langue, les premiers 10km se courent sur une petite route sinueuse plutôt jolie, genre petite maison dans la prairie avec des carrioles des temps modernes quoi ! Enfin faut pas rêver les 10 suivants se feront sur une route légèrement plus passante dirons-nous pour rester polie…

 
Lorsqu’enfin nous quittons la route, les réjouissances sont de courte durée. Nous allons devoir traverser une étendue immense, totalement desséchée dont le sol est entièrement recouvert de cailloux bien pénibles pour mes pieds tous ampoulés. Franchement ça ne me manquait pas ! Il fait une chaleur à crever à tel point que je finis par regretter la pluie c’est dire… Je suis en mode « je sers les dents » pour en finir au plus vite mais là encore je me suis vraiment demandée ce que je foutais là, dans cette galère. Alors que je longe une clôture de barbelés en priant le bon dieu de ne pas me vautrer dessus dans un moment d’inattention, j’aperçois Greg et Gilles de l’autre côté sur la route que nous longeons. Qu’est-ce que c’est que cette blague ? Gilles me crie alors que le prochain CP est juste à côté et qu’ensuite on fait un virage en épingle à cheveux pour revenir sur nos pas. OOOOK ! Moi qui pensais qu’ils avaient triché… Mauvaise langue que je suis tiens !
Dernier CP passé, je file tenter de rejoindre mes compagnons mais force est de constater que je ne suis pas assez rapide. Je les ai perdus de vue. Ok, pas grave, je suis encore seule, je vais me parler à moi-même, ça ira bien. Ah oui je vous ai dit qu’en plus de tout le reste j’ai tellement brulé sur les jambes que j’ai maintenant des petites cloques sur tout l’arrière, genre lèpre ? C’est hyper sexy et c’est assorti aux cloques que j’ai forcément sur les pieds au même moment. Alors que je continue mon petit bonhomme de chemin dans l’indifférence totale des ouvriers d’un chantier gigantesque que nous longeons (au demeurant ça m’arrange bien, j’étais bien incapable de courir vite !), je comprends que je vais devoir piquer à droite toute sur le golf. Je ne parle pas d’un golfe avec un e mais bien d’un golf avec des trous, 18 pour être précise… et des bunkers… et des petits drapeaux… et des américains qui se déplacent en voiturette électrique parce que bon la marche c’est fatiguant.

 

La Badwater version ananas… et moi je suis là pour acheter du terrain !

Après avoir donc passé une matinée à éviter les voitures, je me retrouve à éviter les balles perdues… Bizarre qu’ils n’aient pas demandé le casque dans le matos obligatoire tiens ! Puisqu’on est carrément dans le grand n’importe quoi question parcours, je bascule moi-même dans le grand n’importe quoi, vu que de toute façon je ne suis pas aux pièces, la plage qui m’attend n’ayant pas d’horaires de fermeture ni même d’heure de marée. J’en profite donc pour faire connaissance avec les golfeurs assez surpris de notre passage sur leur terrain de jeu. Je demande aux premiers s’ils ont vu Barack, connu pour son amour du golf et de Big Island. Aux suivants je menace de leur piquer leur voiturette s’ils ne me donnent pas quelques glaçons. Franchement ça m’occupe l’esprit pendant quelques minutes et je m’amuse un peu, ce qui est quand même bien le but du truc.

