Run : Le Trail des Sources de la Loire, un goût de victoire

Ce blog n’est pas uniquement mon blog, c’est aussi celui de mes copines et c’est Val qui aujourd’hui vous raconte son Trail des Sources de la Loire, un ultra comme on les aime avec des paysages à couper le souffle !
Dans la nuit, là bas sur la plage, un grand panneau indique avec ses leds rouges le chronomètre qui défile : deux drapeaux symbolisent la ligne d’arrivée. Deux chronométreurs attendent vaillamment dans la nuit froide les derniers coureurs. Il n’y a personne d’autre. C’est presque surréaliste. Je saisis la main de mon compagnon de route des 10 derniers km pour passer la « ligne » ensemble. Ça y est ! finisher comme on dit ! Pourtant je n’ai rien fini, je réalise surtout que c’est le début de quelque chose : ce trail m’aura permis de puiser dans mes ressources et m’aura montré ce dont j’étais capable et surtout ce dont je serai capable à l’avenir. 11h48 ma course la plus longue à ce jour.

 

Le 12 novembre a marqué la dernière épreuve de mon année 2016 et encore une fois ce fut un trail long (ou un ultra) que j’ai choisi de faire – le 3ème cette année après l’Ultratrail des Côtes d’Armor (Côtes d’Armor, logique) en février et le Trail des 6 Burons (Cantal) en septembre. Je n’en reviens pas d’avoir bouclé ces 3 très longues courses, mes premiers ultras, 2 ans après avoir commencé les compétitions de trail. Bonjour la progressivité (ou pas) ! Je vais m’attarder sur le dernier en date car il comprend des points communs avec mes deux précédentes expériences et puis c’est l’occasion de faire un petit bilan sur mon vécu lors de ce genre de course.

 

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Le Trail des Sources de la Loire voit sa deuxième édition décalée à la mi-novembre au lieu de fin août comme l’an passé. Avantages : le calendrier sportif n’est plus très chargé en cette période et on peut avoir bien récupéré des gros objectifs estivaux pour s’attaquer à une longue distance à cette date. De plus, gratifiant de quelques points ITRA, il permet d’éviter au traileur une SainteElyon (encore plus tardive). C’est l’association 3 Soleils qui l’organise. Un autre aspect m’avait attiré c’était le fait que c’était une course à taille humaine – je reviendrai sur ce point plus tard.

 

J’avoue que je n’avais pas d’idée précise de la topographie de la course – j’avais bien vu son profil sur le site mais j’étais confiante. En effet j’avais bouclé le trail des 6 burons début septembre de même distance et de même D+ mais avec de longues ascensions au milieu avec comme point d’orgue le Puy Mary. Et la course s’était fort bien passée. J’ai couru dès que je le pouvais et jusqu’au bout. Pas de problème particulier, pas de douleurs et encore une fois j’ai fini ma course heureuse, en donnant le meilleur de moi, sans être à l’agonie (ce qui est l’objectif principal de mes courses). Je n’avais pas pris les bâtons et cela était passé. Aussi partais-je sereinement sur le TSL sans bâtons et ayant gardé le même type de préparation que pour les 6 Burons : sorties fréquentes, endurance, PPG, Fartlek en nature et une semaine à faire des côtes (pas à Bordeaux je vous rassure) à 2-3 semaines de l’objectif. Néanmoins j’ai fait peu de SL en mode trail.

 

 

Mon arrivée la veille en Ardèche est quelque peu épique : je me retrouve en voiture dans un col prise dans un tourbillon de neige – les températures sont négatives et mon pare-brise gèle en 2h le temps de reprendre la voiture pour aller au briefing et là je me dis que finalement mon trail, c’est une hivernale. Le vendredi soir, le briefing m’interpelle quelque peu : les difficultés du parcours sont détaillées et les recommandations sont présentées. « la majorité des abandons surviennent sur les premiers 40 km cassants » – pour ma part les ascensions jusqu’à 1500m d’altitude, après le 40ème km, m’inquiétaient davantage. Surtout que cette dernière partie risquait de se faire à la frontale et qu’on y trouvait de la neige, avec une descente un peu délicate (avec des rochers et de la neige).
On apprend aussi qu’il n’y aura que 3 ravitaillements sur les 70 km, bon c’est vrai ce n’est pas sur un marathon. Ma sérénité en prend un coup, je change de stratégie : il me faudra passer les dernières difficultés avant la nuit, n’ayant jamais été confrontée au couple neige/nuit de ma courte vie de traileuse.

