Run : Le Trail des Piqueurs, un truc pas piqué des hannetons !

Cette course est arrivée totalement par hasard dans mon programme. Je devais être à Paris pour l’Ecotrail mais entre la pollution atmosphérique et la pollution morale d’une organisation qui a totalement oublié qu’elle doit avant tout être au service des coureurs et non faire du buzz à tout prix, je me suis retrouvée fort dépourvue. Et les piqueurs m’ont sauvé !

Premier réflexe de tout coureur dépité et privé de dossard, c’est de se précipiter vers sa bible qui trône sur sa table de chevet : le calendrier Running Attitude des Courses. Un vrai pavé qui me permet de trouver rapidement mon bonheur. Un coup de mappy pour voir si c’est jouable pour moi, un coup de fil à l’organisation pour vérifier qu’il reste bien des dossards et zou bulletin d’inscription, chèque signé, avec même un don pour l’association soutenue à l’occasion, les dés sont jetés. Ce sera le trail des Piqueurs et ses 47 km de bonheur ! Histoire de mettre toutes mes chances de mon côté, nous allons jusqu’à réserver une nuit à l’hôtel Ibis d’Issoire. Pourquoi je vous parle de ça ? Pas parce que je suis sponsorisée par Accor (et c’est bien dommage !) mais parce qu’ils proposent à tous les licenciés FFA qui se déplacent sur une course un tarif préférentiel. Certains hôtels vont même jusqu’à le faire si vous avez votre dossard uniquement, donc n’hésitez pas à demander lorsque vous vous déplacez. C’est bien le seul avantage que je trouve à la licence mais ça n’est quand même pas suffisant à me convaincre de m’engager. Et ce ne sont pas les propos anti-bretons de l’autre Amsalem qui vont me convaincre de le faire ! Mais revenons-en à nos moutons auvergnats ! Dimanche matin, nous arrivons sur zone à l’aveugle, le GPS de notre téléphone n’ayant pas démarré… On nous vend la 4G, faudrait peut-être déjà qu’on nous mette la 1G chez nous ! Mais l’avantage d’une course qui démarre à potron minet en rase campagne, c’est qu’il suffit de suivre les voitures dont les chauffeurs sont affutés avec le crâne rasé et qui roulent plus vite qu’ils ne courent !

Arrivée sur la place de l’église qui servira de zone de départ, dossard récupéré en une fraction de secondes avec le tee-shirt souvenir, tout ça grâce à des bénévoles plus réveillés que moi et hyper efficaces, j’aime déjà l’endroit. Je vais encore plus l’aimer lorsque je vais pouvoir remplir ma gourde à la buvette et comble de joie faire pipi 2 fois avant de partir parce qu’il y a des toilettes ! Si ce n’est pas le bonheur ça y ressemble fortement… Alors que le départ va être donné j’entends un « ben qu’est-ce que tu fais là ? ». Xavier surgit de la foule des coureurs. Petit rappel : c’est le Xavier de l’UTMB, celui qui m’a guidé lorsque je suivais Damien, celui qui m’a accompagné sur la version bébé et qui m’a subi sur l’édition 2014. Il est là avec son club de Poitiers et c’est la deuxième fois qu’il court les Piqueurs. Il me pensait à Paris, moi aussi puisqu’il y vit… Bref, quand on dit que le monde du trail est petit, ce n’est pas une vue de l’esprit. Nous voilà donc partis tous les deux pour une aventure qui va se révéler pleines d’embuches. C’est surtout lorsqu’il va me dire qu’il avait mis 7h30 la dernière fois, super entraîné et qu’il en avait pourtant bavé que j’ai commencé à paniquer… Ah mince alors, je fais des calculs rapides dans ma tête pas très réveillée et je me dis tout de suite : « punaise tu ne vas pas être rentrée à temps pour voter ! ». Et je n’ai pas fait de procuration à mon mari puisque de toute façon, mon mari est avec moi. C’est malin tiens… ça m’apprendra à avoir négligé ça parce que voter est un droit mais surtout un devoir. C’était la minute citoyenne ! (bon petite précision utile, ma voix n’a pas manqué pour que soit éliminé le FN c’est toujours ça qui m’a consolé).

