Jungle Marathon : Episode 1, voyage, plage, prépa…

J’ai couru dans des déserts divers et variés… sablonneux, caillouteux, salés et même glacés. J’ai couru en montagne, enfin couru c’est un bien grand mot… Disons que j’ai surtout essayé d’avancer pour terminer sur mes deux pieds. Mais jamais je n’avais été dans la jungle, univers fascinant s’il en est. Alors lorsque le Jungle Marathon s’est présenté, je n’ai pas hésité mais je ne savais pas du tout où je mettais les pieds…

 

Comme toujours petit retour en arrière pour bien resituer les choses : je connais cette course depuis plusieurs années déjà et j’ai régulièrement tenté d’y aller. Il me paraissait un peu comme une évidence de boucler mon CV d’ultra traileuse avec une telle expérience, histoire de pouvoir parler de tous les terrains que l’on peut rencontrer lorsqu’on pratique l’ultra-trail. Et c’est finalement cette année, suite à une annonce lancée par mon ami Karim Mosta que la chose va se faire. Seulement pour faire court, question prépa c’est juste la cata, forcément puisque ce n’était pas au programme… Comme toujours me direz-vous ! Mais bon des fois quand même j’arrive sur une course en ayant autre chose dans les pattes que la Parisienne comme seule course avec dossard quand même… Je sais ça surprend mais je vous jure que c’est vrai ! De toute façon en 3 semaines c’est mort, donc je me contente de me reposer autant que possible et d’entretenir la forme à coup de marche rapide sur mon tapis ou de footing vitesse ultra fatiguée vers la fin et de vélo d’appart. Et je vous jure sur la tête de mes gamins que c’est vrai ! Je vais quand même, une semaine avant mon départ, rajouter à cette formidable préparation top niveau ma participation à la Tough Mudder parrainée par ma marque fétiche sur mes courses à la con, je veux bien sûr parler de Merrell. L’idée était simple : trouver ma paire de chaussures après un test en conditions presque réelles. Je m’explique ! Evidemment les sandales on oublie pour ce type de course mais la marque a sorti un modèle destiné aux courses d’obstacles qui me semblait intéressant et pouvant correspondre à mes besoins. Après une bonne dose de rigolade dans la boue, mon choix était validé, je partirai avec mes Tough Mudder aux pieds. Ça, c’est fait… Restait la tenue et le matos. Je ferai évidemment un article complet pour le débrief matériel pour ceux que cela pourrait intéresser, parce que cela le mérite vraiment et que cette course ne pardonne aucune erreur de ce côté-là. Je passe des heures à chercher le parcours en avion le moins compliqué mais surtout le moins cher, parce que partir au dernier moment forcément question tarif j’ai connu mieux. L’option Portugal sera la solution retenue avec ce qui s’annonce, il faut bien l’avouer, comme un vrai périple. Il me reste juste les grands parents à mettre sur le pont pour finir la préparation parce que pour le coup, sans eux rien ne serait possible et je peux partir tranquille. En route pour l’aventure ! Enfin d’abord en route vers Orly et son Novotel qui me permet pour le même prix qu’une nuit à l’hôtel Ibis de laisser ma voiture sur leur parking pendant 15 jours (bon plan à noter les enfants !).

 

Je commence donc par une escale à Lisbonne, enfin Lisbonne… l’aéroport de Lisbonne plutôt ! Mais ce n’est pas une raison pour se priver de la gastronomie locale, surtout que le stockage des graisses et des sucres fait partie intégrante d’un ultra en étapes, question de survie ! Ensuite je traverse l’Atlantique pour me rendre à Belem, ville qui très clairement si j’en crois ce que j’en ai vu sur wikipedia n’a que très peu d’intérêt culturellement parlant. Du coup, puisque je dois y dormir avant de reprendre un autre avion pour Santarem, je décide de zapper le côté visite seule avec mon routard à la main pour passer mon court séjour sur place dans l’hôtel Ibis le plus proche. Non contrairement à ce qu’on pourrait penser je ne suis pas sponso par Accor et c’est bien dommage d’ailleurs (je lance un appel on ne sait jamais…) ! C’est juste qu’après avoir fait le tour des forums de voyageurs j’ai découvert que c’était le plus proche de l’aéroport, proche au point qu’on peut carrément s’y rendre à pied, ce qui me fera le plus grand bien après mes heures d’avion. J’y découvre rapidement le bonheur des clim qui font le bruit d’un moteur d’avion et les douches froides… Enfin froides… Tiédasses quoi ! Miracle j’y dors plutôt pas mal et c’est reparti le lendemain pour un dernier vol genre saut de puce, enfin de grosse puce pour ma destination finale. J’arrive à 2h50 du mat dans une ville que je ne connais pas, à une vingtaine de km de la bourgade où nous devons prendre le bateau le soir même. Je prends un taxi qui semble hyper surpris de me déposer sur la place principale du village en pleine nuit mais voilà, j’ai fait la bêtise de ne pas prendre d’hôtel cherchant à faire des économies. J’étais partie sur l’idée hyper intelligente de dormir sur la plage, genre hippie pieds nus et sac à dos mais voilà j’avais juste zappé un insignifiant léger petit détail : les chiens. Ils sont des dizaines à errer dans les rues à la recherche de nourriture et devinez ce que j’ai dans mon sac de voyage ? Quasiment que de la nourriture ! Je vais quand même finir par m’assoupir et me réveiller au petit matin avec les pêcheurs qui me regardent bizarrement et deux chiens dormant à mes côtés. Je comprends alors qu’il va falloir trouver une solution viable pour la journée parce que le bateau ne part qu’à 22h et je ne peux pas rester comme ça, à protéger mon sac des renifleurs affamés.