 

 

On peut laisser un drop bag dans la salle ou dans sa voiture qui sera garée à proximité de ce lieu servant de 2ème ravito. J’ai l’impression d’être sur un ultra ! Néanmoins je ne prévois pas d’affaires de rechange, la météo n’étant pas annoncée pluvieuse. L’organisation nous invite à un apéro c’est très agréable. Une coureuse demande un peu inquiète quelques détails sur la traversée d’une rivière et l’organisateur en profite pour ajouter « ah mais j’ai oublié de vous parler des loups ». J’éclate de rire : le ton est donné. Le lendemain je prends mes précautions j’ai gardé 15 min pour enlever la glace de mes vitres de voiture : le timing est serré je suis à 20 min de trajet du lieu du départ de la navette en car qui va nous emmener en Haute-Loire et c’est à pied que nous reviendrons en Ardèche. Le départ se fait donc à Costaros (43), je profite de la dernière demi-heure au chaud dans la salle des fêtes – il fait -5°C dehors. J’ai enfilé ma veste en goretex sur mon maillot épais manches longues, je l’enlèverai plus tard me dis-je. On se regroupe à l’extérieur, on est autour de 120 personnes (?) ; il n’y a pas d’arche de départ ni de musique ni de cors de chasse (petite référence au Trail des 6 Burons). L’organisateur grimpe sur un muret et tape dans ses mains : c’est parti ! Ce départ rustique est à l’image du parcours et je deviens persuadée que je rechercherai dorénavant cette simplicité, un trail « roots ».

 

 

Les 12 premiers km sont roulants, je cours bien, les paysages se dévoilent avec le soleil levant, la nature est givrée, moi pas trop gelée finalement. Les terrains sont variés : du sable, des galets, des grosses pierres volcaniques, des pentes douces, des pentes rudes, des gorges, la Loire qui se dévoile tel un grand serpent argenté, des sentiers en balcons, en forêt, de petites routes croisées permettant de bien dérouler… L’arrivée au 1er ravito après 19km est appréciable : il se trouve dans une petite salle communale au sein des remparts du château d’Arlempdes. Je trouve ça chouette d’avoir les ravitos à l’abri au chaud. Je déguste un bon bouillon chaud lui aussi et découvre des petits beurres qui vont me faire un régal sur 2 ravitos. Il parait qu’il ne faut jamais improviser côté ravitos je le sais mais je trouve toujours quelques aliments qui font du bien surtout au moral : quatre-quarts à l’UTCA (logique en même temps), petites madeleines sur les 6 Burons et là petits beurres. Hop je repars : 20 km avant le prochain ravito – je découpe mes longues courses en tronçons qui vont finalement d’un ravito à un autre. C’est mieux que de se dire il me reste 50 km à faire !

 

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Et en fait ces 20km vont me mettre à l’épreuve. Tout d’abord je ne verrai plus aucun autre concurrent pendant ces 20 km mais le balisage est au top, je n’ai jamais hésité. Ensuite, je sens que l’énergie se dissipe : je n’arrive plus à courir vite (c’est-à-dire au moins 10km/h sur les portions roulantes – ne pas rire svp). Les chemins quand ils sont bons montent toujours et puis il y a de vraies bonnes pentes incessantes (« cassant le parcours » il avait dit le monsieur). Pourtant je me sens bien, je n’ai mal nulle part et je suis contente d’être là. Le soleil brille et les paysages magnifiques, on passe à côté de vieux bâtiments de ferme, j’ai l’impression d’être à une autre époque surtout avec tous ces châteaux.
Et puis l’énergie continue de s’échapper… Et là je sais d’un seul coup que je ne pourrai pas donné le meilleur de moi-même sur cette dernière épreuve de l’année. Tout cet entrainement physique … pour rien – ça ne répond plus.

