Run : « UN mois avec » Evadict, rencontre avec Adeline Roche

Elle réussit le pari d’être à la fois excellente sur la route et sur les chemins. Quelques minutes de discussion suffisent à vous convaincre que derrière cette femme se cache une personnalité bien affirmée qui sait exactement où elle veut aller. Je vous laisse faire plus ample connaissance avec Adeline Roche !

Mon CV express

Mes 5 principaux résultats en Trail :
• Championne de France de course en montagne, 2017
• 1ère à l’Ergysport Trail du Ventoux en 2017 et première sélection en équipe de France de trail
• Championne du monde de trail individuelle et par équipe, 2017
• Vice-championne du monde par équipe de trail, 2018
• Championne du monde de trail par équipe, 2019

Route ou chemins…

Pourquoi doit-on forcément choisir ?

Dans la « vraie vie », j’ai 37 ans et je suis aujourd’hui « référente de parcours ». Derrière ce titre se cache en réalité un travail d’accompagnement pour les personnes qui touchent le RSA dans mon département et nous sommes là pour les aider à retrouver un travail. Cela ne veut pas dire que je remplace les personnes de Pole Emploi évidemment, c’est plus un travail d’aide au retour dans la société avec le logement, la santé et même le sport puisque j’ai réussi à concilier mes deux activités principales en proposant des séances de coaching sportif. Comme je l’espérais, cela peut se révéler très bénéfique dans la reprise de confiance en soi. Comme tous les métiers basés sur l’humain, c’est à la fois passionnant mais aussi parfois un peu lourd à gérer psychologiquement parlant quand on se retrouve face à des personnes qui ont vécu des choses tellement lourdes… Et c’est là qu’il faut bon aller courir pour soi aussi. Rien ne me prédestinait vraiment à exercer ce métier, c’est un long cheminement et des rencontres qui m’ont amenée là où je suis aujourd’hui.

Ce qui est amusant c’est de voir l’importance que le sport a pris dans ma vie alors qu’il ne faisait pas du tout parti de mon enfance. Pour mon père, l’activité la plus physique qu’il faisait se résumait au boulodrome (même si nous sommes bien d’accord la pétanque ça peut être un vrai sport, faudrait pas me fâcher avec tout le monde !) et ma mère n’était pas plus sportive. Mais assez paradoxalement, ce sont eux qui m’ont mise au sport puisque j’ai commencé la gym à 3 ans et demi. J’ai fait très vite de la compétition et ça n’aurait pas été possible sans leur engagement et leur investissement. Passer ses week-ends sur la route pour emmener leur enfant et l’attendre des heures dans un gymnase, ce n’est pas forcément le plus passionnant. Comme souvent, j’ai commencé la course à pied avec les cross et c’est là surtout que j’ai découvert la notion de sport individuel et surtout que j’ai adoré ça ! Tu t’entraines pour toi, tes résultats ce sont les tiens, les échecs aussi d’ailleurs, tout cela correspondait plus à mon caractère. Je me suis inscrite au Club Athlétique Roannais où je suis toujours d’ailleurs. Je suis vraiment issue de ce qu’on appelle l’Ecole de l’Athlé.

Très vite mon physique m’a orienté vers le demi-fond et je suis montée très rapidement sur marathon. Assez étonnamment c’est parce que je me blessais trop souvent sur cross (des périostites à répétition) que mon entraineur m’a conseillée de monter en distance sur un autre type de terrain. A 25 ans je courais mon premier 42km195, nous étions en 2009. A l’époque c’était vraiment beaucoup plus rare qu’aujourd’hui de voir une jeune femme sur cette distance. En 2014 je décide de m’entrainer seule, j’ai le sentiment que j’ai suffisamment appris et une bonne connaissance de ma façon de fonctionner. Je reste quelqu’un de « normal », qui un jour a vu les images de la Diagonale de Fous à la télé et qui s’est dit « un jour j’irai là-bas moi aussi ». Mais j’avais aussi en tête, je l’avoue, de retrouver le maillot de l’équipe de France. En athlétisme j’avais eu la chance de le porter mais en junior. Arrivée à l’âge adulte j’avais vite compris que ce serait beaucoup plus compliqué pour moi d’avoir cet honneur. En trail, il y avait une carte à jouer alors j’ai abattu mon jeu en allant sur cette discipline.

