Run : Dis-moi tout Paula !

J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Paula Radcliffe lors du Sommet de la course à pied qui vient d’avoir lieu à Paris. Encore me direz-vous puisque j’ai déjà eu l’honneur de déjeuner avec elle en tête à tête à New York et l’article est ici (je l’écris parce que j’ai encore des années après du mal à réaliser !)… Mais là c’est la jeune retraitée que j’ai rencontrée. Et comme toujours avec elle, les réponses furent claires et directes !

Alors la retraite sportive, ça se passe comment ?

Très bien ! Je continue de courir mais uniquement pour le plaisir maintenant. J’essaye de maintenir ma sortie quotidienne d’une heure pour laquelle je pars maintenant sans chrono, ou alors juste une montre pour être sûre de rentrer à l’heure. Je cours seule ou avec des amis et je me mets à leur rythme pour pouvoir papoter. Je n’ai pas eu de mal à basculer dans la pratique plaisir parce que j’ai fini blessée et rien que le fait de pouvoir courir sans souffrir, c’est le bonheur. J’ai en tête de participer à des marathons qui me manquent comme Paris ou Boston mais en oubliant le chrono, pour profiter de l’ambiance ou pour accompagner des amis pour les aider à atteindre leur objectif (nan je n’ai pas osé lui demander…).

Vous parlez très souvent des autres, c’est important de donner pour vous ?

Je veux occuper ma « retraite sportive » à rendre ce que l’athlétisme m’a donné. Ce sport a fait de moi la femme que je suis aujourd’hui et je veux que mon expérience profite aux autres. Je veux encourager les femmes à se réaliser et les enfants à aimer le sport, quel qu’il soit d’ailleurs. C’est pour ça que je suis pour les courses féminines qui sont souvent un moyen pour les femmes d’accéder au premier dossard. Pour elles le milieu sportif est souvent intimidant et le fait de pouvoir courir entre copines, s’entraîner entre copines, c’est une bonne chose. Et les courses fun comme les color run, c’est souvent un bon moyen d’emmener les enfants et les ados faire du sport, et qui sait leur donner envie ensuite de courir. Alors je suis pour ! C’est pour ça que j’ai accepté avec grand plaisir d’être l’ambassadrice des courses Disney au niveau mondial.

Vos positions contre le dopage sont toujours aussi fermes malgré les derniers événements et plus particulièrement les problèmes de la Fédération Russe d’Athlétisme ?

Oui je n’ai pas changé d’avis et je continue de penser qu’il faut rester ferme face à ce problème. C’est vrai qu’envisager qu’un pays comme la Russie ne soit pas présent à Rio n’est pas évident mais il faut que la compétition se passe dans le respect du sport et des sportifs qui sont propres. Il va falloir un jour frapper là où ça fait mal, c’est-à-dire au porte-monnaie. Si tu interdis de compétition un coureur qui a gagné des courses et donc des primes sans exiger qu’il rende l’argent gagné, cela ne servira pas à grand-chose… Comme je suis pour l’interdiction à vie, même si c’est compliqué. Maintenant interdire une personne 10 ans de toute compétition en athlétisme, c’est comme l’interdire à vie. Le dopage est une pratique criminelle dont les athlètes sont parfois les premières victimes parce que les entraîneurs, les médecins qui les entourent dès leur plus jeune âge ne leur laissent pas le choix. Il faut agir et pas uniquement en Russie mais aussi au Maroc, en Turquie… dans tous les pays concernés et ils sont nombreux.

En parlant dopage, des rumeurs ont circulé récemment vous mettant en cause directement. Comment l’avez-vous vécu ?

Mal évidemment et d’autant plus mal que mon entourage a souffert lui aussi. Ma fille a 9 ans maintenant, elle est en âge de comprendre les accusations dont sa mère a souffert. Forcément, c’était dur à vivre. Propager des rumeurs sans preuve est toujours lourd de conséquence. Cela n’a en tout cas pas entamé ma volonté de continuer mon combat contre le dopage.

Et le marathon en moins de 2h ? C’est pour quand ?

A mon avis je ne devrais pas le voir de mon vivant et ce serait d’ailleurs une bonne chose qu’on arrête de parler de ça. Mettre de tels objectifs c’est encourager au dopage justement. Il va falloir des années et peut-être même des générations pour y arriver naturellement si on y arrive un jour… Après cela arrivera peut-être dans des conditions particulières avec un parcours parfait, des conditions météo absolument parfaites et le vent dans le dos !

Votre record pourrait tomber non ?

Oui je sais ! Mais je n’ai jamais couru pour battre un record, j’ai toujours couru pour battre mon propre record. J’ai toujours couru contre moi-même avant de courir contre les autres.

L’avenir de Paula Radcliffe c’est quoi ?

Je suis commentatrice sur la BBC et j’adore ça ! J’apprends énormément sur le métier de journaliste auprès de mes collègues et je serai à Rio pour les prochains JO évidemment. Je continue mon rôle d’ambassadrice pour la marque Nike. Je travaille également au sein de l’IAAF et du comité de Cross-country. Je défends avant tout les intérêts des athlètes qui étaient souvent oubliés dans ces grandes administrations. Je ne cherche pas à être dirigeante ni à faire de la politique « sportive ». Pour être une politique, il ne faut pas toujours dire ce qu’on pense et ça j’en suis incapable !