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En attendant, je dois me reconcentrer parce que tout de suite, on rentre dans le vif du sujet… La boue est là et bien là, et il va falloir faire avec à mon grand désespoir. Depuis le Tor des Géants, je panique très vite dès que je n’ai plus pied. Xavier qui m’accompagne le sait, il était là lorsque j’ai perdu pieds en descendant sur St Gervais. Cette peur panique n’a rien arrangé à mon manque de préparation qui a entraîné un abandon quelques kms plus loin, après une descente du col du Bonhomme mémorable. Bref tout ça pour dire que « j’assure » pas une bille… Mais là oh surprise mon choix de chaussures va s’avérer judicieux. Quoi ? On ne peut pas se planter à chaque fois non plus ! Les nouvelles Race de Kalenji aux pieds, pour une fois j’ai le sentiment qu’elles accrochent et que je suis en sécurité. Non, on ne rêve pas, je n’ai pas non plus accéléré, je n’ai pas remonté comme une folle tout le peloton en criant « poussez-vous c’est moi que v’la ! ». Non je suis restée au fond de la classe, tranquille sans embêter personne mais en faisant mes devoirs bien gentiment. Xavier reste à mes côtés et je devine sans lui avoir demandé les choses clairement qu’il ne compte pas me laisser toute seule, surement une sorte de revanche sur notre duo avorté d’août dernier. Moi ça m’arrange quand même. On fait un petit tour des nouvelles de nos familles nombreuses respectives et roule ma poule, on avance finalement en parlant certes pas pas autant que cela parce que franchement le terrain n’est pas ce qu’on appelle propice à la discutaille. Non, mais ils sont allés nous le chercher où ce parcours ??? Ah ben si tu veux savoir ce qu’on entend par trail, c’est là qu’il faut venir. On nous a annoncé un des parcours les plus techniques d’Auvergne, ben là tout de suite maintenant, le plus dur je veux savoir où c’est pour ne jamais y aller !

Boue à la pelle, glaise qui te colle aux pieds et au corps, des cordes pour t’aider à descendre, des cordes pour t’aider à monter, ça n’arrête pas une seule seconde… Tu rajoutes des petites rivières bien glacées à traverser et tu sers le cocktail bien frappé. Au départ je trouvais ça sympa les rivières, ça rinçait mes chaussures, j’ai trouvé ça moins drôle lorsque j’y suis tombée les fesses les premières. Mouais ben les bains de siège versus Rika je ne sais pas si ça éloigne le docteur mais ça ne fait pas courir plus vite c’est moi qui te le dis. Le plus drôle dans l’histoire c’est que pendant un moment j’avais sérieusement envisagé de venir courir ce truc en jupe et manchons de compression… Je vous jure par moment je me fais peur… Je me fais d’autant plus peur que j’ai fini par choisir mon collant skins, mon tout beau, le tout neuf, le truc absolument parfait pour aller courir dans les ronces tiens ! Je suis quand même rentrée avec un trou dans la cuisse, fait par une branche cette fois. J’ai évité les barbelés comme au grand Canyon mais ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Xavier m’a quand même initié au roulé boulé sous barrière barbelée avec charolaises en contre bas qui te regardent l’air dépitée. Tout ça avec mon sac oxytis dans le dos, le tout joli tout neuf aussi. Dans le genre baptême du feu trail de l’extrême, j’ai été gâtée. Bon je vous rassure, ça n’était pas au programme du parcours de façon officielle, on a apparemment juste raté la bonne entrée dans le champ !

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Alors qu’on arrive à un superbe petit château et que je crois voir le premier ravito, il faut se rendre à l’évidence, je me suis plantée. C’est bête moi je commence à avoir faim. Guillaume est là pour immortaliser notre arrivée et déjà je lui fais comprendre que je ne suis pas vraiment à la fête… Xavier ne me laisse pas le temps de me plaindre, il garde le rythme, je fais de même. Enfin le ravito est là et je fais un sort au pain d’épice. Je regrette juste qu’il n’y ait pas de thé chaud, mon bain de siège m’a quand même bien refroidi. Une coureuse arrive avec un souci d’ampoules et toute l’équipe de bénévoles se met en 4 pour la soulager et lui permettre de repartir. Ah l’humanité des trails à taille humaine… Y a pas à dire c’est quand même génial. Nous repartons assez rapidement parce que et d’une je caille et de deux parce que j’ai des poursuivantes… Oui je sais c’est assez pitoyable et je vous prie par avance de bien vouloir m’excuser pour les propos qui vont suivre mais bon je portais le débardeur spécial « esprit de Brinouille sois avec moi », je n’allais quand même pas me laisser faire. Quoi je suis presque avant dernière ? Ouais ben je fais ce que je veux d’abord ! Et le plus drôle dans l’histoire, c’est que Xavier est dans le coup tout de suite et je crois que ça va l’occuper tout le reste de la course. Ça et sa phrase qu’il me répètera encore et encore : « la deuxième partie est plus roulante »… Mais bien sûr, t’as raison… Un peu comme lorsqu’Olivier me dit « plus que 3 tours de lac » sans préciser s’il parle du lac de Bourbon qui tient de l’étang pour ne pas dire d’une mare, ou du lac de Lausanne !

