Apo, je le connais depuis quelques temps déjà et je me régale toujours de ces compte-rendus publiés sur FB mais qui du coup disparaissaient trop vite dans les méandres des serveurs de ce cher Mark. Je lui ai donc proposé l’asile littéraire, qu’il a accepté pour mon plus grand plaisir. Voici donc son premier récit et non des moindres : sa deuxième Diagonale des Fous (posez-vous deux secondes, il est aussi bavard que moi !).
J’ai essayé de faire court , comme j’ai essayé de finir la Diag en moins de 48h ..bref raté encore pour cette fois ci ! n’oubliez pas de ravitailler entre deux paragraphes et de dormir un peu !
Diagonale des Ouf 2017 : ou comment savoir en avance que tu vas avoir mal mais y aller quand même. C’est l’histoire d’un petit monkey qui a surkiffé sa Diag…
Petit Flashback en 2015 : fin octobre, je viens à bout de la Diagonale après avoir jardiné pendant 57h. je ne sais plus vraiment où je suis, ce qu’il s’est passé les 6 dernières heures… J’arrive encore fiévreux a la Redoute, mais avant d’y arriver, j’ai eu le temps : de voir des clown méchants, de monter à 39 de fièvre, de demander à dormir au Colorado avec les dents qui claquent, j’ai eu le temps de me mettre KO Technique tout seul comme un grand. A ce moment-là j’étais à des années lumières d’imaginer que je pourrais à nouveau courir dans ce chantier ou plutôt cet enfer. A ma décharge, je n’avais que peu d’expérience sur ce genre de courses 100 miles, avec une Ronda ratée et un UTMB fini 2 mois avant. J’étais un petit poucet dans le monde de l’Ultra, mais bon je venais quand même de me faire une doublette UTMB/ Grand raid et j’avoue, j’étais assez fier…et complètement détruit par la course. Mes pieds avaient existé mais n’étaient plus… RIP mes pieds…
2017 et quelques Ultras plus tard !
La saison 2017 est très bizarre : je cours peu, du mal à m’entrainer, je manque de motivation. 3 échéances dans la saison : Euforia dels Cims, UTMB et Diagonale. Je passe au travers de la course andorrane, et pourtant j’étais bien préparé. Sur l’UTMB, je manque de devoir me battre au côté de Jon Snow contre les Marcheurs Blancs, avec la tempête de neige et les -10 du Grand col Ferret. Me demandez pas comment, mais c’est passé, sans casse, sans blessure, sans plaisir aussi, la faute à un parcours un peu « chiant » et une météo « casse bonbon a la mode sibérienne ». Par contre, j’ai kiffé mes hallu et mes deux gorilles qui buvaient des bières, accoudés au bar, furtifs entre deux arbres de la descente de Trient.
Arrive en point de mire la dernière balade de l’année, la Diag, le 25ème anniversaires de cette course de tarés, je m’apprête à me battre à nouveau contre mes vieux démons nommés « mafate », « Maido », « Colorado » , et je ne suis pas serein sur ce coup-là. Je manque de fond, d’entrainement, de caisse, de cojones… Mais bon j’y Go, une Diag ne se refuse pas. Je vais adopter la tactique « oublie que tu n’as aucune chance, fonces, sur un malentendu ça peut marcher ». Et comme sur quasi toutes les courses cette année, j’arrive et je prépare ça en mode « wanagain bistoufly », au dernier moment à l’arrache. Le Bon côté est que je n’ai pas trop le temps de gamberger. Les semaines au taf sont assez usantes, je pars pour le sud avec une forme moyenne, une fatigue certaine mais par contre sans aucun stress ! je boucle ma dernière réunion Lundi à 17h et zou je file à l’aéroport pour une autre Réunion !
Le régime ti Punch commence dès l’avion… On est mal barré les amis ! On est dans la nuit de lundi à mardi et franchement je n’arrive pas à me dire que je pars pour 167km en Enfer dans 2 jours… On entre dans le vif du sujet, dans le vif de l’Ultra, de la course, de ce voyage en Enfer mais au Paradis. D’habitude j’aime bien décrire le parcours, les difficultés techniques, les aspects sportifs… Exceptionnellement, cette fois, je vais attaquer ce CR sous un autre aspect, car cette édition 2017 a surtout été portée par l’aspect humain. C’est ce qui en fait l’une de mes plus belles aventures « ultraesque ». Déjà sur Euforia l’Humain avait pris le dessus sur le côté sportif, cette fois ci c’est encore le cas.
