Run : Beat the Sun, un, deux, trois, soleil !

Courir après le soleil autour d’une montagne que le monde entier nous envie, que le monde entier vient admirer d’ailleurs, rêvant un jour de réussir à en faire le tour ou mieux d’aller voir là-haut si le monde est aussi beau qu’on le dit… C’était le rêve de Laurent Ardito qu’il a eu la bonne idée de vouloir partager.

 

J’avoue, lorsque j’ai vu débarquer le premier communiqué présentant le concept de « Beat the sun », j’ai tout de suite pensé : « bon Asics n’a pas décroché (ou n’a pas voulu… je ne suis pas non plus dans le secret des dieux, enfin de tous les dieux !) le partenariat de l’UTMB, du coup ils s’en font un à eux ». De quoi parle-t-on d’ailleurs ? Le concept est enfantin : prenez le jour le plus long, prenez 6 coureurs venus d’horizons, de pays différents, mettez-les sur la place principale de Chamonix et faites-les courir en relais autour du gros caillou avec un seul objectif, rentrer à la maison avant que le soleil se couche. Même s’il y a forcément un classement général, leur principal ennemi ne sera pas l’autre coureur qui porte un t-shirt d’une couleur différente mais bien le soleil qui joue les serre-files impitoyables. Voilà la base !

 

L’année dernière, le plus drôle c’est que je n’avais pas pu y aller parce que je courais de mon côté en Norvège, le pays où le soleil ne dort jamais l’été. J’avais observé le truc de loin et sans l’enthousiasme de ma copine Elisa qui représentait Running pour ELLES pour moi, j’avoue que je ne sais pas si j’y serai allée cette année. Je sais que c’est idiot à dire comme ça mais j’ai du mal à rester sur le bas-côté d’une course moi… C’est bien pour ça que je me retrouve souvent dans des plans foireux à me maudire d’avoir encore fait n’importe quoi. Là, pas de question à se poser, je n’ai pas le niveau pour être sélectionnée. Parce qu’il y a un détail que j’ai oublié de préciser et qui a une importance énorme : les équipes sont un joyeux mixte de coureurs ou plutôt de sportifs pro ou presque et d’amateurs sélectionnés en premier lieu par un jury puis par l’enthousiasme de leur réseau qui doit les « liker » à mort pour espérer faire la différence.


Je me suis évidemment concentrer, en bonne chauvine que je suis, sur l’équipe donc la capitaine est une française, notre Sylvaine Cussot nationale, suivi par Francis Marielle, un des amateurs lui aussi français. Mais je n’oublie pas qu’il y a d’autres équipes avec des profils aussi différents que Ryan Hall (2h04.58’ sur marathon…), Deena Kastor, médaille de bronze sur marathon aux JO d’Athènes, Eun Ju Kwon qui détient en Corée du sud le record sur marathon mais aussi Erben Wennemars, patineur de vitesse professionnel venant de Hollande qui possède tout de même 8 titres mondiaux et 2 médailles olympiques… Nous allons avoir la chance de pouvoir les rencontrer en face-face la veille de la course pour faire connaissance et connaître un peu leurs motivations. Parce qu’il y a tout de même un point qui m’interpelle dans toute cette aventure : comment un pro peut s’engager dans un projet sportif qui ne repose pas uniquement sur lui sachant qu’il est issu d’un sport individuel ? Ce sera forcément un truc intéressant à observer.

 

Asics au demeurant ne se contente pas de réunir des personnes venant du monde entier le jour J. Elle offre aux amateurs sélectionnés une préparation élaborée par 3 coachs. Certains auront eu la possibilité de se rencontrer avant le jour J pour s’entrainer ensemble. La plupart sont d’ailleurs sur « zone » plusieurs jours avant le 21 juin pour s’acclimater, se remettre du jet lag et découvrir la neige qu’ils n’avaient jamais vu. En parlant de neige, ce sera l’invitée surprise de l’événement, celle qui obligera Laurent à revoir une partie de son parcours, rendu totalement impraticable, la poudreuse n’étant pas la meilleure amie du traileur…