Je vais vous passer les détails du parcours parce que de toute façon je les ai un peu oubliés et à mon avis il vaut mieux. Je suis tranquillement installée derrière mon colloc et nous faisons comme toujours, notre course tranquille sans chercher à nous attendre tout le temps. De toute façon j’ai un avantage sur lui, je n’ai pas de prostate ! Donc je profite toujours de ses pauses techniques pour revenir au même niveau, quand je ne le double pas (ah ah la blonde est mesquine…). Au CP2, je m’affole un peu parce que franchement le temps que l’on met est à des années-lumière de ce que j’avais envisagé. J’appelle Guillaume pour le prévenir, il me dit qu’il m’attend un peu plus loin sur le bord de la route que l’on doit traverser. Je repars avec en tête l’idée de lui proposer de rentrer tout de suite. Les enfants sont seuls à maison, certes absolument ravis de la situation mais je pensais être là pour le goûter, pas pour le dîner. Sans parler du repassage qui m’attend ! Je le retrouve et apparemment ça fait 2 h qu’il m’attend là à papoter avec le bénévole qui est pour le coup devenu à n’en pas douter son meilleur ami. Je tente un « si tu veux j’arrête là et on rentre, ce sera mieux pour les enfants non ? ». Et j’ai le droit à un « nan c’est bon je t’attends, les enfants vont bien, tu peux finir ». Ah mince alors… Moi qui comptais un peu sur lui pour la jouer « pas ma faute j’ai dû rendre mon dossard, il en avait marre » je dois continuer.

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Et la fin ne va pas être de tout repos non plus parce qu’il y a les fameux pierriers à grimper. J’avais déjà eu à traverser ce genre de réjouissances offertes par dame nature mais pour la première fois, je dois aussi jouer avec le dénivelé. Pour dire les choses comme elles sont, c’est un km vertical caillouteux. Mais bien sur… Au départ j’essaye de me donner de la contenance, genre le cabri blond versus Heidi mais il faut se rendre  l’évidence, je suis crevée et je n’arrive pas tenir vraiment debout. Après avoir grimpé des dunes à 4 pattes, me voilà donc en train d’escaler des cailloux dans la même position avec mon dos qui hurle qu’on l’achève, là tout de suite maintenant. Heureusement à la fin, une voix me guide pour trouver la meilleure voie et la main d’un bénévole se tend pour la dernière grimpette. J’arrive à bout de souffle en haut du premier… Comment ça il va falloir recommencer ? Nous repartons bien décidés à en finir le plus vite possible, tout en veillant bien à ce que mes poursuivantes ne me rattrapent pas. Ah oui, vous croyez que je les avais oublié celles-là ? Que nenni ! Comment ça je suis ridicule mais j’y tiens moi à mon podium par la fin ! C’est vrai que dans l’absolu, il aurait été plus logique de viser le podium par le début mais faut toujours que je cherche à me faire remarquer, c’est plus fort que moi ! Dernier ravito, on n’entend même plus la voix du speaker qui a dû rentrer chez lui boire une bière… Et mon Xavier qui continue à me dire « tu verras la deuxième partie est plus roulante »… Il m’a dit au départ que j’avais bien fait de ne pas prendre de bâtons et je me dis qu’il ne pensait pas à moi avec cette phrase mais à lui ! Il aurait eu trop peur de se prendre des coups à la fin !

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Je ne regarde même plus ma montre, ça ne veut plus rien dire. On avance, et le pire c’est que lorsque ça devient un peu plus roulant on courrote un peu. Le village est enfin là, la dernière montée, on ne fait même pas semblant de la courir ! On se marre tous les deux en imaginant Guillaume garé carrément sur la place du village puisque là normalement il n’y a plus personne. Mais non, il y a bien toujours le speaker qui nous accueille, les bénévoles pour nous remettre l’un des meilleurs prix de ma vie, un petit cadeau fait par les enfants de la garderie du village ambiance fête des mères qui me touche nettement plus qu’une énième médaille. Bon allez c’est bien gentil mais je ne suis pas d’ici, je claque une bise à Xavier, n’ose pas embrasser Frédérique sa chérie qui a couru le 23 et qui est toute fraiche et toute pimpante de leur de la salir. Je passe mes chaussures au tuyau, mon collant au tuyau et je file me changer parce que l’eau glacée, ben ça glace… Evidemment j’aurais préféré ne pas terminer dans les derniers mais il m’en faut plus pour me décourager. Je considère avoir fait une bonne grosse sortie pour mon principal objectif qui arrive à grands pas, à savoir la Patagonie et l’ultrajiord mi-avril. Il était hors de question pour moi de prendre le moindre risque et de me faire une entorse grave. Franchement, même si j’ai râlé pendant (Xavier peut témoigner donc il ne faut pas que je raconte n’importe quoi !), je me suis bien amusée et ça fait du bien de retrouver les bases du trail, l’esprit trail si tant est qu’il existe. Alors tous les piqués du trail que je connais, rendez-vous l’année prochaine au Trail des Piqueurs ! Même pas peur !

Crédit photo : organisation