Mon premier UTMB je ne suis pas prête de l’oublier… Et le pire dans tout ça c’est que j’y suis retournée…
Ce qu’il y a de bien avec moi c’est que les courses que je fais ne sont jamais de grand repos. Mais enfin là franchement j’ai fait fort ! Pourquoi avoir choisi l’UTMB, moi qui n’aime définitivement pas la montagne autrement qu’en terrasse devant un bon vin chaud (ou un grand marnier tonic !) et une crêpe flambée ? Parce que je voulais moi aussi pouvoir dire un jour j’y étais tiens ! C’est lamentable comme raison, je sais mais c’est hélas la seule que j’ai pu trouver. Ah oui il y a aussi cette histoire de points. C’est comme au supermarché, j’ai ma carte de fidélité, j’ai les points, je veux mon cadeau.
Tout avait pourtant commencé sous les pires hospices. Alors je résume pour tous ceux qui n’auraient pas suivi parce qu’avant de prendre ma décision d’aller à Chamonix j’ai fait une petite liste points négatifs – points positifs et ça donne ça :
Points négatifs :
– je sors d’une semaine d’antibiothérapie de cheval qui m’a flingué les intestins. Mon nouveau meilleur ami s’appelle imodium…
– j’ai 4 jours d’avance et je sais donc déjà que je vais me vider de mon sang pendant toute ma course. Comme en plus mes soucis de ce côté-là s’aggravent mois après mois, mes globules rouges sont aux abonnés absents… quelqu’un aurait de l’epo sur lui ???
– j’ai une tension, comment dire… un lamentin est plus rapide que moi question réaction.
– Guillaume ne sera pas à mes côtés ayant préféré les infirmières des urgences de Neuilly.
– Et pour compléter le tableau question moral pourtant déjà bien bas, on vient de m’annoncer qu’il serait bon d’avancer ma mamo de contrôle annuel de 2 mois, rapport à des trucs un peu bizarre à la palpation…
– Ah oui j’oubliais, comme si cela ne suffisait pas la météo s’annonce catastrophique…
Points positifs :
– je suis à Megève et je viens de m’offrir une paire de cuissardes que j’avais déjà repérées pendant mes vacances en daim gris anthracite, que des comme ça ben j’en ai pas et en plus elles sont soldées à 50%. Bien entendu je ne vous donnerai pas le prix de départ, Guillaume corrigeant mes CR et moi je préfère qu’il continue de croire qu’une paire de chaussures pour femmes coute 20 € maxi ! Mais franchement elles sont juste top et me font des jambes à la Adriana. Ben voilà… Pas très équilibrée cette liste…
Ah Megève… ses prairies, ses chalets…
Mais je continue d’y croire et je suis contente d’aller faire mon tour sur le village expo pour voir les copains et discuter course à pied. En plus je suis gâtée maintenant, il faut bien le reconnaître et j’ai des cadeaux ! J’adore les cadeaux ! Comme en plus je suis joueuse, je les déballe tout de suite et je veux jouer avec maintenant. Quoi ? Il faut tester le matériel avant de partir sérieusement ? Mais moi je suis une fille et quand on s’achète une nouvelle robe c’est pour la mettre tout de suite maintenant, tout le monde sait ça.
Bon revenons à cette course. Jeudi je vais à Chamonix pour retirer mon dossard et déjà je comprends que la ville entière vit au rythme de l’UTMB. Il y a des coureurs partout !!! Faciles à reconnaître puisqu’ils ont tous leur sac avec eux… Mais quelle bande de rigolos ces mecs quand même… Plus de 24h avant la course ils sont déjà au taquet, prêts à prendre le départ. Je ne vais pas me moquer longtemps puisque je vais découvrir que la blonde pour le coup c’est vraiment moi et que le sac est obligatoire pour le retrait du dossard. Tiens ça m’apprendra à me moquer des gens ! Il faudra donc attendre vendredi le retrait du précieux sésame. En attendant je cours d’un stand à l’autre, je tombe sur les copains, bref je papillonne. Retour le soir à Megève totalement épuisée et trop tard pour aller faire des courses à la supérette du coin. Ce sera donc encore des crozets pour le diner.
