Run : le running et la politique ou/et le problème Ouïghours

Depuis quelques jours, les réseaux sociaux s’enflamment… Oh je vous rassure tout de suite, ça ne dure jamais très longtemps l’indignation sur Twitter… Mais du coup je me suis dit que je pourrais évoquer le sujet, surtout quand l’appel au boycott de nombreuses marques chères au cœur des runners est évoqué.

Je n’ai absolument pas l’intention de vous faire un cours de géo-politique, d’autres le font nettement mieux que moi ! Mais je peux vous expliquer quelques points qui vous donneront envie d’en savoir plus, ou pas d’ailleurs, je n’oblige personne. Je n’ai pas attendu 2020 pour m’intéresser à cette partie de la Chine puisque si vous relisez mon récit sur ma course en Gobi, j’évoque largement ma surprise d’avoir découvert que cette partie du pays était musulmane et ça depuis que l’Islam existe ou presque. Oui, j’assume aussi très bien quand je ne connais pas du tout un truc. Route de la soie, commerçants venant de la Turquie qui s’installent et jusqu’en 1949, on peut dire que la cohabitation se passe plutôt bien. De grands personnages musulmans originaires de cette région occupent même des postes importants au sein de l’Empire.

Mais voilà le communisme chinois et la religion, je ne vous apprends rien (enfin je l’espère !), ce n’est pas vraiment ça… Pour là aussi simplifier, les hauts dignitaires du parti estiment que le christianisme et l’islam sont des « importations » et qu’il faut donc tout faire pour qu’elles disparaissent de leur pays. Pour la région dont nous parlons, ils commencent alors une politique de colonisation « à la chinoise ». On déplace de nombreux chinois qui s’installent et finissent par devenir avec les années majoritaires. Mais on continue à pouvoir pratiquer sa religion et ses coutumes sans trop de souci, c’est pour cela que j’ai eu la chance de pouvoir visiter le souk et de voir feu la mosquée d’Ürümqi, la capitale de la région. L’idée était clairement à la base de cette politique de « noyer » les ouïghours dans la masse. Seulement ça ne va pas se passer aussi facilement… Il suffisait de passer deux minutes dans la rue de la capitale pour très vite comprendre que l’intégration ne s’était pas vraiment faite.

Des velléités d’indépendance commencent alors à se faire entendre de plus en plus bruyamment, surtout qu’un petit nouveau s’est invité dans le paysage politique de la région, le Parti islamique du Turkestan (PIT), organisation séparatiste islamiste intégriste luttant pour l’indépendance du Xinjiang (Turkestan oriental). Parti qui commence à revendiquer une vague d’attentats qui iront jusqu’à Pékin avec, place Tiananmen, le 28 octobre 2013 deux morts et 40 blessés. On compte aussi parmi une liste qui commence à être longue, une attaque au couteau à la gare de Kunming (capitale du Yunnan) le 1er mars 2014 qui a fait 31 morts et plus de 140 blessés, une valise piégée à la gare d’Urumqi (capitale du Xinjiang, là où j’ai atterri pour aller faire ma course) le 30 avril 2014 qui a fait trois morts et 79 blessés, ou encore un double attentat suicide à la voiture piégée sur un marché à ciel ouvert d’Urumqi le 22 mai de la même année qui a fait 31 morts et 94 blessés. Et là, le gouvernement chinois décide de passer à la phase supérieure.

Je fais juste une petite embardée : dire que personne ne savait ce qui se passait là-bas, que la presse internationale n’a jamais évoqué les incidents de plus en plus nombreux est totalement faux puisque moi, à mon petit niveau, j’ai suivi tous ces attentats (enfin j’avoue surtout le dernier sur le marché) et je ne parle pas chinois, je peux même dire que mon niveau d’anglais me limite souvent à la presse francophone, bref pour faire encore plus simple je lis de temps en temps Le Monde et même pas forcément Le Monde Diplomatique. Je vous laisse faire une simple recherche google et vous trouverez facilement des articles évoquant la crise que cette région du monde traverse depuis plusieurs années. Que ça n’intéressait personne est une chose… mais dire que la presse n’en parlait pas n’est pas la vérité. Pour ce qui est des autorités politiques internationales, c’est la même chose mais je pense que tout le monde a remarqué que quand l’ONU tape du point sur la table, elle a autant d’autorité de que moi lorsque je demande à mes ados de ranger leur chambre… Fin de l’embardée !

Comme je le disais précédemment, la Chine est donc passée au niveau supérieure et s’est contentée de ressortir les bonnes vieilles méthodes… Camps de rééducation politique, campagnes de stérilisation forcée qui ont pour but d’accélérer le mouvement d’intégration forcée dans la population chinoise, tout semble aujourd’hui bon pour régler définitivement ce qui est pour le gouvernement chinois un problème de remise en cause de son autorité. Et clairement ils ne font pas dans la dentelle ni dans la frappe chirurgicale… Alors pourquoi je vous en parle ? C’est parce que au sein de ces camps, on trouve des usines (vous savez le parti communiste ou parti des travailleurs ? C’est toujours la même idée) et que ces usines travaillent comme sous-traitants de certaines grandes marques ultra-connues. Plusieurs ont déjà communiqué en disant qu’elles avaient cessé toute collaboration, mais bon nombre trainent toujours des pieds. Je ne peux pas vous garantir l’exactitude des chiffres mais on estime à 27 usines et 83 marques concernées de près ou de loin par le problème. D’où les appels au boycott d’Apple ou Nike que l’on voit régulièrement fleurir sur les réseaux sociaux… Bon, si j’en crois les ventes, ça ne semble pas trop les inquiéter non plus, ce qui prouve l’efficacité de ce type d’appel mais passons…

ça marche avec le dernier Iphone…
ou la dernière paire de chaussures qui court super plus vite

Alors que vient faire un tel article sur un blog de running ? Rien de plus que ma volonté de vous donner un peu plus d’informations sur ce sujet plus compliqué qu’il ne le semble, de vous donner surtout envie de vous informer sur le sujet et de prendre ainsi ensuite une décision en tant que consommateur « éclairé ». Nan, parce que si son engagement politique se limite à twitter un truc pour faire comme tout le monde sans prendre une seconde pour se renseigner un peu sur le sujet et surtout ne rien changer à son comportement derrière, autant ne rien faire du tout.