 
Après le golf nous avons le droit à ??? Allez, je vous laisse chercher ??? Le premier qui appuie sur le buzzer a gagné ! A la route bien sûr ! Après avoir réclamé un big mac, un coca frais et des frites à un bénévole qui me demandait ce dont j’avais envie, je reprends ma progression sur la bande d’arrêt d’urgence qui ne m’avait pas vraiment manquée. Oh surprise j’aperçois devant moi Greg et Gilles. Ni une ni deux, je pars en courant pour tenter de les rejoindre. Mais c’est qu’ils marchent vite les petits salopards ! Quand je finis enfin par les rattraper, ils sont hilares puisque bien entendu ils m’ont entendu arriver. Mais je vais immédiatement leur pardonner grâce à une surprise qui hélas devra être censurée ici… Tout ce qui s’est passé sur la bande d’arrêt d’urgence reste à jamais sur la bande d’arrêt d’urgence mais c’était sacrément jouissif, c’est moi qui vous le dis !
La fin de la balade va vraiment finir en grand n’importe quoi… Gilles joue au golf devant la télé japonaise, on finit en chaussettes sur la plage les pieds dans l’eau, pas du tout décidés à accélérer pour finir en courant. Nous passons la ligne d’arrivée hilares devant l’appareil photo qui immortalise le moment. L’hilarité sera de courte durée… Alors que j’ai pris le temps de me laver, de laver mes vêtements et de manger un peu, je m’attaque au chantier des pieds et là ça part en vrille très vite. Je retire mes straps pour voir l’étendue des dégâts et je ne suis pas déçue du voyage. A libérer la pression comme je viens de le faire je libère aussi la douleur. En quelques secondes je me retrouve à trembler comme une feuille incapable de me contrôler. Mon petit orteil gauche ne ressemble plus à rien, je me traîne de nouveau chez les docs, j’ai juste peur que l’infection se soit vraiment installée cette fois.


Il faudra plusieurs minutes pour que le doc puisse se pencher sur mon pied, je bouge beaucoup trop pour ça. Point positif, il pense que l’infection n’est pas encore installée. Pour faire court il replace l’ongle et la peau décollés tous les deux sur sa base, histoire de rendre ça un peu plus présentable et emballe le tout pour que ça tienne. Après réflexion et après consultation d’un concurrent médecin généraliste suisse de son état (et 6ème au général il me semble !), je décide finalement de laisser ça à l’air histoire que ça sèche un peu la nuit. Va alors commencer un truc que je n’avais encore jamais vu : mon orteil fait des bulles… Il mousse ! Et il va mousser toute la nuit comme ça, m’empêchant totalement de dormir tellement la douleur est hallucinante. Je peine à dîner, tout cela me coupe l’appétit. Gilles a découvert un manguier sauvage et je vais me contenter d’une orgie de fruits frais et juteux pour seul repas. Il est grand temps que ça se termine cette blague…
Je vais finir au lever du soleil par aller regarder l’aube apparaître et papoter tranquillement avec Mélanie qui elle aussi n’arrivait pas à trouver le sommeil. Nous allons enfin faire plus ample connaissance tout en regardant au loin ce qui semble bien être deux tortues venues nous dire bonjour. Alors que le soleil se lève, je ne vois toujours pas comment je vais pouvoir enfiler ma paire de chaussures… Parce que même mes tongs me paraissent totalement inenvisageables avec les ampoules que j’ai.

Des mangues… du coca… un beignet et du rhum ! Le bonheur ça tient à pas grand chose…

 

Etape 6 – Beach ! (Enfin j’ai eu Gilles et Greg… pas Leonardo… encore une arnaque totale quoi !)
Km annoncés : 8 / on s’en fout c’est fini !

 
Comment ai-je pu mettre ma chaussure ce matin-là ? Franchement je me pose là encore la question… J’ai protégé comme j’ai pu mes orteils et j’ai serré les dents, et oui j’ai pris un nurofen, j’avoue. Est-ce que ça a marché ? Franchement je ne sais pas… Si c’est le cas, je n’ose imaginer ce que j’aurais souffert parce que là j’ai quand même sérieusement jonglé. Seul point positif, évidemment le sac est nettement plus léger même si le matos obligatoire et autres duvets et méga doudoune super chaude pèsent leur poids quand même. Mais le fait de savoir que nous allons dans 8km retrouver le confort d’un vrai lit, d’une vraie douche me donnerait presque des ailes !

 
J’ai prévu de finir avec les 2 G et j’avoue que ça me réjouit au plus haut point parce que franchement je me voyais mal passer la ligne d’arrivée seule. Ils sont prévenus que je ne pourrais pas courir ou alors il faudrait un miracle. Nous ne sommes pas non plus super pressés puisque de toute façon les chambres ne seront pas prêtes avant 15h, inutile de jouer le chrono. Ça va donc être presque deux heures d’une franche rigolade que ce soit sur les 4km de la bande d’arrêt d’urgence ou sur les 4km à travers le golf que nous commençons à bien maîtriser. L’avantage avec Gilles c’est qu’il met le feu partout où il passe ! Les américaines en bermuda sont toutes folles de lui… On refait le monde, on parle déjà de nos projets futurs. Si je les écoutais, mes enfants finiraient vraiment par m’appeler Madame un jour ! Mais franchement on s’amuse tellement que je finis par moment par oublier la douleur.