Vendredi matin, je suis réveillée de bon heure par un sms de l’organisation, le premier d’une longue liste : pensez à vous couvrir, il va faire froid et il va pleuvoir. Je confirme, dehors c’est le déluge et je découvre que ma décapotable est conçue pour les pays chauds, pas pour les orages de montagne…
Je récupère enfin mon dossard et j’ai le droit aux honneurs des caméras pour le film qui doit se réaliser sur la course. Cool, avec la pluie, je ressemble à un rat trempé sortant des égouts ! Déjeuner avec Thierry Selem et toute sa bande dont mon patron, Edouard qui dirige Running Attitude. Il faut que je vous présente Thierry puisqu’il va jouer un grand rôle dans toute cette aventure. Il travaille pour les boutiques Planet Jogging et il est entré en contact avec moi sans savoir que nous serions tous les 2 au départ de l’UTMB. Lui s’est déjà frotté à la bête 2 fois et quand il me propose de tenter de le suivre j’accepte avec plaisir même si vu le niveau du garçon sur bitume, j’ai un peu peur de ne pas être à la hauteur. Mais bon partir accompagnée de quelqu’un qui connaît le parcours me rassure un peu. Je rencontre Nathalie son épouse à l’occasion du déjeuner et c’est pour moi un coup de foudre amical immédiat. Vous savez la sensation que l’on va bien s’entendre. Je suis sensée me reposer un peu après le déjeuner mais je me retrouve à papoter sac de trail en terrasse d’un café avec le concepteur des sacs Oxsitis mais c’est un autre sujet dont on reparlera vite. Voilà comment je me retrouve à m’habiller dans les toilettes de l’hôtel qui m’accueillera dimanche matin après ma course puisque j’ai juste pris une place de parking pour titine qui doit dormir au chaud. Je passe à la salle presse pour les dernières nouvelles et pas de doute la météo n’est pas favorable. J’en profite pour accrocher mon dossard, me tartiner les pieds et faire un dernier pipi avant le grand saut vers l’inconnu. Ah oui mon équipement : tenue Skins parce que moi aussi je veux faire comme ma copine Japhy, non mais ! Mes Columbia Ravenous aux pieds avec des guêtres raidlight imperméables, mon blouson bleu brooks pour aller avec ma tenue et parce qu’il a vu l’Antarctique alors rien ne lui fait peur, et mon nouveau sac Nathan sur le dos. Au poignet j’ai un superbe garmin 310 pour faire ma Brinouille et donner l’illusion que je suis une coureuse. Le parcours est programmé dessus, pas par moi je vous rassure mais par quelqu’un de pro ! J’en ai même un deuxième dans le sac parce qu’il n’a que 20h d’autonomie et que je ne suis pas Kilian moi. Je vous dis j’assure à mort question équipement ! Ah oui j’oubliais des bâtons lekki pour filles, super légers et pleins de porte-bonheurs donnés par mes enfants.
Je retrouve Thierry et Nathalie, je souhaite bonne route à Pascal, journaliste pour l’Equipe qui m’avait fait l’honneur de parler un peu de moi dans une de ses chroniques et qui prend le départ lui aussi. Ca se bouscule, la pression monte… Je ne sais pas si c’est du au fait que tout le monde sait déjà que ce sera difficile mais il règne sur cette place une ambiance très particulière. J’ai la trouille, le palpitant au maximum. Je n’ai jamais ressenti ça sur aucun départ de course à ce jour. Isabelle, mon ange gardien de la Transahariana m’a prévenu : « tu te mets bien à gauche et je te fais un bisou au vol ». Elle est en charge de tout le staff médical mais elle est toujours là pour tout le monde. La musique retentit et c’est parti. Bien entendu ça se bouscule, on ne court pas, on marche mais je dois avouer que je ne suis pas pressée de partir ! Et Isabelle est là pour me faire un câlin. J’ai tellement la gorge serrée que je crois que si elle ne m’avait pas poussé dans le flot des coureurs je serai restée là à pleurer dans ses bras. La traversée de la ville est quelque chose d’inoubliable. On m’avait parlé de ce fameux départ mais vraiment il est au-delà de mes espérances. C’est tout bonnement bouleversant. Je m’accroche à Thierry et nous sommes partis pour ce qui va être notre plus long semi marathon !
