J’ai couru : Le marathon de New York 2007

Alors voilà je vais essayer de vous faire un compte rendu de mon marathon de NY 2007 qui fut le premier pour moi d’une longue lignée puisque j’ai eu la chance d’y retourner. Mais tout d’abord il me faut vous raconter une petite histoire.

Il était une fois une blonde qui rentrait du raid Vittel Amazone où elle venait de découvrir, assez abasourdie il faut bien le reconnaître, que l’épreuve qui l’avait la plus marquée était celle de la course d’orientation (16 km dans la montagne de l’Ile Maurice, enfin montagne c’est pas le Mont Blanc non plus…). Pourtant elle en est sure, elle n’aime pas courir, elle a d’ailleurs arrêté en 4° traumatisée à vie par un bas de jogging jaune fluo synthétique qui la faisait ressembler à Desireless, question capillarité bien sur pas vocal. Au bout de quelques verres d’alcool gracieusement offerts par Air France, elle se jure une chose : « eh ben puisque c’est ça je vais courir le marathon de NY ! ». Bon là après elle s’endort enfin ronde comme une queue de pelle mais ça cela reste entre nous bien sur…

De retour en France, ni une ni deux elle annonce à son homme : « Chéri je vais courir le marathon de NY ! ». Celui-ci, pas vraiment surpris par une nouvelle lubie de sa blonde préférée, réplique : « Mais oui chérie ! En attendant t’aurais pas vu ma chemise blanche par hasard, tu sais la seule qui va avec ma cravate bleue ? ». La blonde ne se démonte pas, elle continue à courir après les sapeurs pompiers moulés dans leur petit short synthétique au jardin des plantes, elle va même courir un semi dans sa campagne en 2h20 ce qui la fait terminer bonne dernière.

Du coup chéri se dit : bon là faut faire quelque chose, elle a l’air sérieuse… Allez et si on faisait un petit 4° ? 2 ans plus tard et un beau petit Paul Aimé, la blonde rechausse ses runnings et décide de commencer par le marathon de La Rochelle. Il n’est pas question pour elle de traverser l’atlantique sans être sure de le finir. Consciente que toute seule cela ne va pas être facile elle va voir le club d’athlé à côté de chez elle où elle annonce très fièrement : je veux courir un marathon en novembre ! Mais Madame, on est fin septembre là vous êtes sure ? Mais oui mon gars j’en suis sure et puis 4 accouchements sans péridurale hen alors ton marathon même pas peur !

Certes elle va le finir en 4h25 dans la douleur avec un commentaire hautement perspicace de son cher et tendre : « c’est con que le marathon il fait pas 35 km… » mais elle va le finir ! Mais surtout elle va aimer ça. Du coup elle enchaîne : Paris, Avermes, Médoc et enfin NY grâce à un concours organisé par Intersport et Nike. Et là miracle un matin de novembre elle se retrouve dans un bus à côté de Raphaël et les autres gagnants du concours (nous étions 5 au total j’étais la seule fille) prête à vivre son rêve.

Après presque une heure de route, c’est l’arrivée au Fort Wadsworth qui voit se déverser sur ses pelouses des milliers de coureurs en sac poubelle, combinaison de peintre ou autres tenues des plus originales, le but étant de ne pas prendre froid pendant la longue attente. Au loin, on aperçoit le Verrazano et on se prend à rêver.

En attendant, le truc le plus impressionnant il faut bien le reconnaître ce sont les toilettes à perte de vue… Certes 250 $ c’est cher mais on peut faire pipi 5 min avant de partir dans les sas et ça je suis désolée messieurs mais pour nous les femmes ça n’a pas de prix ! En attendant, je grignote avec bonheur un gatosport taille muffin (pour faire américain quand même) tout en regardant assez perplexe il faut bien le reconnaître Olivier raclant au doigt son tupperware de sportdej… tu me diras les américains avalant à 30 min du départ des bagels, petits pains locaux qu’il faut éviter de jeter aux canards de peur de les tuer sur le coup, ça aussi ça laisse perplexe !