Atterrissage sur l’Ile Intense, le lendemain on file aux dossards on en profite pour assurer la Liaison avec tous les potes : Alexis, Clem, Emilie, Lionel, Mathieu… On est plutôt détendu, le truc pas normal avant une Diag, et pourtant c’est ce qu’il faut. Avec le temps et l’expérience de course, on apprend à être détendu avant un ultra, à bien manger, à bien dormir, à ne pas brusquer les gestes. C’est primordial, ça évite le caca de la peur juste avant le départ. Une fois le sésame en main, ne reste qu’à attendre le dénouement, le départ, une trentaine d’heures plus tard. Il faut se reposer, profiter, remplir la boite à bon karma et évacuer les mauvais, laisser la gigitte vous envahir ! La Gigitte, c’est le concept simple qui consiste à laisser la pression et l’envie vous envahir positivement, d’avoir des fourmis dans les guiboles, les poils de cul qui s’agitent dès que vous pensez à la course !
Mercredi 15h : bouclage du sac, et bim, la fermeture éclair qui saute ! et bim, coup de panique, la Gigitte se transforme en gros bordel de bite ! Ou comment penser en deux secondes que je vais partir avec un sac strappé et que je vais prendre 30 euros avec moi pour m’acheter un sac Dora l’Exploratrice à Cilaos… Heureusement, la deuxième fermeture éclair fait le job, non sans une bonne épingle à nourrice pour maintenir le sac fermé !
16h15, départ de la Navette, on grimpe avec Emilie, direction Saint Pierre. J’espérais que le voyage se passe dans le calme (3 h de car) mais c’était sans compter sur notre DJ de chauffeur qui nous a collé du Zouk et du raggamuffin réunionnais dans les esgourdes pendant tout le voyage. J’ai eu des envies de meurtres, des envies de bruler le chauffeur, de lui coller ma paire de godasse dans la gueule ! Mais zen, on va attendre 22h pour libérer les enfers. On choppe Clem à Saint Gille, on commence à former les Dalton (on récupèrera les autres larrons à St Pierre). Ça pue le stress et le string tendu dans notre car, il n’y a qu’Emilie, Clem et moi pour rigoler et faire les cons… Je crois que les autres passagers avaient des envies de meurtre cachées !
20h, on finit par arriver à St Pierre, ah tiens on est tous habillés pareil ! c’est marrant ça ! on finit de compléter la team avec Mathieu et Lionel qui nous rejoignent ! Yapluka attendre sur la pelouse, manger et attendre, au rythme du zouk… C’est très particulier l’avant course ! A Chamonix, la tension monte, ici c’est un concert de Zouk en plein air … c’est fou comme cette course est différente ! 21h15 tous se lèvent mais pas pour Daaaaanette ! Non, c’est direction le SAS de départ… On s’accroche tous les 5 pour ne pas se perdre, on fait la chenille ! Décidément cette course part en vrille, et c’est quand même un putain de 100 miles qui nous attend. Et on fait la chenille… 21h45 le SAS s’ouvre et on se place sur la ligne de départ ! Très dur de décrire l’ambiance sur le départ de la Diag ! c’est un mélange de tour de France / Interville, ça crie, ça danse, ça boit, ça fume, ça se tape aussi ! C’est ouffissime !
La technique pour le départ : essayer de gazer le plus possible sur les 10-15 premiers kms, parce que ça bouchonne grave dans la première ravine avec des arrêts qui peuvent durer plus d’une heure (c’est un peu technique en bas), alors autant essayer d’éviter ça ! Mais ça veut dire aussi qu’il faut courir en montée et ne pas s’arrêter à Bassin Plat. Toute la première partie et première nuit n’est que montée jusqu’au Col du nez de Bœuf soit 2000 m D+ en une quarantaine de kms.
22h : on lâche les fauves, Emilie et Lionel sont à côté de moi, Clem et Mathieu partent vite devant, je décide de suivre, je ne veux pas me retrouver bloquer dans la ravine et chopper la mort… Mais putain, ça va plus vite que ce que j’avais prévu. Au bout de quelques kms, je suis toujours avec Mat et Clem qui avoinent bien devant, mais j’ai déjà perdu Emilie et Lionel. Je ne retrouverai Emilie qu’a la Redoute et Lionel, bein avec Lionel ça va être une grande aventure trailistique d’une trentaine d’heure. Mais plus tard… Je continue de m’accrocher a Clem et Mathieu, mais je les perds au Domaine Vidot… Ayé, me retrouve seul et sans copain pour cette première nuit, et on démarre dans les cannes à sucre en laissant l’ambiance de folie derrière nous.
Petit point météo : il fait très très chaud, même quand on commence à monter. Je suis parti avec le maillot de la Diag, qui est joli mais totalement irrespirant et inséchable (j’invente des mots). Bref ce maillot est super beau mais pas homologué ! Donc je suis trempé et je monte et je monte. J’aurai couru non-stop les 15 premiers km en montée. Je suis cramé mais heureux de n’être resté que 7 min dans la ravine ! Je suis déjà en avance sur mon chrono de 2015. Mais je n’étais quand même pas loin de me foutre dans le rouge sur ce coup-là.
