Les pieds on parle souvent prévention mais plus rarement traitement, j’ai donc demandé à une professionnelle Isabelle Paucot que beaucoup d’ultra traileurs connaissent de nous aider. Question hygiène, c’est un sujet qui est souvent rarement abordé et qui est pourtant crucial ! Je ne sais pas si c’est le fait d’être une fille mais s’il y a bien une chose qui n’est absolument pas envisageable une seule seconde pour moi, c’est de ne pas me laver pendant une semaine… Contrairement à ce qu’on raconte, ici ou là, il est tout à fait possible de faire un brin de toilette journalière même en étant rationné d’eau. Je vais tout vous expliquer !
Du côté de vos pieds !
Isabelle Paucot est infirmière mais surtout elle est devenue avec le temps une professionnelle de la prise en charge de nos pieds tous pourris sur ultra sablonneux. Elle accompagne de nombreuses organisations dans tous les déserts du monde ou presque. Avec le temps, elle est devenue notre Isange, celle qui nous cajole au ravito avant de nous pousser dehors parce que bon, c’est bien gentil mais on n’est pas d’ici ! Voici donc deux documents qu’elle a rédigé pour vous aider avant et surtout pendant.
Et la prévention ne suffit pas, voici comment soigner vos ampoules proprement !
Du côté de l’hygiène
La base pour la toilette de chat quotidienne :
- Les fameux gants pré-imprégnés pour se laver sans eau que l’on trouve dans les magasins type Vieux Campeur. Pour moi, ils ne sont pas la solution pour une semaine de course. Cela dépanne pour une ou deux journées mais ça ne remplace pas l’eau et un savon pour se sentir vraiment propre. Et puis ça pèse son poids quand même ces trucs là… Je ne vous sors pas l’argument écolo, courir ce type de course n’est pas écolo par définition donc on va éviter.
- De l’eau et du savon ! En prenant un petit savon type hôtel avec un gant type crin synthétique (le plus léger possible), vous avez de quoi vous sentir propre toute la semaine. Le savon a un double intérêt, c’est qu’il vous servira pour plein de choses comme laver votre gamelle ou donner un coup de propre à votre t-shirt de course qui en aura bien besoin lui aussi. Pour le gant je prends toujours quelque chose dans ce goût là que je trouve facilement dans mon supermarché. C’est plutôt léger et le côté synthétique permet surtout d’utiliser très peu d’eau pour le rincer.
Pour une douche improvisée, vous avez le choix entre :
- Utilisez votre gourde mais le débit peut-être un peu trop rapide, faites attention à ne pas trop gâcher d’eau.
- Fabriquez votre propre douche en trouant le bouchon de la bouteille d’une dizaine de petits trous avec la pointe de votre couteau. Vous conservez le dit-bouchon pour les jours suivants évidemment. Ce conseil n’est valable que sur les courses qui vous ravitaillent en eau avec des bouteilles d’1,5 litres. Sur certaines courses, on trouve maintenant des gros bidons « collectifs » mis à disposition des coureurs devant les tentes pour limiter l’usage du plastique. Là encore pensez à vous renseigner avant de partir pour éviter les déconvenues.
Pour la gestion de l’eau, il faut apprendre à être prévoyant. Sur une course type Marathon des Sables, je regarde toujours le roadbook pour vérifier à quelle distance du camp se situe le dernier ravitaillement. Généralement il n’est finalement pas très loin (enfin tout est relatif, il est toujours trop loin quand on est fatigué !) mais je veille à toujours y faire le plein d’eau. Je m’explique ! Il arrive parfois que le camp soit à 5 ou 6km, le reflex normal c’est souvent de se dire « bon il me reste une heure, je prends juste une gourde, mon sac est déjà assez lourd comme ça » et c’est humain ! Mais moi je fais l’inverse, je fais le plein avec toute la quantité d’eau qu’on est autorisé à prendre. Il me reste alors toujours une gourde à l’arrivé au camp, eau que je vais utiliser pour me laver (enfin laver… vous me comprenez !). Sur les courses type Racing the Planet, c’est tout de suite plus simple puisque le fait qu’on nous fournisse l’eau chaude pour les repas engendre qu’on peut sans aucun problème avoir à disposition une gourde d’eau pour se rincer.
J’ai toujours sur moi également des petites lingettes compressées comme celles-là qui se réhydratent avec un bouchon d’eau. Cela m’a changé la vie ! Je peux me débarbouiller le visage, me donner un coup de propre le matin avant de partir, nettoyer mes pieds… Elles servent à tout, même pour remplacer le papier toilette ! Vous vous demanderez comment vous avez pu vivre sans avant. Et pour vous faire un bain de pied avec une dosette de bétadine pour éviter les infections voilà comment on fait !
Ce truc n’est pas valable sur une course comme le Half Marathon des Sables puisque si j’en crois les photos de l’organisation, ils distribuent des gros bidons. C’est pour ça que je le redis, pensez bien à vous renseigner sur ce genre de détails qui n’en sont pas une fois arrivé dans le désert.