katie_runningL’autre star du jour c’était elle… 

Et puis l’heure est enfin arrivée. Je quitte ses « hommes » d’un jour et pars seule rejoindre pleins de gentilles filles qui comme elles veulent montrer qu’elles aussi elles le valent bien. Petite précision qui a son importance : en 2007, l’organisation du marathon change de mains et passe entre celles expertes d’un groupe de femmes qui pour marque le coup ont cette année là permis à celles qui le souhaitaient partir ensemble sur le pont avec des meneurs d’allure. Les éditions suivantes, je chercherai en vain le sas rose, resté une expérience unique ! Par une erreur d’attribution sûrement je me retrouve dans un sas plutôt destiné aux filles visant 3h40 mais bon vu son anglais plutôt limité je ne bouge pas. Tout d’un coup, ça y est la marée humaine avance vers le pont, file de gauche, laissant aux hommes la file de droite. Au loin, on aperçoit les élites qui s’échauffent comme des abeilles prises au piège dans une bouteille pleine de confiture, ils vont d’un bord à l’autre se cognant aux barrières pour repartir dans l’autre sens.

Puis c’est l’hymne national. Bon allez là je suis honnête : aucune émotion pour cette édition là ! (peut-être chanter par Nathalie Dessay, cela m’aurait fait quelque chose…). Nous respectons une minute de silence pour quelqu’un mais le son est tellement mauvais que nous ne comprenons pas pour la plupart. C’est le soir que j’apprendrai la nouvelle du décès du jeune coureur américain la veille lors des qualificatifs des jeux olympiques de Pékin. Puis Sinatra attaque « New York New York » et là la blonde laisse la place à Cécile la coureuse, celle qui depuis 2 mois s’entraîne 4 fois par semaine pour que son objectif soit atteint aujourd’hui : passer la barre des 4 heures !

Je pars dans la 2° vague, soit assez rapidement. Je sais que je vais partir doucement, gênée par des petits groupes de femmes plus à leur place dans les plus de 4h30 que là. Alors je fais ma française et je monte sur le petit muret, je suis la seule d’ailleurs mais je remonte plus rapidement et passe le pont sans trop de retard sur mon temps. J’ai pris un bracelet la veille lors de mon retrait de dossard pour avoir les temps référence pour 3h50 par rapport aux miles parce que j’ai un peu peur d’être perdue. Là en bas du pont je tombe sur le ballon des 3h40 que je me mets à suivre machinalement. Il sera mon meilleur ami jusqu’au semi parce qu’en fait il respectera le temps des 3h50 jusqu’à ce qu’il réalise qu’il était un peu en retard. Il passera donc la seconde me laissant sur place.

Marathon 2014

En attendant je le suis tranquillement en regardant autour de moi, profitant de l’ambiance survoltée propre à New York. Certains reprochent le côté peu touristique du parcours mais moi je l’aime. J’aime ces américains avec leur exubérance qui leur est propre. Certes question entretien des routes ils sont nuls et le parcours tient du cross parfois, certes à l’époque ils votent Bush mais ils passent aussi plus de 5h à tendre des mouchoirs à des coureurs qui en ont bien besoin parce que les gobelets au ravitaillement, c’est peut être plus propre pour la planète mais pas pour les tee-shirts… Bref, j’aime cette ambiance. Ce qui est bizarre en fait, c’est que je suis seule au milieu de 38000 coureurs et 2 millions de new-yorkais. Je ne parle pas suffisamment bien anglais pour que radio Cécile fonctionne à plein régime alors je pense.

Tout en traversant le quartier juif où seul un grand père nous encourage à plein poumons alors que des dizaines d’enfants enveloppés dans leur manteau doudoune marron (ils ont un prix de gros ou quoi ?) nous regardent en souriant, je me rappelle la première fois que je suis venue ici, dans cette ville qui ne dort jamais. C’est là que je me suis promise mon bébé de 4 mois dans son sac kangourou, à la cathédrale Saint Patrick, dans la chapelle à la Vierge, que nous allions nous en sortir. C’est là que je suis revenue en voyage de noce avec mon chéri le soleil de mes nuits, là que j’ai perdu notre bébé, attendu anxieuse les résultats de ma première biopsie…