Dès le début il pleut et quand je dis il pleut je ne parle pas de crachin breton mais d’une bonne pluie normande qui mouille (comment se fâcher avec tout le monde en une seule phrase !). Je découvre que mon garmin vibre tous les km et je me dis que cela va sacrément m’énerver ce truc, avant me dire que cela va peut être justement me réveiller la nuit sur la montagne. Dire que ces 21 km sont difficiles serait mentir tout de même. C’est dans la descente vers St Gervais que je découvre que notre principale ennemie sera la boue. On dirait un cours de patinage artistique pour débutant… Certains coureurs ont découvert les joies du grand écart facial d’une façon un peu brutale si vous voulez mon avis. Nos pieds disparaissent dans la boue, impossible de lutter contre cet élément qui est le plus fort. Et puis les rumeurs commencent à circuler dans le peloton. On entend parler de coulées de boue au Col de la Seigne, de météo qui s’aggrave. Et puis la rumeur devient réalité : la course est stoppée à St Gervais. Très sincèrement à ce moment là nous ne réalisons pas bien ce qui se passe. Je parle au nom de Thierry et moi-même mais aussi au nom de tous les coureurs qui m’entourent et qui continuent d’avancer comme si de rien n’était. Le ravitaillement de St Gervais est là et la réalité nous frappe de plein fouet : notre balade va bien s’arrêter dans cette charmante ville thermale. Tout le monde m’a l’air hébété autour de moi, comme si les coureurs ne réalisaient pas vraiment. La grande blague au ravitaillement où les bénévoles tentent de nous consoler avec du coca sera : « vous n’auriez pas du whisky à mettre dedans ? ». Cette ambiance est totalement surréaliste à vivre et je me mets 2 secondes à la place de tous ces coureurs venus de loin pour réaliser leur rêve. Oui bien entendu je suis déçue mais j’habite en France, cette course n’était pas mon objectif de l’année, juste une cerise sur le gâteau et je sais déjà que si je veux revenir ce sera possible. Mais qu’en est-il de ces coureurs venus du Japon ? De cette coureuse venue en Juillet pour un stage de prépa et qui est là sous la pluie avec un rêve brisé et des économies de toute une vie envolées…
En fait tout le monde marche…
Nous nous mettons à l’abri pour nous changer avec ce que nous avons dans nos sacs et Thierry a déjà appelé Nathalie qui a sauté dans la voiture pour venir nous récupérer. Nos sacs intermédiaires sont sensés être à Courmayeur et nous n’avons pas grand-chose pour nous couvrir. Mais c’est sans compter Super Nathalie qui débarque avec une veste bien chaude pour moi : « je me suis dit que tu aurais besoin de ça ». Mon dieu, je l’aurais embrassée si je n’étais pas aussi sale !!! Retour à la case départ sans toucher 20 000 Frs et sans savoir ce que l’avenir nous réserve. Je décide d’aller à la conférence de presse pour en savoir un peu plus. Les journalistes arrivent, tout aussi hébétés que les coureurs, il faut bien l’admettre. Nous attendons les nouvelles, les explications de tout ce beau gâchis. Coulée de boue, conditions météo catastrophiques, trop de risque, il fallait arrêter la course. On parle d’une nouvelle course, peut être dimanche. Mais déjà des rumeurs de couloir bruissent : pourquoi avoir laissé partir les coureurs ? Nous savions tous que cela serait difficile. Je laisse mes collègues à leurs débats agités et polémiques pour m’occuper de problèmes beaucoup plus concrets pour moi. Il est 1h du mat et je n’ai pas d’endroit où dormir… Pascal, à qui je parle de mon souci, me dit spontanément : « écoute si tu es à la rue, tu m’appelles, on se débrouille ». Je fonce à mon hôtel pour voir si je peux trouver une chambre parce que dormir dans une 205… je le sens moyen cette histoire. Je pourrais retourner à Megève chez mes beaux parents mais et d’une je suis fatiguée et de deux je sens que je dois rester sur place. 1h30, pas de chambre, sms à Pascal « dis je peux venir ? » et je retraverse la ville avec mon sac de voyage sur le dos. J’ai un besoin urgent de prendre une douche moi ! En chemin je tombe sur Isabelle qui me dit qu’elle se rend à une réunion de la direction pour organiser l’après et qu’elle me tient au courant dès qu’elle en sait plus. J’apprends également que la TDS ne partira pas et que l’avenir de la CCC partie le matin même se gâte d’heure en heure. Mon dieu mais c’est la bérézina cette histoire !