 

 

La solution va venir d’un volontaire, comme on dit chez les américains, croisé au hasard dans la rue qui me dit loger dans ce qu’on appelle là-bas un lodge et qui a peut-être de la place pour la journée. Ni une ni deux, je le suis et je négocie avec le réceptionniste un tarif pour la journée dans une chambre que je partage avec une jeune femme qui de toute façon part se balader. C’est nickel ! Wifi, petit dej, lit, douche et hamac dans la cour, que demande le peuple, et tout ça pour 10€. Je me pose enfin un peu, avant de partir à la découverte toute légère puisque débarrassée de mes deux sacs de la petite ville d’Alter do Chao. Le principal intérêt de cette bourgade reste avant tout sa lagune et ses plages de sable blanc immaculé, donc en toute logique ma principale activité va se résumer à ne rien faire du tout, ou plutôt juste me contenter de buller en mangeant du poisson frit super bon les pieds dans l’eau presque trop chaude. Retour au lodge pour la sieste hamac et retour en ville histoire de voir ce qui se passe du côté du bateau. Ok j’avoue, moi je m’attendais à un stand sur la place principale du village où tout le monde se retrouverait pour rejoindre le bateau mais force est de constater qu’il n’y a personne ou peu de monde… Je commence à flipper un peu jusqu’à ce que je repère une jeune fille portant un t-shirt de volontaire à une terrasse de café. Elle est accompagnée de son père qui participe à la course. Famille américaine qui vit à Madrid mais dont le père travaille à Milan suite à la fermeture de la filiale de sa boite… Tout le monde a suivi ? Enfin bref, ils sont un peu plus au courant que moi et le père me propose d’emmener mon gros sac pendant que je dine en vitesse de ma dernière pizza avant le grand saut dans l’inconnu. Il fait nuit noire lorsque j’arrive enfin au port et c’est un peu la panique à bord… des dizaines de hamacs pendent au plafond, ça s’entasse et je ne vois pas où je pourrais me poser tranquillement pour commencer à comprendre comment on installe ce bazar que bien entendu je n’ai pas testé avant de partir. Là encore super Papa me sauve et me dit que je dois filer tout de suite sur le pont supérieur où il reste un peu de place, ce que je fais sans demander mon reste. Nickel j’ai une place en bout de rangée, ce qui veut dire un ou une seule voisine, ce qui m’arrange. Je sors la frontale, mes petits sacs et me voilà en train de lire le mode d’emploi du machin.

 

Le hamac bleu sur le pont supérieur !

Bon c’est bizarre, ça l’air super simple… trop pour être fiable ce truc ! Certes, j’avais trouvé le nom de cette marque pleine de promesse « ticket to the moon » sur les forums de baroudeurs qui en vantaient les mérites mais quand même. Et pourtant en 2 minutes c’est installé, je teste et oh miracle, ça a l’air de tenir bon. Première surprise de la soirée, je retrouve mes trois amis argentins rencontrés au Burkina Fasso, ça fait toujours plaisir de retrouver des visages amis. Deuxième surprise de la soirée, l’autre français qui devrait être là semble être aux abonnés absents… Il faudra donc se mettre en mode international pendant plusieurs jours, ce qui n’est pas ce que je préfère pour être très honnête. Je ne suis absolument pas bilingue, et m’exprimer dans une langue étrangère me demande un vrai effort, pas toujours facile à faire le soir après des heures de course, sans parler de la solitude que cela engendre pendant la journée où les échanges sont là aussi réduits aux minimums vitaux. Et puis histoire de conclure sur un bon vieux cliché, le portugais, c’est comme le canada dry, ça ressemble à l’espagnol mais ça n’est pas de l’espagnol ! En attendant on largue les amarres et je file rejoindre mon hamac où miracle je vais parfaitement bien dormir. Entre le roulis de la mer et la douceur de la toile je dors comme un bébé, un vrai bonheur. Je me réveille avec le soleil, super rassurée pour les jours à venir. Au moins un truc qui devrait bien se passer, c’est toujours ça ! Petit arrêt pour le petit déjeuner sur une île paradisiaque sur laquelle tu voudrais juste t’installer pour le reste de ta vie avant de repartir sur ce qui sera notre lieu de vie pendant deux jours. J’avoue que cet élément me gonflait un peu… Je suis du genre à vouloir que ça aille un peu vite parce que bon c’est gentil mais je n’ai pas que ça à faire non plus. Alors lorsque j’ai reçu le programme et que j’ai vu « jour 1 contrôle médical et matos, jour 2 briefing sécurité, jour 3 début de la course », je me suis demandée ce que j’allais bien pouvoir faire.