Et puis on avance gentiment dans la nuit, au milieu des coteaux, entre les clôtures, l’air se rafraichit, je ne vois pas venir le truc…et je monte, et j’ai la flemme de sortir la veste. Mon maillot est trempé et le petit air frais et très frais… Et puis, dans une montée, le truc que je n’avais jamais encore eu… Le PROBLEME GASTRIQUE …ahh, l’estomac qui commence à ronronner, et ça monte et ça monte… Je regarde à gauche, j’ai plein d’arbres plantés idéalement et prêt à accueillir un coureur en détresse gastrique ! Je serre les dents mais à un moment, on n’en peut plus ! Hop, clignotant à gauche, je sors du chemin, j’éteins la frontale pour éviter d’être repéré. Je repars léger et quand même mieux en jambes ! Nouvelle expérience pour moi qui n’avait jamais eu de problème gastrique à gérer ! J’espère juste que ça ne va pas me reprendre… La suite de l’aventure dira que non !
Je monte à bonne allure, toujours sans amis, ça ne parle pas dans le peloton, ça se concentre … ça me fait chier quand les gens parlent pas, c’est pas drôle ! Je me dis qu’à ce rythme, je vais pouvoir faire la bascule dans Mare A boue avant le lever du jour, et là je serais bien dans les rails pour viser un 48h. Ce n’est pas très technique, le parcours nous mène par le Nez de bœuf en évitant piton Sec et Textor… On arrive aux premières lueurs du jour au col, ça pèle sa mère, le spectacle est grandiose avec le piton des neiges au-dessus de la mer de nuages ! Et qui voilà ? Laurenti Jonathan ! ah putain quelle surprise ! ça fait du bien de faire un bout de chemin avec lui ! Une nouvelle aventure commence ! On file dans mare a boue, la partie la plus roulante du parcours, le soleil est presque totalement levé, ça commence à chauffer il n’est pas 8h du mat, je sors la saharienne. Déjà ! j’ai du mal à relancer, j’essaie de trotter, Jo a plus les jambes que moi ! Entre temps, dans la nuit, je suis retombé sur Clem qui avait la tête des mauvais jour genre « rien ne va dans la machine » ! ça m’a fait chier… Au fond de moi je savais que ça pouvait revenir, la suite m’a donné raison !
Mare a boue, sous le soleil, sans boue, c’est quand même sympa ! J’avoue, je commence un peu à fatiguer, Cilaos n’est finalement pas loin, je veux y être pour avant midi, genre vers 10h30 /11h, histoire de ne pas repartir trop tard et d’avoir du temps pour enfiler le Taibit et attaquer Mafate avec encore la lueur du jour. Mais avant il y a la descente de Kerveguen, qu’on s’apprête à faire Jo et moi. Je préviens Jonathan : « c’est une vrai merde ce truc, c’est que des virages en épingles, avec des échelles, des marches en rondins de bois, des racines, c’est interminable et casse gueule, c’est criminel de mettre ça la après 60 km … ». Bref cette descente fait partie de mon Top 3 des Enculades de descente avec la Margineda en Andorre et la descente vers Courmayeur sur l’UTMB. En 2015, je m’étais crouté, accroché à une racine, j’attendais qu’un coureur vienne me relever… On finit par arriver à Mare a Joseph, il était temps les bidons étaient vides, puis Cilaos en vue.
Change complet, ravito, crème solaire …Un vrai soin SPA 4* à Cilaos. Il n’est pas encore midi de mémoire, on arrive avec Jo, je m’habille tout en blanc parce que ça chauffe grave, je change de godasse, mon petit orteil droit a encore ramassé. Premier constat : aucune courbature, pas vraiment fatigué, la pêche et la bonne humeur, l’envie d’aller loin… La faim et la soif commence peu à peu disparaitre par contre, je sature en eau/ coca/ bouffe des ravito… Ça le fait moyen.
Juste en partant, je tombe sur Lionel, et je suis quand même putain de content de le voir. Il tourne au Red bull depuis le début (huuum pas top ça), a la pêche, pas sommeil, mais ça ne me dit rien de bon ce Red bull. Je croise aussi marie Marie-Alix (c’était super chouette de te voir là et aussi à quelques ravitos de l’arrivée) et Morgane (que je vois depuis plusieurs ravitos) qui donne des nouvelles d’un peu tout le monde ! Tout le monde est encore en course, Emilie est derrière, Clem s’est refait la cerise et met les gaz et j’ai fait la jonction avec Lionel que je nommerai Pikachu dorénavant. Frédéric est derrière.