Ce n’est d’ailleurs vraiment pas une vue de l’esprit puisque nous aurons eu le droit nous aussi à notre balade trails aux pieds, alors que les raquettes auraient été bienvenues sur les hauteurs de Plan Praz. Le marathon du Mont Blanc n’est que quelques jours après, et jamais les guides qui nous accompagnent n’ont vu un truc pareil. Alors que je décide de rejoindre Chamonix en courant par le chemin de randonnée qui part du téléphérique (pas le km vertical, l’autre !), je devrais commencer par une séance de luge sur les fesses pour éviter de tomber et de me faire une cheville avant le Verbier. Je tiens d’ailleurs à remercier mon baby-sitter d’un jour qui a eu la patience de m’attendre sans trop me le faire sentir. J’ai cru au départ qu’il s’agissait d’un journaliste comme moi mais j’ai vite compris que j’avais plutôt à faire à un pro venant de Belgique qui faisait partie des 4 remplaçants présents pour faire face aux blessures de dernière minute. Vu son temps sur marathon, je n’ose imaginer son ennui pendant cette heure de descente ! Mais il a été parfait et ne m’a trop fait sentir qu’il se traînait grave avec moi.

 
Après un dîner sans les coureurs qui doivent se reposer, je vais me coucher sans oublier de programmer mon réveil à 4h45… Sérieux… et je n’ai même pas de dossard en plus ! Comme finalement je ne poserais un pied par terre qu’à 5h du mat c’est en pyjama, pas douchée et à peine coiffée que je me rends dans le centre du village pour le départ. Oui ok pas vraiment en pyjama mais en jogging mais c’est presque ça ! Les coureurs sont là, chauds bouillants, ça sautille dans tous les sens, ça s’encourage entre équipes, et surtout ça fait un boucan d’enfer… Note pour plus tard : ne jamais mais alors jamais acheter un appart dans Chamonix. Un, deux, trois soleil, il est levé, le départ est donné. Nous avons rendez-vous 13km plus loin pour le premier relais. Le parcours est relativement plat et roulant, autant dire que les premiers vont arriver à toute vitesse. Ça se tient dans un mouchoir de poche cette histoire. Passage de relais, le deuxième coureur s’élance vers Trient mais ça se sera pas par la route, la première grimpette est là et elle ne sera que la première d’une longue série.

 


Ce qui est dingue c’est que, même si nous ne le savons pas encore, le podium final est quasi fait. La bagarre se fera entre les 3 premières équipes que nous avons accueilli le plus chaleureusement possible mais les autres ne joueront jamais dans la même cour. Malgré des coureurs sur le papier très rapides, le mixte amateur/pro n’est pas forcément très simple à gérer. Pour mon plus grand bonheur, l’équipe de Sylvaine finit deuxième après une belle bagarre avec la tête de course, l’Europe du Nord qui regroupait il faut dire de très beaux profils que ce soit chez les pro ou chez les amateurs. D’ailleurs c’est une triplette Europe puisque l’équipe d’Europe du Centre finit 3ème du classement. Tous les autres équipes arriveront après le soleil, preuve s’il en est que ce n’est pas aussi simple qu’on le pense, même s’il faut reconnaître que la météo capricieuse des jours précédents a forcément changer la donne.

 

Alors bien ou pas bien « Beat the Sun » ? Ce concept « ovni » qui pourrait n’être qu’un « event » de marque est beaucoup plus que ça. C’est d’ailleurs amusant de noter que la France qui est le plus à la traine question enthousiasme autour de la course alors que c’est organisé chez nous en plus ! Les USA, l’Asie, la Grande Bretagne et l’Allemagne pour ne citer que ces pays suivent avec intérêt ce tour du Mont Blanc. A quoi est-ce dû ? Surement à une approche du sport différente. Il est évident que nos élites ne sont pas forcément prêtes à jouer le jeu du partage réel avec des amateurs. L’esprit trail dont on nous bassine à longueur d’articles et que j’ai cherché pendant longtemps j’ai eu le sentiment de le trouver au Colorado sur une course qui a fait sa légende parce qu’on doit être deux au départ et surtout deux à l’arrivée, que l’on soit coureur pro ou amateur. Et je l’ai revu là-bas à Chamonix.

Sincèrement je souhaite longue vie à Beat The Sun parce qu’elle le vaut bien !