1h44 : le téléphone sonne, c’est Isabelle. « ne range pas tes baskets, vous devriez repartir demain, les infos vont tomber par sms cette nuit, si cela se confirme ». J’envoie immédiatement un sms à Thierry pour le prévenir mais pas de réponse. J’ai bien peur qu’il ait éteint son portable, ce qui me sera confirmé quelques heures plus tard. Je sais vaguement où il loge mais je me vois mal taper aux portes de tout un immeuble à sa recherche…
2h30 du matin : premier sms « TDS, UTMB, départ commun samedi 28 10H. Parcours Courmayeur –Champex – Chamonix. Bus à partir de 6h30 centre sportif Chamonix ».
5h du matin : nouveau sms « UTMB TDS Cause annulation CCC et rapatriement coureurs, départ bus Courmayeur limité à 1000 ».
Vous l’avez compris, si je suis aussi précise, c’est que je n’ai pas dormi, accroché à mon téléphone comme une accro à sa seringue. Sincèrement je trouve même que je fais pitié à voir… Bon ça me rassure, Pascal ne vaut pas mieux.
5h45 : mon réveil sonne. Je bondis et en quelques secondes je suis déjà dans ma tenue de course sous le regard médusé de mon compagnon d’infortune. Je suis bien embêtée de l’avoir réveillé, il doit se mordre les doigts de m’avoir proposé de m’héberger. J’ai compris qu’il ne repartirait pas et je ne veux pas insister. Je pars comme une fusée en entendant juste « tu es vraiment une furieuse » ! Retour à ma voiture pour jeter mon sac de voyage et attraper mon sac à dos. Je change juste de blouson, le mien est encore trempé de notre balade de la veille. 6h30, je suis au départ des bus et je ne suis pas la seule… Pourquoi suis-je repartie ? En fait tout cela tient non pas de ma volonté de coureuse mais de ma curiosité de fille. Je veux en être, je veux pouvoir dire « j’y étais et voilà comment ça s’est passé ». Dans la file je retrouve Laurent de courir le monde rencontré au marathon de NY. Lui aussi a répondu présent même si je ne sens pas la même motivation que moi. En route vers Courmayeur, vers l’inconnu. Je prie juste pour une chose : qu’ils aient prévu un petit déjeuner ou qu’il y ait une boulangerie d’ouverte quelque part. Avec tout ça je n’ai pas mangé depuis… depuis quand tiens ??? Ah oui une glace à 4h, 2h avant le départ, un délichoc et une compote à la conférence de presse de la nuit, ça compte ? J’ai une faim de loup !!! Arrivée au gymnase qui sert de port d’attache aux naufragés de la TDS et heureusement il y a à manger. Je fais la queue bien gentiment au milieu de ces coureurs que l’on sent épuisés alors qu’ils n’ont pas pu partir. J’avale quelques tranches de jambon italien trop bon, 2 morceaux de pain et quelques gâteaux non identifiés à l’amande (mais super bons !) le tout arrosé d’un thé et vogue la galère. Je prépare ma gourde en attendant le départ avec 2g de vitamine C parce que je vais en avoir bien besoin et déjà on nous demande de nous rendre vers le départ.