On échange un peu avec Lionel et on décide de s’attendre sur le chemin du Taibit et de se rechopper en route. Lionel court avec une casquette de Pikachu, bref il ne passe pas inaperçu dans les villes et villages traversés. Entre les « vas-y Pikachu », « elle est où ta Pokeball ? ». Bref Lionel est mondialement connu dans les rues de la Réunion grâce à sa casquette ! Il est attendu comme le messie dans chaque virage, une foule en délire l’acclame. Ya pas à tortiller du cul, il faut amener Pikachu a la Redoute ! On se met en route sur le sentier du Taibit ! De mémoire, c’est long, pas très technique, des escaliers mais ça peut passer crème si on est dans un bon jour ! Je repars de Cilaos j’ai 4 flask : deux bidons et une flask de flotte, et une flask de coca…que je bois quasi cul sec au bout de 500m.
Il fait très très chaud, on descend beaucoup de flotte, mais je commence à avoir le dégout de l’eau et surtout, la sensation de nausée et de saturation de bouffe. Je n’aime pas ça, sans carburant, ça peut finir dans le fossé. C’est là que je commence à ne boire que du thé chaud sucré au ravito en priant pour que ça revienne. On commence à avoir sommeil avec Jo et l’idée était de trouver un petit coin confort dans la montée du Taibit pour dormir un peu fait son chemin. Lionel nous a rejoint et motivé qu’il est, il avait décidé de pousser pour que l’on recolle au mieux à Marla. Finalement on ne trouve pas le carré d’herbe tant attendu et on monte sans dormir. En même temps, ça monte bien grâce à la petite tisane ascenseur (je l’attendais celle-là) qui me fait moins d’effet qu’en 2015 (ils ont changé la recette et mis que des vraies herbes à tisane ?). En même temps, un mec vomissait ses tripes sur le côté juste après avoir bu de la tisane…. On ne s’attarde pas trop ! Le sommet n’est pas loin, la descente sur Marla est rapide et je sais qu’on aura un peu de en bas pour se reposer avec Jo et Lionel avant d’attaquer le Mordor Réunionais , alias Mafate.
Arrivés à Marla, on mange un bout et on file dormir un peu sous la tente pour régénérer le corps et l’esprit… Jusque-là, pas encore dormi et ça fait plus de 30 h que je suis réveillé… On croise Pikachu qui sort de la tente à dodo, un peu à l’ouest, qui ne sait pas vraiment s’il a dormi ou non ! Je lui dis que s’il ne se souvient pas, c’est que Morphée l’a embarqué sur un nuage. Intérieurement, je me dis aussi que Pikachu devrait diminuer le Red Bull, j’ai peur du contre coup. Et Mafate est devant nous ! On repart avec Jo, il fait encore jour (il y a deux ans, je repartais la frontale allumée sur la tête). C’est beau la plaine des Tamarins en plein jour. Jusque-là, je suis plutôt satisfait de la progression, on attaque Mafate de jour, ce qui laisse présager (si on continue comme ça) une attaque du Maido avant le lever du soleil, pour éviter d’être rôti sur la paroi en mode méchoui… Avec Jo, on kiffe, Pikachu est devant, on l’a perdu mais Mafate c’est long et on finira bien par le retrouver.
Y a deux ans, Mafate et la 2ème nuit, avaient été un calvaire pour moi ! J’avais eu mal physiquement, je me jetais au pied du premier arbre venu pour dormir, et j’avais traversé le cirque dans un état de semi conscience, ni dormant, ni mort. Je crois qu’on appelle ça le « mode Zombi » ! Je ne voulais pas revivre ça ! Attaque du col des bœufs et ce qui me semblait être une torture infinie sur la première Diag, ce n’est qu’une douce montée « fingers in the nose » cette année ! Une douceur tel le Loukoum à la rose pris avec un café grec bien corsé ! Par contre je ne mange plus rien ni ne bois depuis quelques heures… ça commence à peser un peu et à taper dans la carcasse. Je suis sur la réserve mais si ça continue je passe en mode survie. Mais chuuuuut, faut pas le dire, ni le montrer ! Arrivée Sentier Scout, le tournant de cette Diag, le Tournant humain de cette Diag ! Marcher de nuit nous a fait du bien à Jo et moi, et finalement, il est encore tôt et on a passé le point haut de Mafate sans avoir froid. Au parking en haut du sentier je tombe sur Morgane et le papa de Pikachu. Lionel est quelques mètres plus loin ! Morgane me dit que ça va pas fort, Lionel est crevé mais n’arrive pas à dormir, n’arrive pas à manger, que mettre un pied devant l’autre devient difficile !