 

 

Mais une chose sur laquelle j’ai bien veillé c’est la préparation mentale : je vous recommande le MOOC Trail pour cela. Je révise toujours les chapitres y faisant référence dans la semaine qui précède mes courses. En plus j’ai eu la chance de faire deux séances de Sophrologie dans les 3 semaines avant la course. Bref, je me suis fait un petit stock d’imagerie positive et de postures adaptées à ce genre de circonstances pour éviter de baisser les bras juste parce que je n’ai plus envie. J’ai donc décidé de changer ma posture vis-à-vis de cette course : finie l’envie de courir un max, gérer les montées et réduire le temps dans les ravitos mais dorénavant ce sera une rando-course pour aller jusqu’au bout avec les moyens du jour : on fera avec ! Bien récupérer sur les deux derniers ravitos et rentrer avant la barrière horaire du 40ème pour envisager plus sereinement la dernière partie de course qui sera une course contre non pas la montre mais la nuit.
Ce changement de posture me rend ma sérénité, je sais que j’ai de la chance d’être là : « ici et maintenant » et j’en profite pour prendre un peu plus de photos.

 

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Toutefois, pour la première fois sur une course, j’ai envie que le ravito arrive vite ! j’ai même envie m’allonger ! mais j’arrive bien avant la BH au ravito ouf et j’attaque soupe de légumes, barre de céréales et une tartine de Vache Qui Rit (!) – je prends la précaution d’enlever ma veste que j’avais gardée sur le dos jusque là pour que tout sèche un peu – j’ai besoin de souffler. Je retrouve plein de coureurs (il y a d’autres courses au départ de cet endroit et ça me fait du bien de voir un peu de monde) dont certains semblent épuisés, certains restent assis. Moi je ne m’asseyerai pas de toute la course j’ai tellement peur de ne plus vouloir/pouvoir repartir. Encore 30km, 20 jusqu’au prochain ravito à rejoindre avant la nuit et c’est une boucle vers les sommets environnants. Je me rééquipe : c’est une hivernale parait-il.

 

 

Et là au bout de 2km une douleur me prend en haut du mollet sur le côté du genou : impossible de bien plier, déplier la jambe gauche, impossible de … courir surtout ! Bon heureusement ça grimpe pas mal mais sur les parties planes j’enrage de ne pouvoir dérouler ! Il ne manquait plus que ça. La douleur n’est pas aiguë ça fait comme une énorme crampe mais je ne peux courir correctement, trottiner à peine.
De nouveau un travail mental s’opère pour ne pas se focaliser sur la douleur, s’en détacher. Là encore je suis dans l’acceptation de cet état de fait et je dois le prendre en compte pour continuer. Autre moment qui file un petit coup au moral : je croise ceux qui ont fini la boucle et partent vers l’arrivée il leur reste que 10km et ont donc 3-4h d’avance sur moi !!! mais ils nous encouragent. La neige a fondu en partie dans la montée du chemin et l’a transformé en flaques de boue. Arrivée au point culminant de la course, le paysage est blanc et magique : ce trail est une hivernale c’est confirmé ! Je ne m’y étais pas vraiment préparée physiquement et surtout mentalement. Je passe la descente délicate avec les rochers sous la neige il fait encore jour ouf ! maintenant descente jusqu’au village où se trouve le dernier ravito. Auront-ils des petits beurres ?