Je n’ai pas fait 500m que je réalise soudain que ma gourde est restée sur place. Mais qu’est ce que j’ai avec les gourdes moi ! C’est comme avec les soutiens-gorge, je dois être allergique. J’ai tellement peur de rater le départ que je décide de m’arrêter dans la première épicerie venue et d’acheter une bouteille d’eau. L’organisation nous demande d’avoir 20€ sur nous, il faut bien qu’ils servent. En voilà une justement et en quelques secondes j’achète une bouteille d’une boisson énergétique à la couleur étrange qui fera l’affaire. Autant la veille j’avais l’impression d’être un peu au point, autant là je suis dans du grand n’importe quoi ! Mais le soleil brille et j’ai la chance d’être là, donc on ne se plaint pas. Le départ est donné et je saute dans l’inconnu. Déjà que je ne connaissais pas le parcours la veille mais là c’est encore pire. Tout ce que j’entends c’est « on va mourir au Col Ferret ».
Je pars tranquillement, même si j’ai vaguement entendu parler de barrières horaires qui neveulent rien dire pour moi puisque je n’ai aucun repère. Mais bon je comprends tout de même que le ramassage de fleurs sera pour demain. En fait cette course ressemble vraiment à des montagnes russes, on monte et on descend, encore et encore… Les ravitaillements à ce moment là s’enchainent assez vite et j’avale mon traditionnel verre de coca. Je sais que je ne mange pas assez et je comprends vite que cela va être un problème. Mais rien ne passe, je n’ai pas faim, pas envie. Et voilà le fameux col Ferret… Très vite je comprends que je vais vivre un enfer. Les conditions météo se sont dégradées, il pleut, le vent est glacé, le brouillard est tombé et la grimpette est rude. Je sens que je suis en train de faire une hémorragie bien entendu parce que sinon ce ne serait pas drôle. Je finis par m’asseoir sur une mangeoire qui me tend les bras. Je suis à bout… moralement et physiquement. Si une voiture balai était passée à ce moment là, j’aurais rendu mon dossard dans la seconde. Il me faudra 2 arrêts supplémentaires pour me hisser jusqu’en haut et c’est totalement épuisée que j’arrive au point de secours. Je veux juste avaler quelque chose à l’abri de la pluie et le bénévole m’oriente vers une tente. Cela fait quelques secondes que je suis là et j’entends « ben qu’est ce que tu fous là toi ? Tu es une fille pour la chaleur, pas pour le froid ». Je relève les yeux et je découvre Sylvain, infirmier, CP 12 Transahariana. C’est bien simple, je lui tombe dans les bras. Bon sang que cela fait plaisir de voir son visage ! Il me demande si ça va et là je lui déballe tout. Même mes gants je n’ai pas réussi à les enfiler correctement tellement mes doigts étaient gelés. Il prend les choses en main, sort ma compote, s’occupe de m’ouvrir mes chaufferettes, me remet mes gants. En quelques minutes, je suis revigorée et j’entends alors un : « allez dégage maintenant ». Pas de doute, cet homme sait parler aux femmes ! Mais il a raison de me pousser dehors parce que sinon j’y serai encore moi au grand Col ferret…Je repars vers La Fouly et j’entends assez vite derrière moi : « tu descends vraiment très mal tu sais ». Ah ça oui merci je sais ! « il faut plier les genoux plus que tu ne le fais » et voilà comment je fais la connaissance de Bruno. Il me présente Yves son compagnon de route et nous voilà partis à 3. Bruno n’a plus qu’un bâton, ayant cédé l’un des siens à Yves suite à une chute. Ils sont là pour courir ensemble ce qui devait être à la base un UTMB.