Petit 1 : Pikachu va arrêter de boire du Red Bull, ça retourne et dérègle l’organisme.
Petit 2 : il va manger un bout et un truc qu’il aime (gâteaux patate)
Petit 3 : il vient avec nous et on ne le lâche pas, surtout dans Mafate (on ne pourra revoir Morgane et son papa qu’en haut du Maido).
Y a pas à tortiller du cul, pour Pikachu c’est le creux de la vague, mais c’est tout à fait normal sur un ultra ! Il ne faut pas rester seul dans Mafate, la nuit et il faut se reposer dès que possible. Jo profite des conditions parfaites au début du sentier scout pour allonger la foulée, on reste un peu en arrière avec Pikachu. On papote, il reprend des couleurs et j’avoue, je suis soulagé et je kiffe. Néanmoins faudra quand même penser à pioncer mon petit Pikachu, même si t’as envie d’en finir vite. Il y a deux spots pour dormir sur le sentier Scout, spots conforts où on peut dormir allongé : un endroit à côté de la Plaque, une belle dalle en béton pouvant accueillir une vingtaine de couchages, et la tente à dodo de Grand place (mais ça fait loin). De mon côté, j’ai tantôt envie de dormir, tantôt envie de danser la salsa du démon. Pikachu a l’air bien aussi ! Et puis grande nouveauté pour votre serviteur : aucune hallu a noter pour le moment ! Mais comment cela se fait ce-t-il ? Bref on passe à la Plaque et « alors Lionel Dodo ? huuuum non on pousse jusqu’à Grand Place ». Ok, ça me va mais va falloir accélérer un peu parce que ça peut lâcher n’importe quand pour moi !
On finit par tous arriver à grand place et on file droit dans la tente à sommeil ! réveil sur 20 min, on n’est pas tout seul, j’avoue, je crois que je sombre quasi instantanément ! je me réveille 18 min plus tard, un peu plus frais, mais le sommeil rode encore. Bizarre… En fait, je pense après coup que le manque d’alimentation combiné à la fatigue physique font que 20 min ne suffisent pas et que le corps a besoin de plus à ce stade… On se met en route pour Roche plate, dernière étape avant le Maido. Ça sent bon la fin de Mafate ! il y a deux ans j’arrivais à Roche Plate sous le soleil du matin, il fait encore nuit noire et pour un petit bout de temps ! Alors cette montée à Roch Plate est assez mythique ! Déjà c’est long, très long, trop long, c’est aussi une belle enculade, on monte et on redescend deux fois dans des ravines avant d’entamer la montée finale ! et ça quand tu ne le sais pas, tu pètes un câble sur le parcours.
On finit par monter/descendre/monter/descendre / passage de la rivière de galet set montée finale, le nez dans la pente. Je ramasse un bâton sur le chemin pour m’aider un peu dans cette épreuve. Jo et Pikachu sont là. En me retournant, je vois un petit cortège d’une dizaine de coureurs derrière moi, calés dans le rythme, pas un seul ne veut dépasser. Que ceux qui m’aiment me suivent. Ils sont apparemment une petite dizaine à m’aimer ! Et ça monte comme ça pendant longtemps, une éternité ! Je ne m’arrête jamais, je ne monte pas vite mais aucune pause, tu stop t’es mort ! J’ai envie de pleurer dans la dernière partie de la montée tellement j’en ai ras le bol. Une fois en vue des premières maisons, il faut encore faire le tour de la crête, le ravito est à l’opposé ! Et hop hop, dernière ligne droite, et comme je suis crevé je me prends une vautre de classe mondiale dans des escaliers en descente ! Et bim le bras, les genoux, l’épaule ! Mais tout va bien, je suis comme anesthésié, et j’arrive à Roche plate en mode walking-dead. Une grosse dizaine de couvertures de survie à même le sol sur des cartons. Je dis à mes compères que je vais aller dormir un peu, et finalement ils feront de même. Le froid est là, je suis réveillé à mi sommeil pour ce même froid qui perce et vous transperce ! Faut pas rester là trop longtemps on va chopper la mort ! Jo est réveillé et grelote en buvant un café, Pikachu dort sur ses deux oreilles d’un sommeil profond mais nécessaire ! On finit par le réveiller « Lionel, faut y aller si on veut chopper le Maido à la fraiche, et pour pas crever ici» … Hop hop hop, la fière équipe se met en route pour la brèche et le Maido. Le jour pointe doucement mais on est pas mal au niveau timing ! on sort de Roche plate sous les couches tellement il fait froid, 10 mètres plus loin, on a déjà tout viré et la machine se remet à chauffer.
