News : le sport voilé, une bonne idée ?

Les jeux olympiques de 2012 avaient lancé le débat sur la place publique ou plutôt sur le tatami avec la judokate saoudienne Wodjan Ali Seraj Abdulrahim Shahrkhani. Même si elle n’a pas remporté de médaille, elle a relancé le débat sur l’autorisation ou non de pouvoir porter un hijab lors d’une compétition internationale.
Cette problématique des cheveux couverts est relativement récente. Petit rappel historique : en 1984, Nawal El Moutawakel entre dans l’histoire comme la première femme arabe, africaine et musulmane à remporter une médaille d’or olympique à l’occasion des Jeux de Los Angeles. Elle s’impose sur 400 m haies qu’elle court sans voile, jambes et bras nus. En 1992, aux Jeux Olympiques de Barcelone, Hassiba Boulmerka offre la première médaille d’or à son pays l’Algérie sur un 1500m devenu mythique. Mais elle doit lutter au sein de son pays contre les remarques des extrémistes. Elle répond à ceux-ci qu’elle est croyante et pratiquante, mais qu’elle refuse de porter le hidjab : « Aussi vrai qu’il est impossible de se rendre à la mosquée en short, il est impossible de courir en hidjab ».
Ce qui était possible à cette époque devient de plus en plus compliqué, et olympiade après olympiade, le hijab devient presque un accessoire classique chez la sportive venant d’un pays musulman. En 2008 à Pékin, pas moins de 14 délégations défilent voilées lors de la cérémonie d’ouverture, les femmes marchant derrières les hommes…

 

Depuis 2012, la FIFA l’autorise dans toutes les compétitions qu’elle organise. Alors que pendant des années, les sportives se sont débrouillées en bricolant des voiles, aujourd’hui une marque danoise, Hummel lance pour la première fois une tenue de foot pour l’équipe nationale afghane. J’avoue sur le coup, comme pour les jeux Olympiques cela m’a interpellé. Je ne sais quoi trop penser de cette nouvelle offre qui certes est forcément commerciale puisqu’il n’est pas compliqué d’imaginer que bientôt elle sera déclinée pour les autres pays demandeurs. Mais pourquoi ces sportives n’auraient-elles pas le droit à autre chose qu’un truc bricolé ?

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Mais plutôt que de me demander ce que j’en pensais, j’ai lu ce qu’elles pensaient elles, les femmes concernées par cette fameuse tenue. Khalida Popal, ce nom ne vous dit surement rien mais c’est une des afghanes les plus influentes de sa génération et surtout c’est l’ancienne capitaine de l’équipe nationale de foot chez elle. Elle ne vit pas dans son pays ayant dû le fuir suite aux menaces qu’elle avait reçu. Parce qu’il faut se battre pour avoir le droit de jouer au foot… Mais son influence est toujours tellement importante que la marque qui a conçu les fameuses tenues en collaboration avec une école d’artisanat locale pour veiller à respecter en plus toutes les traditions afghanes dans le patron lui-même et dans la façon de coudre, ne voyait qu’elle pour les aider à concevoir la tenue officielle de l’équipe sachant qu’ils habillent également les hommes. Le hijab, pour beaucoup d’entre nous symbole d’avilissement de la femme, devient pour les jeunes filles qui le portent sur un stade un symbole de liberté absolu, celui de pouvoir enfin refaire du sport à égalité avec les hommes. Et c’est là toute la complexité du débat… « Dans un pays comme l’Afghanistan, la tenue nationale confère un certain pouvoir, c’est un outil qui donne de l’assurance aux femmes. On se sent puissante ». Et je suis qui, moi française qui vis dans un pays où l’on considère toujours que la femme doit gagner 20% de moins qu’un homme, pour ne pas encourager ces femmes à se sentir puissantes ?
J’ai couru un peu partout dans le monde, couru avec des femmes venant de pays, de cultures différentes : les japonaises qui ne laissent pas au soleil un cm de leur peau, les marocaines qui couvrent leur cheveux, j’ai couru à Jérusalem avec des femmes juives ultra pratiquantes qui remplacent le temps d’un semi-marathon leur perruque par un foulard et qui portent elles aussi une tenue composée d’un collant long et d’un t-shirt manches longues type skin avec une jupe, un peu comme les miennes mais en format XL… Ces femmes se sont non seulement entraînées pour être là le jour J mais elles ont surement dû se battre comme des lionnes avec leur entourage pour obtenir le droit de prendre un dossard. Alors qu’est-ce qu’on fait ? Personnellement, après discussion avec les concernées, j’ai fait mon choix et je considère aujourd’hui que ce qui compte le plus c’est que ces femmes aient le droit de faire du sport, de mettre un pied dehors de leur foyer, de leur pays. Evidemment, j’aurais préféré qu’on ne soit pas obligé d’en passer par là mais voilà la condition féminine a fait un bond en arrière colossal ces dernières années… Il va falloir refaire tout ce chemin long, douloureux, épuisant et si ce t-shirt peut leur permettre d’aller un peu plus vite vers la liberté et l’égalité, eh bien moi ça me va.