2015, je m’aligne sur les Championnats de France pour me confronter aux meilleures françaises et je finis deuxième sur le format court. 2016, je m’aligne sur le format long. Rien ne se passe vraiment comme prévu, je finis 4ème mais par suite d’une erreur de parcours de certaines concurrentes, je remonte à la 3ème place. Et c’est à cette occasion que Philippe Propage rentre dans ma vie ! Forcément on se connaissait un peu puisqu’il est dans l’univers de l’athlétisme de haut niveau depuis toujours ou presque. C’est là qu’il m’a pris sous son aile. C’est vrai que tout ce que je dis là peut paraître assez paradoxal, je l’avoue volontiers ! J’ai choisi l’athlé pour son caractère individuel alors que je n’avais qu’une motivation, intégrer une équipe de France et donc vivre le collectif à fond… Je ne voulais pas d’entraîneur et j’ai fait confiance à Philippe pour m’aider à atteindre mes objectifs.

Parmi mes pires souvenirs le marathon de Beyrouth dans le cadre des Jeux de la Francophonie se retrouve sur la première marche du podium aisément. Courir un marathon avec le GIGN qui a la charge de ta protection, déjà ça jette un froid… Le parcours est tout sauf prêt, nous sommes deux au départ, je suis face à une Érythréenne qui a un RP nettement meilleur que le mien, autant dire que je vais courir seule pendant les 42km et 195m avec l’ambulance aux fesses comme je suis la dernière. Je finis en 3h02, mon pire temps et j’ai passé toute ma course à refaire ma vie en me demandant ce que je foutais là. Je finis donc dernière mais deuxième… et forcément avec un contrôle anti-dopage à la clé. Mais va remplir un pot de confiture de ton urine alors qu’il a fait 28° et que les ravitaillements aléatoires t’ont totalement desséchée ? Mon meilleur souvenir c’est finalement l’année où j’ai battu mon record sur marathon. Ce jour-là j’ai eu le sentiment que les planètes s’alignaient, j’ai vécu la course parfaite de bout en bout. C’est une sensation absolument incroyable où tu te sens tout simplement invisible. Mais que les choses soient claires, ces moments sont rarissimes, même pour moi ! C’est pour ça qu’il faut les savourer. Seul point négatif, ma famille n’était pas là pour fêter ça. Après évidemment le trail du Ventoux où je suis venue chercher ma sélection pour les France en 2017 que je gagne, ça ne peut être qu’un bon souvenir aussi.

Je n’ai pas oublié mon rêve de Diagonale des Fous pour autant ! Je compte bien y être avec une amie pour nos 40 ans. J’estime que j’aurais accompli tout ce que je rêvais de faire question compétition, il sera alors temps de réaliser des rêves plus personnels. J’avoue que je ne suis pas fan absolue de l’ultra, ce qui m’attire ce sont les paysages uniques. J’ai fait un 90km aux Championnats du Monde mais franchement ce n’est pas du tout ce qui m’attire. J’aime courir, et de préférence tout le temps. C’est quasi impossible sur ce type de course, je le sais, alors si j’y vais, c’est pour l’aventure humaine uniquement, pas pour la compétition. En attendant je suis très heureuse d’avoir intégré une équipe comme celle d’Evadict même si je sais que beaucoup ont été surpris. Je ne m’en suis jamais cachée, j’ai toujours refusé de le faire avant. Je refusais de ne plus pouvoir porter les couleurs de mon club, l’Athlétique Roannais qui a fait de moi celle que je suis. Mais là le projet était vraiment trop beau et trop inspirant pour que je passe à côté. C’est un honneur mais surtout un vrai plaisir de faire partie de cette équipe de femmes vraiment inspirantes avec des profils différents mais parfaitement complémentaires et c’est loin d’être toujours le cas, croyez-moi !