Bref cette ville a un sens pour moi. J’avale les miles sans vraiment m’en rendre compte, le fameux pont dont nous a parlé Philippe Remond, le coach de l’équipe, la veille lors du brief passe sans trop de souci. Le silence qui y règne est presque étouffant, la sortie au milieu des cris tout aussi impressionnante. C’est là que je rencontre ma nouvelle meilleure amie. Je suis une française facilement identifiable avec ses petits drapeaux français qui trottine sans grande difficulté devant moi depuis ce pont, je ne vais pas la quitter jusqu’à la ligne d’arrivée sans qu’elle s’en aperçoive. Les miles continuent, le silence s’est installé parmi les coureurs, seulement brisé par les cris des bénévoles aux ravitaillements : « Gatorade, Gatorade, water, water !!! » sont les seuls mots que je vais entendre sur des kilomètres.

Accrochée à mon bracelet comme un marin à son gilet de sauvetage, je résiste, je rame, mais je dois bien admettre que pour l’instant tout va plutôt bien. Certes les jambes se font plus lourdes, certes je préfèrerais être devant la vitrine de Tiffany à mettre des petits post it pour aider chéri pour Noël, mais je sens que mes 4 entraînements par semaine sont en train de payer.

Petite escapade par le Bronx où ce sont des tambours coréens qui nous donnent le rythme et oups Manhattan est là. Philippe nous a bien prévenu, ne pas crier victoire en apercevant Central Park, la route est encore longue. Mais pas de souci, j’ai mon phare, ma petite française qui trottine toujours devant moi. Alors je remonte le parc encouragée comme une championne par tous ces anonymes qui nous acclament. Je commence enfin à maîtriser le ravitaillement au gobelet c’est dommage c’est bientôt fini (moi la prochaine fois je prends une paille !!!) et voilà enfin l’entrée dans le parc.

ny 3
La foule se fait encore plus présente comme si cela pouvait être possible et quand je vois le panneau nous indiquant le dernier miles : je craque et je me mets à sangloter. Je sais que même si je me mettais à marcher là maintenant je serais sous les 4 h. Je sais que je me suis jurée sur la ligne de départ que si je passais cette barrière symbolique aujourd’hui je serais la plus forte. J’ai beau être terrorisée par cette nouvelle biopsie que je passe mardi prochain, quelque soit le résultat, je serai la plus forte. Eh j’ai quand même couru le marathon de NY en moins de 4 h hen alors ce n’est pas un petit cancéro qui va me faire peur !

J’accélère et c’est avec mon sprint devenu fameux parmi les copains qui ont couru avec moi que je passe la ligne en 3h48 et 1 sec.

Je me dirige immédiatement vers celle qui a été mon phare pendant un tiers de la course pour la remercier. Elle se retourne et je découvre un sourire superbe, surprise de ne pas s’être rendue compte que je la suivais depuis si longtemps. L’émotion est telle que je m’écroule dans ses bras, lui raconte ma vie, mes inquiétudes en quelques mots, elle pleure avec moi et c’est dans les bras l’une de l’autre que nous nous dirigeons vers les couvertures de survie si célèbres. C’est la première fois que je pleure sur une course. Je ne sais pas si c’est propre à NY, si c’est un cumul de fatigue, stress ou autre mais dieu que c’est bon ! Je vais rentrer à l’hôtel tranquillement tombant sur Philippe, un membre de la communauté « courir le monde » par le plus grand des hasards et qui a eu la merveilleuse idée de loger dans le même hôtel que moi.

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Voilà c’est fini : le jour que j’attendais tant est arrivé, le rêve s’est réalisé. Je vais partir vers d’autres projets, d’autres courses, d’autres paris. Je sais que ce compte rendu n’est peut être pas toujours drôle mais c’était ma course et j’ai voulu vous la transmettre telle que je l’ai ressentie. J’ai presque peur en fait après ce marathon de ne pas pouvoir ressentir ça une autre fois, un peu comme le dépendant à une drogue quelque conque qui continue dans l’espoir de revivre le premier shoot… J’ai peur de la dépression post-marathon comme on l’appelle. J’ai peur alors que je sais que dans 3 semaines je remets ça à Las Vegas ! Quoi ? 3 semaines !!! Là j’ai vraiment peur…