Les premiers du Bourbon déboulent dans la brèche et passent à côté de nous en nous enrhumant ! Mais comment font-ils pour courir en montée dans cette merde ? on reste admiratif ! On prend notre mal en patience, on sait qu’on part pour un peu plus de 1000m de D+, après c’est la délivrance et on aura fini avec Mafate ! Le Maido, c’est juste très long, peu technique, il offre une vue sur les Cirques exceptionnelle, tout ce que tu n’as pas pu voir à cause de la nuit est sous tes pieds ! C’est beau, c’est rude, ça tape, mais si tu sors du Maido encore entier, les chances de finir sont multipliées par beaucoup ! Tipa Tipa, on monte, les cris des supporter se font entendre quelques dizaines de mètres plus haut, c’est ambiance Tourmalet sur le tour de France là-haut ! Ça donne des ailes (enfin vite fait, on continue de monter à 2km/h, faut pas déconner).
Toute l’équipe a bonne mine, ça rigole ! C’est l’effet « Jour » après la nuit difficile ! Et tout le monde a l’air en forme ! On arrive en haut, le fucking maido est vaincu ! Le papa de Pikachu et Morgane sa sœur sont là comme prévu. Un bien être envahit nos carcasses… Mais bon le ravito est 2 km plus bas sur les remparts et franchement, je me suis toujours demandé pourquoi ce foutu ravito est placé aussi loin, si ce n’est par sadisme, masochisme ou connerie… Bref ! On arrive au ravito, Pikachu file avec les siens, y a du soleil et du vent et avec la fatigue, je commence à grelotter ! Je file sous la tente à dodo, dormir 10 min… Je n’arrive pas à boire ni manger, je fais la gueule, la carcasse est en mode survie ! Et en même temps, j’en ai marre d’avoir toujours la même bouffe au ravito et l’eau me sort par les trous de nez ! Je sors de la tente je tombe sur Lionel, qui m’annonce que Jo est parti il y a peu, voulant vite rejoindre Sans souci pour avoir des soins (ses jambes commençaient à morfler).
Je retrouve la Pikachu family : « vous avez des news d’Emilie ? » et hop j’apprends qu’elle arrivait juste à Roche plate et encore en course ! « Et Clem ? », « il est au taquet, il avance ». « Ça va apos ? » …Ouais, bof, ça fait une vingtaine d’heure que j’ai quasi rien bouffé et que je bois mal, je commence à morfler un peu, et en même temps, y a rien qui me ferait plaisir ». Morgane et son papa sortent un pain au raisin du sac, je me laisse tenter moi qui n’en mange jamais… Et je ne sais pas pourquoi, mais ce pain au raisin m’a sauvé la vie et redonné l’appétit ! Je ne vous parle pas du COT, limonade réunionnaise qui m’a redonné le gout de boire ! J’ai tourné au COT tout le reste de la course ! Qui a dit que les coureurs avaient une hygiène de vie et alimentaire irréprochable ? Tourner aux viennoiseries et à la limonade pendant une journée, c’est moche quand même 🙂
On repart avec Lionel, on sait que la Redoute est plus qu’une option de course probable, on peut y arriver, on ne se lâchera pas ! UN monkey et un pikachu, the best team Ever ! On se met en route de Sans soucis ! Je ne me souvenais plus que ce bout de course était si chiant ! Il faut faire le tour du rempart avec des montées/descentes puis prendre à gauche un interminable chemin en terre/poussière pour descendre. C’est tellement chiant que Pikachu et moi on commence à avoir les yeux qui se ferment. Nan mais merde, j’ai déjà envie de pioncer alors que je viens de partir du Maido ! Et hop au passage, je me fais tracer par Sophie « Søphïe Lâversãnne » sur le Bourbon ! Encore une chouette rencontre, elle m’explique qu’elle met les gaz pour finir après s’être perdue en chemin ! Et dire que j’ai peine à marcher, faut dormir là !
Alors on se met en recherche avec Pikachu du meilleur coin d’herbe possible, à l’écart des coureurs, et loin de la poussière… Rien à se mettre sous la dent, ça fait des plombes qu’on cherche et puis finalement, à bout de force et de nerf, on trouve un petit plat d’herbe sur le côté à droite, on se couche, réveil sur 20 min… La pluie se chargera de nous réveiller au bout de 6 ou 7 minutes. C’est assez pour tenir jusqu’à Sans souci ! A l’atttaaaaaaque, on descend vite vite ! Sans souci c’est un peu le Shangri la du ravito ! Tu as des douches, des crêpes, une tente isolée pour dorloter, du rougail, c’est maintenant ou jamais qu’il faut se refaire ! On retrouve Jo, qui a les cuisses en mousse et qui est allé se faire vigoureusement masser.