Très vite je comprends qu’il ne sera pas facile de rester au niveau de Bruno qui assure vraiment mais cela me rassure pour le moment d’être en charmante compagnie. Ravitaillement après ravitaillement, nous traçons notre route en fonction des aléas du relief et le fait d’être accompagnée me donne un rythme. A quelques centaines de mètres du ravitaillement de Bovine, j’entends : « allez Cécile ! ». Ok je suis super connue mais quand même… Et là surgissent Thierry et son fils Paul venus me soutenir. Nathalie n’est évidemment pas loin. Dieu que cela fait du bien de voir des visages connus. Quand ils ont vu mon temps de passage à la Fouly ils se sont dit qu’ils pouvaient être là à temps et ils ont sauté dans la voiture. De nouveau on s’occupe de moi et ça fait le plus grand bien. J’avale un bol de soupe et un peu de pâtes, la nuit va être longue… On fait quelques photos, Thierry me prête son téléphone pour que je puisse appeler Guillaume, le mien ayant décidé de refuser l’international et déjà il faut repartir. Nathalie insiste pour me donner son coupe vent que je finis par accepter. Heureusement que je l’ai fait, il m’a sauvé la vie quelques heures plus tard !
Je les quitte à regret mais quand faut y aller, faut y aller. Direction Trient non sans une petite erreur de parcours qui nous fera rester sur la route un peu plus longtemps que prévu. Nous sommes une dizaine à avoir fait l’erreur et des bénévoles nous rassurent, nous n’avons pas gagné de temps et nous n’en avons pas réellement perdu non plus. Ravito à Trient et c’est reparti pour la montée vers Catogne. Là tout va se jouer puisque notre groupe va éclater. Bruno est en forme et il a récupéré ses bâtons. Yves, grâce au prêt de Thierry qui avait laissé les siens dans le coffre de sa voiture, a pu lui rendre son bien. L’écart se creuse entre nous irrémédiablement… Yves n’arrive pas à nous suivre et moi je perds Bruno. Je ne m’inquiète pas non plus outre mesure, je suis une grande fille après tout.
La descente vers Vallorcine va être une sacrée partie de rigolade… Je tombe 2 fois, casse un de mes bâtons, là franchement je trouve cette course décidément beaucoup moins sympathique. Je suis toute sale en plus et je n’aime pas ça être toute sale. Je ne vous parle même pas de mes pieds qui font « flop flop » à chaque pas. C’est épuisée que j’arrive enfin à Vallorcine où je retrouve Bruno qui m’attend. Mais qu’est ce qu’il fait là lui ? Veux-tu filer oui ? Il est tout gêné de m’avoir perdu mais je le pousse à partir. Il doit faire sa course, il n’est pas là pour s’occuper de moi. Je n’ai besoin de personne en Harley Davidson de toute façon !
Par contre j’ai un sérieux problème : ma lampe frontale me lâche. Mes piles pourtant neuves sont de plus en plus faibles et pour courir dans des conditions de sécurité maximum ce n’est pas le rêve. Je demande à quelques coureurs autour de moi, personne n’a un jeu de piles pour moi. En sortant de la tente résignée à finir ma course comme je peux, je redemande à un homme et une femme sur le départ. Je m’excuse auprès d’eux de n’avoir pas retenu leurs prénoms. Nous ne nous sommes pas présentés clairement et je n’ai pas osé leur demander ensuite. Ils sont prêts à m’aider mais ils n’ont pas les bonnes piles. Mais nous partons tous les 3, moi au milieu des 2 pour voir un peu mieux ma route. Direction la Tête aux vents… Là encore, je vais agoniser mais je ne suis pas la seule ! L’homme m’a très gentiment prêté sa deuxième frontale et je m’accroche comme je peux à la femme qui m’a l’air plus en forme que moi. J’attends le lever du jour avec impatience. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est, je veux juste en finir vite. Tout le monde souffre autour de moi, j’entends des coureurs qui soufflent, d’autres qui s’arrêtent épuisés sur un caillou. Mon dieu, mais qu’est ce que nous foutons là…
Enfin le soleil commence à percer et c’est de jour que nous allons rejoindre la Flégère. Là je reviens à des terrains connus puisque c’est sur le parcours du marathon du Mont Blanc. J’ai le courage de sortir l’appareil pour prendre quelques photos, j’avale un thé chaud, je rends la frontale à mon compagnon de route et je repars. Pourquoi si vite me direz-vous ? Parce que j’ai faim tiens !!! Je n’ai qu’une idée en tête à ce moment là : être à l’heure pour le petit déjeuner de l’hôtel. Oui je sais c’est pathétique comme raison mais je peux vous jurer que j’ai donné tout ce que je pouvais juste pour un croissant !