Du côté des filles
Reste le sujet le plus important pour les femmes, l’hygiène intime… Surtout lorsqu’on doit gérer nos règles en plein désert. Bon à savoir : la pratique de l’ultra perturbe énormément le cycle hormonal. Vous pouvez donc être victime de saignements qui ne sont pas des règles au sens strict du terme mais qui viendront bien vous pourrir la vie quand même. Rassurez-vous, les médecins (même les Américains !) sont au courant et ont toujours dans leur grande malle magique tout ce qu’il faut. Attention quand même à un point : il faudra tenir compte de la culture du pays ! En Asie, les tampons n’existent tout simplement pas. Si vous utilisez le modèle avec applicateur, là aussi cela pourra s’avérer compliqué d’en trouver. Mais qui dit sans applicateur, dit hygiène irréprochable… Quand vous n’avez pas de douche ou même de robinet d’eau, c’est tout de suite plus compliqué. Certaines organisations comme Racing The Planet obligent à avoir sur soi en permanence un flacon de gel hydroalcoolique. Et n’allez pas croire que c’est à prendre à la légère, le mien en Atacama était jugé trop petit au contrôle technique, j’ai dû foncer à la pharmacie locale pour pouvoir prendre le départ. J’ai béni l’organisation du Grand To Grand qui installe tous les soirs des toilettes chimiques avec point d’eau pour se laver les mains. Reste que lorsque vous utilisez une cup ou des culottes menstruelles… Ben là franchement je ne vois pas comment s’est possible. Beaucoup de mes collègues sous pilule trichent avec leur cycle en enchaînant les plaquettes, certaines chanceuses ont un stérilet qui leur permet de ne pas avoir de règles du tout mais j’ai vu des femmes avoir des saignements quand même… Qu’on ne vienne pas me parler d’égalité homme femme !
Personnellement j’ai toujours trouvé qu’il y avait une réelle injustice avec les hommes sur le sujet. Vous avez déjà pesé 7 jours de tampons ? Moi oui ! J’ai alors décidé de voir avec l’organisateur si on pouvait trouver une solution. A sa grande surprise, j’ai souvent été la première à demander et évidemment ils ont tous toujours accepté ! Depuis je confie mon stock soit à une bénévole, soit une infirmière et je prends tous les jours ce dont j’ai besoin. N’ayez pas honte d’aborder le sujet avec le staff médical, ni même avec l’organisation. Pour une course de la taille du Marathon des Sables, vu le nombre d’inscrits ça peut être compliqué évidemment mais si la course est plus petite, n’hésitez surtout pas à le faire. Comme je le dis plus haut, ça ne m’a jamais été refusé, c’est vraiment une question d’égalité.
Pour en rester sur le sujet de l’hygiène, j’ai dans ma trousse hygiène des lingettes intimes comme on dit. Cela permet de maintenir un semblant de propreté. Attention, les infections urinaires sont une des premières causes d’abandon pour les femmes, on ne rigole pas avec ça ! Donc on boit régulièrement évidemment, on maintient une hygiène irréprochable et au premier signe, douleur ou pire trace de sang dans les urines, on fonce voir les médecins pour entamer un traitement prophylactique. Une petite infection qui va s’installer sur vos reins déjà fatigués par une déshydratation résiduelle permanente et c’est la pyélonéphrite avec un abandon assuré. On n’oublie pas non plus de s’obliger à « faire pipi » régulièrement. Au demeurant ce conseil est aussi valable pour les hommes ! Les hautes chaleurs et la transpiration perturbent forcément et on peut passer des heures sans même ressentir la moindre envie. Il faut pourtant s’imposer de prendre quelques minutes pour ça.
Qui dit hygiène dit forcément vêtement aussi. J’ai toujours une tenue de rechange pour pouvoir repartir en propre après l’étape longue. Je sais que certains se passent carrément de change mais bon, une semaine ça fait long je trouve. Ce que je m’apprête à écrire va me falloir les foudres de l’ensemble de la communauté écolo mais bon, c’est ma réalité et je préfère ne rien cacher ! Généralement, je me débarrasse de ma première tenue qui ne rentrera pas avec moi après la course. Je choisis donc souvent quelque chose qui est en fin de vie ou qui n’a pas de valeur sentimentale ou que je n’ai pas payé 😊. Au minimum, je change le haut et la brassière. Je pars toujours avec deux paires de chaussettes propres dans le sac pour là encore me débarrasser de la paire que je porte à mi-parcours et avoir toujours une paire de rechange propre en cas de souci d’infection au niveau des pieds. Et puis oui j’assume, je pars avec un slip propre par jour ! J’ai trouvé une collection dans un célèbre magasin suédois donc je ne citerai pas le nom qui en fait des super légers sans couture et surtout pas trop chers. L’idée ne vient pas de moi, c’est Anna Gatta en Atacama qui me l’a soufflée, avant je partais avec mes culottes en coton super lourdes. Ils sont conditionnés eux aussi dans un sac de congélation pour un minimum de poids. C’est un confort totalement non négociable pour moi mais je sais que certaines s’en passent ou se servent de slip jetable. Cette information est avant tout là pour vous rassurer, parce qu’on lit parfois des choses sur les réseaux sociaux qui m’affolent et qui affolent souvent les femmes, suffisamment pour qu’elles n’osent finalement pas se lancer et qui renoncent au rêve de leur vie. Et qu’on ne vienne pas me dire que du coup j’avais forcément un sac dit « à la japonaise » (quand vous ferez votre première course internationale, vous comprendrez immédiatement cette référence, certains embarquent même des boites de conserve !), puisque je suis en moyenne à un poids de 6.700 grammes sans l’eau bien entendu et avec ma brosse à cheveux !
Crédit photo ouverture : Racing The Planet
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