Je me change, je mange deux crêpes, bois un Yop, je retrouve mes compères sous la tente à dodo, on se couche tous les trois pour 20 min/ 30 min ! Je crois que sans ce dodo, on aurait eu du mal à aller plus loin. On tirait sur la corde depuis quelques temps. Tiens un lit plus loin c’est Remi qui dort ! Franchement on voit tous les potes ! On repart de ce ravito, patate puissance 10, la Redoute, c’est plus un rêve. Elle se rapproche ! Derrière, faut descendre à la rivière de galets, remonter vers Dos d’âne et prendre ce putain de chemin Ratineau Degueulasse puis enchaîner sur chemin Kaala ! Sans doute la partie la moins fun de la diag ! C’est moche, c’est technique, c’est casse gueule, ça fait chier !
On repart a 3, on fait les cons sur les galets, merci Jo de me jeter des cailloux quand je passe devant les photographes ! Le Chemin Ratineau arrive, et Jo commence à vraiment avoir mal aux jambes, et le terrain ne va pas faciliter les choses ! Le Chemin Ratineau Poubelle passe (un petit ravito sauvage grenadine au milieu), par contre Kaala, c’est comme quand tu prends un éclair au chocolat après avoir mangé un millefeuille, c’est trop et c’est écœurant ! J’essaie de dévaler vite, entre temps Fred a rejoint Jo qui est resté en retrait, Pikachu est dans mon sillage, on sait qu’en bas on verra la Pikachu family !
Toujours un plaisir de les voir, la faim est revenue, mais rien à bouffer au ravito, je me jette un COT et avec Pikachu on se décide à faire un sort à cette fin de sentier Kaala. On veut allumer la frontale à la Possession pas avant. Mais on sera obligé… Je ne me rappelais plus que pour arriver à la possession fallait faire autant de chemin de merde inutile, ou comment ajouter des km là ou ce n’est pas nécessaire… Et hop, je recroise Marie-Alix a la Possession, je crois me souvenir que je lui dis que j’en ai ras le cul de cette Diag, que Kaala c’est de la merde, que j’ai les pieds défoncés et que j’ai hâte d’en finir… Tout ça en 35 secondes… J’étais à bloc 🙂
A la Possession, on mange avec Pikachu et on file pour le Chemin des anglais ! Ayé, on attaque la 3eme nuit, la nuit de tous les dangers, de toutes les visions ! J’ai un compte à régler avec quelques clowns ! 3ème nuit à nous deux ou à nous trois ! Je note que je n’ai toujours pas eu d’hallu ni de manque de lucidité ! C’est assez exceptionnel pour le souligner. Sur le début du Chemin des anglais, on tombe sur un mec tout droit sorti de X files ! L’impression qu’il avait été enlevé par les extraterrestres et largué la comme ça ! On ne comprenait rien à ce qu’il disait ! On s’est éloigné rapidement, Pikachu avait mis le profil exact sur la montre ! Y avait plus qu’à gérer ! Jo est resté avec Fred a la Possession, ils repartiront plus tard !
Mine de rien avec Pikachu, on avance bien, sans temps mort, le Chemin des anglais défile, pas de douleur, si ce n’est une ampoule au pied quasi simultanée pour tous les deux ! Un mal de chien cette ampoule ! Je cherche à poser le pied pour faire péter cette ampoule dans la chaussure, c’est plus tenable là… La douleur finit par passer, je pense que le cerveau a balancé une dose d’anesthésie dans l’orteil droit. Et hop, avant même de se poser des questions, on arrive avec Pikachu à Grande Chaloupe ! La Pikachu family est encore là ! On a la patate, on ne veut pas rester longtemps, on veut partir vite pour en finir ! Un Cot et ça repart ! Next step : Colorado. Je connaissais bien cette montée (effroyable pour moi en 2015), pas de clown cette fois-ci, concentrés, on monte plutôt bien les mains sur les genoux comme les pro (on finira les dernières centaines de mètre de D+ a une vitesse proche de 1000m/h).
Et hop, toute la famille de Pikachu est là au milieu de la route ! C’est ouf ! Grosse marrade, on a le smile, la détermination, on s’allège un peu de flotte, plus besoin, au bout du chemin c’est le Colorado, et après ça ne monte plus et ça descend vers le Paradis, le redouté, ce que tous les Fous cherchent à atteindre. Allez Pikachu, on y est presque, un dernier coup de cul ! On arrive enfin au Colorado, je me fais bipper mon dossard et hop, vla le bénévole qui me dit : « mais punaise, y a deux mecs, ça fait une heure qu’ils t’attendent là ». Je me retourne, spot de camera dans les yeux, putain c’est Ludovic et Romain de Canal + Réunion, petite interview à chaud comme ça à 1h du mat ! oh putaing faut que je me fasse beau, je passe à la téloche ! Je ne reste pas longtemps, Pikachu m’attend et on repart ! Ça sent l’écurie !