La descente se fait comme je peux. Je suis fatiguée, moyennement lucide mais je fais ce que je peux. Je double des coureurs blessés qui terminent comme ils peuvent et franchement je leur tire mon chapeau d’avoir eu la force d’aller au bout. Enfin J’aperçois l’entrée de Chamonix, les premières maisons. Ça sent l’écurie cette histoire !!! Et j’aperçois aussi un groupe de 4 coureurs aux mêmes couleurs, qui trottinent devant moi. Je suis certes quelque peu épuisée mais très vite je reconnais la foulée de l’un d’entre eux. Facile me direz-vous je l’ai eu devant moi pendant 100 km dans le désert algérien… Vous le croirez ou pas mais là vient de surgir devant moi Thomas. Je savais qu’il était sur la Petite trotte à Léon et Isabelle m’avait juste dit alors que je lui demandais si elle avait des nouvelles qu’il devait arriver dans la nuit de samedi à dimanche. Je l’appelle en lui disant « il faut toujours que tu sois là quand je finis une course toi ». Et il se retourne, tout aussi surpris que moi ! Hasard ou coïncidence, appelez ça comme vous voudrez mais la vie est ainsi faite. Nous allons donc finir ensemble sachant que je décide à quelques centaines de mètres de l’arrivée de me mettre en retrait derrière eux. Ils ont vécu une sacrée épopée tous les 4 et leurs familles les attendent. Je vais les laisser vivre ça à fond. Et puis moi les douches à la bière, je trouve ça moyen… Pas belge la fille et plus champagne qu’autre chose !!! Oui je sais je suis super snob mais j’assume.
Mais je ne suis pas seule pour mon arrivée puisque Nathalie et Thierry sont là évidemment. Ils m’ont attendu avant de repartir sur Paris. Et Pascal est là aussi, sans oublier Isabelle et Sylvain mon ange gardien du Col Ferret. Je n’arrive pas à croire que cela fait 23h que je suis partie. Je n’ai pas de quoi pavoiser parce que j’avais mis le même temps pour faire 110 km fin juillet mais bon que voulez vous, c’est comme ça.
Oh la jolie tête bien explosée que voilà !
Je récupère ma fameuse polaire que j’accepte avec grand plaisir, un dernier bisou à tout le monde et je file sous la douche histoire de ne pas faire peur aux clients du restaurant.
Voilà l’aventure est finie, déjà finie même pourrais je dire…
La conclusion de tout cela : bon déjà avant tout, la montagne ce n’est pas pour moi… Je m’en doutais mais là je crois qu’il faut se rendre à l’évidence, je ne suis pas dans mon élément naturel. Je ne suis pas finisheuse de l’UTMB, je suis finisheuse d’une course organisée à l’arrache par une équipe de bénévoles formidable qui a su rebondir en quelques heures et nous permettre de courir dans les meilleures conditions possibles. Si j’ai accepté cette célèbre polaire, je ne compte pas la porter fièrement sur les courses dont je prendrai le départ. Ce serait manquer totalement de respect pour tous les coureurs qui sont allés au bout de cette aventure exceptionnelle.
Pour moi elle est juste le symbole de ce moment inoubliable qui m’a permis de rencontrer des personnes merveilleuses comme Nathalie, Thierry et Pascal sans oublier Bruno et Yves. Mais je porterai tout aussi fièrement le coupe vent de Nathalie qu’elle m’a finalement offert en souvenir.
En fait ce que j’avais à faire, je suis allée au bout de l’aventure et je ne regrette pas une seule seconde.