 

Un dernier coucher de soleil… une ou deux singeries sur la route… une pizza et du rosé au nom parfaitement trouvé… Voilà c’est terminé !

Nous préparons surtout notre arrivée triomphale ! Greg a ramassé un tee abandonné et une balle et nous avons la ferme intention de taper la balle sur la ligne d’arrivée. Alors que nous nous approchons enfin, nous nous prenons un vent au sens propre comme au figuré par un petit suisse à mobylette ! Florian nous double à une vitesse hallucinante. Punaise, faut qu’il se calme le gamin, personne ne lui a expliqué qu’il y avait assez de pizza pour tout le monde ? Nous allons prendre le temps de passer la ligne, Gilles prendra le temps de taper dans sa balle et moi je prendrais un super plaisir à enlever mes chaussures !

 
Ma nouvelle boucle de ceinturon dans une main, ma coupe de vin italien rosé pétillant (merci Madame Gilles d’avoir assuré sur ce coup-là !) et ma part de pizza hawaïenne dans l’autre, je suis heureuse. Quoi ? Même avec les mains je suis une ultra girl et pis c’est tout ! Alors que je suis là allongée dans l’herbe à papoter joyeusement, comme si je n’avais pas du tout les pieds tous pourris, j’ai du mal à réaliser que je l’ai fait, que je suis finisheuse de mon … puff je ne sais même pas combien d’ultra en étapes et en autonomie alimentaire. Et une question m’obsède : pourquoi je m’impose ça alors que vraiment j’adore la pizza hawaïenne et qu’en lyophilisé ça n’existe pas ?

 

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Epilogue : évidemment un récit pareil ne peut pas se terminer sans une longue liste de remerciements !
– En premier lieu mon sponsor Michelin qui m’a fait confiance et qui m’a en plus fait l’honneur de m’intégrer pour l’occasion dans sa team où pour le moment on trouve Yohann Diniz et Renaud Lavillenie… Comment vous dire ? C’est un peu comme si j’intégrais l’équipe de France en vue d’une participation aux Jeux Olympiques pour l’épreuve du 100m… Tout aussi surréaliste pour moi !
– Mes partenaires matos sans qui une épreuve comme celle-là n’est tout simplement pas possible : Mizuno pour le total look (la veste orange a beaucoup plus sur le camp, je pouvais en vendre 3 par jour !), Oxistis pour le sac à dos, http://www.lyophilises.fr pour les bons petits plats et Monsieur Petzl qui a réparé ma frontale pour qu’elle soit prête le jour J et qui a tenu toute la nuit – 200 m, Mange tes graines pour le muesli qui m’a accompagné tous les matins. Comme toujours je ferai un retour matos prochainement pour répondre aux questions que j’ai souvent à ce sujet. J’ai même fait une petite vidéo pour vous présenter mon sac façon Mary Poppins !
– Greg mon compagnon de voyage qui a eu la gentillesse de prendre autant de coups de soleil que moi ou presque pour que je n’ai pas l’air la plus ridicule de la plage et qui a eu le courage de me supporter moi la flippée de l’avion pour 24H de vol aller et retour et de m’attendre quand je marchais à 2 à l’heure dans les couloirs de l’aéroport. Rien que pour ça tu mérites une médaille !
– Gilles pour ta bonne humeur et ton humour décapant, ton rhum, ta pochette surprise et ton incroyable femme pleine de ressources !
– Domino’s Pizza pour l’une des meilleures pizzas hawaïennes de tous les temps !
– A tous les participants et à tous les bénévoles que j’ai pu croiser pendant cette course.
– A ma famille évidemment avec une palme d’or à Paul le petit dernier qui avait ordre de donner des nouvelles tous les jours et que je soupçonne d’avoir fait du copier-coller avec un mail qui se résumait à une ligne : « je vais bien, les chats vont bien, l’école va bien, bisous ».
– A tous ceux qui ont pris le temps de m’écrire, vos messages me faisaient un bien fou !