Attention dernière descente, dernière enculade aussi ! Si cette descente du Colorado commence plutôt soft, très vite le chemin devient merdeux à mort, caillasses, racines, pas un cm² pour poser le pied à plat ! Faut s’accrocher, c’est la dernière ligne droite ! La Redoute est en bas, on la voit ! Il y a encore deux ans j’étais resté quasi 1h30 au Colorado entre fièvre et hallucination… Là, 5 min montre en main ! Cette diag est différente et folle ! On descend en zig zag sans vraiment descendre ! On voit la passerelle où l’on doit plonger, puis elle s’éloigne ! Un mec du Bourbon me dit qu’il dort debout en descendant ! Fais gaffe, tu vas te vautrer, ça fait mal, arrête-toi, dors 5 min s’il le faut ! Non, je ne veux pas, je peux rester avec toi. Putain Boulet, je fais garde d’enfant et assistante social dans la dernière descente…
On voit la route, je viens à hauteur de Pikachu, on touche la terre ferme, son papa est là ! Il ne reste que 700 mètres à faire. Pris par l’émotion, Pikachu lâche quelques larmes, je le vois, j’en lâche quelques-unes aussi ! Mais j’ai surtout la banane en fait et un grand sourire ! Pikachu est un Fou, c’est beau de finir une Diag à 23 ans, cette course lui tenait tellement à cœur ! Je suis fier et content pour lui ! On rentre dans le stade, on fait notre tour d’honneur au trot, un double monkey pour les photographes ! ça est, lui est moi on est Fous, lui pour la première fois, moi une deuxième ! Le temps s’arrête sur cette pelouse de la redoute ! J’ai un message d’Emilie qui est en route aussi pour l’arrivée, elle a encore un petit bout de chemin mais elle sera la d’ici deux heures.
On mange nos rougails d’arrivée Pikachu et moi, la « sainte breloque » autour du cou ! Putain c’est bon, j’aime cet endroit ! Je me couche sur le banc du ravito, Pikachu doit repartir avec sa family, je vais attendre Emilie et faire une sieste avant ! je suis bien sur ce banc, soulagé, content d’avoir galéré 5 h de moins qu’en 2015 .
Emilie fini par arriver 2h plus tard, Jo et Fred environ 3h plus tard. Clem aura cartonné en 43h. Tout le monde est rentré à la maison, sauf Mathieu qui a eu des petits soucis avec son genou, mais qui était en passe pour réaliser un énorme truc ! Tu reviendras, la Diag Ché roulane.
Un grand merci à Ultimate Direction France et Scarpa France pour les bottes de sept lieues qui m’ont permis de finir mes Ultras et pour les sacs qui m’ont permis de transporter toute ma maison sur le dos durant mes courses. Ce qui est cool, c’est que vous me refaites confiance pour l’année à venir ! Un énorme merci à Morgane et toute la Pikachu Family ! Vous avez ma gratitude éternelle. Vous vous êtes occupés de moi comme si j’étais Pikachu, vous m’avez sauvé la vie et la course ! Un vrai plaisir de vous voir à chaque ravito, je ne sais comment vous remercier !
Enfin un énorme merci à mes compagnons de route Emilie, Clem, Jonathan, Fred, Mathieu, Alexis, vous avez rendu cette Diag ludique, fun, différente, pleine de bonne humeur et plaisir, une course de potes ! Un spécial pour Lionel aka Pikachu ! Tu es une star internationale à la Réunion, je suis sûr que si tu te présentes à des élections, tu gagnes ! Bravo pour ta détermination, courage, tu t’es accroché, t’as gagné ! C’était fun de galoper avec toi ! A très vite pour d’autres aventures (même si entendre alléééééé pikachuuuuuu toutes les deux secondes c’est chiant bordel de merde)
2 sur 3 pour moi cette année et le même scénario qu’en 2015 : je bâche Andorre et je fais le doublé UTMB / Diag. Je veux me reposer maintenant et en même temps, j’ai encore faim d’ultra ! Je bosse sur la saison prochaine ! Je serai en Andorre c’est une certitude, ma deuxième maison trailistique, sur la Mitic, un petit 112 /9800 de rien du tout 🙂 les gallinettes en janvier pour le reste je ne sais pas encore, cela dépendra des tirages au sort…le Tor, la Hard Rock 100… Let see !
Monkey is tired, monkey is happy ! see u soon ! C’était l’histoire d’un petit monkey qui a surkiffé sa Diag…