 

 

C’est au crépuscule que je rentre dans la petite salle communale où l’accueil est chaleureux et très joyeux. Je demande par hasard des petits beurres ils m’ouvrent un paquet et m’en donnent plein ! Je suis ravie :). Cette fois je tente la soupe de semoule au bouillon (avec une pensée pour Cécile Bertin – private joke) elle est très réconfortante. Mais il faut repartir la nuit est tombée il reste 11km, je connais une partie du chemin de retour puisque c’est une boucle. La lune est presque pleine (super lune dans deux jours) : le chemin brille de flaques argentées (la boue liquide). Le balisage est adapté pour la nuit, il est très visible avec la frontale on le voit de loin. ça me rassure. Un coureur me rejoint mais il restera 10 km toujours derrière – pas grave sa lampe complète un peu la mienne. Je me force à trottiner dès que je peux – la douleur au genou je la gère selon les techniques décrites par le MOOC Trail : elle reste localisée au genou et ne vient plus polluer ma tête. Il nous reste un demi-tour de lac à faire, on voit depuis pas mal de temps une lumière rouge sur la plage – elle parait ne jamais s’approcher ! c’est le panneau d’affichage du temps écoulé. On finit par la plage, courir sur une plage en cette fin d’épreuve qui m’aura permis de me confronter à tous types de terrains, c’est magique ! La ligne d’arrivée franchie je suis heureuse tout simplement.

 

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On rejoint la petite salle des fêtes (où se tenait le 2ème ravito) et au moment où j’ouvre la porte des applaudissements fusent ! Félicitée par les convives, en fait les coureurs, qui prennent le repas d’après course, je savoure ces quelques secondes de satisfaction.
Une double portion de truffade maison (avec de la tomme fraîche) me requinque. On échange avec les coureurs. Quelques uns viennent me voir car on a couru ensemble au tout début.

Je suis allée au bout je ne suis pas finisher mais « aboutisseur » 🙂 Ce fut très difficile mais j’ai réussi à ne pas me mettre à l’agonie en baissant le rythme tout simplement, seul l’ego en souffre mais cela n’est pas bien grave ;-). Je me permets donc ici de compléter mon titre : « Le Trail des Sources de la Loire : un goût de victoire sur soi. ». Avant tout il faut savoir juste répondre à cette simple question : pourquoi est-ce que je fais cela ? pour moi, pour les autres, ma famille, une reconnaissance de mes pairs, une revanche sur la vie ? Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, mais il faut connaître la réponse pour aller jusqu’au bout ou pour savoir renoncer.

 

L’année prochaine le circuit se fera dans l’autre sens le 11 novembre 2017 alors pourquoi pas ? mais cette fois je serai prévenue c’est bien une hivernale qui exige que l’on soit bien en forme à cette époque de l’année et surtout traileur complet.

Côté gestion de la course sur l’alimentation et l’hydratation, je ne suis pas du tout satisfaite : mes négligences m’auront coûté une très grande déshydratation et un début de tendinite du TFL (réglée en quelques jours) et sans doute cette baisse d’énergie assez rapide puisque ma boisson est énergétique. Oui j’ai honte car j’ai refait l’erreur de me sous alimenter et de ne pas assez boire : à peine 2,5 litres de liquides (j’ai compté les soupes !) au total pour près de 12h d’épreuve. Contrairement aux 6 Burons je n’avais pas d’application me rappelant avec une alarme de boire. Le froid n’aide pas et lors des 11 derniers km de nuit je n’ai dû boire qu’une gorgée. De plus, j’avais pris des chaussures peu utilisées à l’entrainement et plus lourdes que celles que j’utilisais depuis juillet.
Alors je vous en prie : ne faites donc pas comme moi :). Et comme le dit Stéphane Brogniart, il faut tirer les leçons de sa course pour être meilleur à la course d’après.

Ainsi cette année j’aurais participé au total à 4 courses objectifs à chaque fois menées vaillamment par de petites organisations alliant simplicité et convivialité – certes parfois avec peu de participants (moins de 100) mais cela évite les bouchons 🙂 Par contre il faut savoir gérer les grands moments de solitude ce qui ne me dérange pas trop, même dans un groupe de coureurs je reste concentrée, dans ma bulle.
Je ne suis pas encore prête pour les épreuves de masse, mais je ne ferme aucune porte. c’est bien je pense de connaître l’un et l’autre et de trouver ses préférences et de varier les ambiances. Le hasard a simplement bien fait les choses cette année, le hasard ou plutôt les coups de cœur. La page 2016 se tourne, place à la suite !