 

Le repas qui va bien, le jus pour faire passer et le poulet déjà plumé !

 

Eh bien vous savez quoi ? Je n’ai rien fait ! Mais alors rien de rien de chez rien… Un vrai truc de dingue qui finalement m’a fait un bien fou. Je n’ai même pas préparé mes repas parce que j’avais prévu l’option resto local, histoire de profiter de l’endroit au maximum. Enfin resto… à mon avis on ne risque pas de trouver de critique sur tripavisor mais comme j’ai la chance d’avoir des intestins en béton armé, autant en profiter et faire vivre un peu l’activité locale. Je découvre avec bonheur une boisson locale appelée Guarana Antarctica, ce qui ne s’invente pas ! Je continue mon régime poisson, riz, lentilles et sauce obscure qui arrache la gueule en arrosant le tout d’un jus de carambole frais que Shirley la grande organisatrice de la course me fait découvrir (j’adore ce truc !). Pour vous donner une idée de mon niveau d’activité, je vais même lire un Guillaume Musso acheté à l’aéroport au hasard à la caisse du relais H ! Même mes neurones sont en congés… Je me baigne dans l’Amazone, je regarde les oiseaux blancs immenses, je fais la sieste. Mes camarades de jeu semblent s’agiter, me donnant l’impression d’être totalement au ralenti. L’un d’entre eux coiffeur de son état est même venu avec son matériel et improvise un salon de coiffure en plein air.

 

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Le Franck Provost brésilien dans ses œuvres ! Les gamins étaient aux anges ! 

Les enfants défilent les uns après les autres pour ce service offert à domicile au milieu des poulets et autres chiens errants. On a le droit à un briefing sécurité des plus rassurant que je vais vous résumer en quelques phrases. Tout ce qui est vert coupe, irrite ou cisaille… Tout ce qui est marron est soit un tronc d’arbre (là, ça va, pas trop de danger, enfin c’est ce que je crois encore !), soit un serpent venimeux mortel. Tout ce qui est coloré est mortel ou à la rigueur super méchant : grenouilles, serpents, poissons et j’en passe… Les insectes sont nos ennemis, les animaux aussi. Et s’il arrive quoique ce soit, il te reste à courir le plus vite possible jusqu’au prochain CP, truc hyper facile à envisager lorsque tu viens de te faire piquer mortellement puisque de toute façon personne ne viendra te chercher et à aucun moment l’orga est capable de savoir où tu te situes et si tu es toujours en vie. OK… Il est où le bar que j’aille me saouler une dernière fois à la Caïpi ? Pour me rassurer je m’accroche au fait qu’on m’a laissé choisir mon numéro porte bonheur pour mon dossard… Sinon y a une église dans le coin ? Un cierge ne serait pas de trop là !

 

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Ambiance contrôle technique sur le camp… On remarque l’incroyable dégradé de bleus !

 

Et puis c’est le drame… Enfin le drame, j’en rajoute un peu ! L’orage éclate et s’installe beaucoup plus longtemps qu’on ne pouvait l’envisager. Les ruelles du village se transforment en torrents de boue, tout le monde se planque où il peut. J’ai réussi à décrocher mon hamac en catastrophe et à planquer mes sacs mais je réalise douloureusement que cela va se compliquer pour moi. Je ne sais pas pourquoi, j’ai apparemment zappé la ligne « protection anti pluie pour hamac ». C’est forcément moi puisque tous les autres coureurs en ont une. Comment j’ai pu envisager une seule seconde qu’il ne pleuvrait pas ? Franchement je ne sais pas mais c’est à rajouter sur la longue liste des trucs un peu improvisés. Même si la pluie semble se calmer le ciel reste très lourd et il semble évident que la nuit sera agitée. Ok, mais je fais comment moi ? Un coureur de Nouvelle Zélande me sauve en me disant que dans le fond du camp, dans les hauteurs, il y a une maison et que derrière cette maison se trouve un hangar où je devrais pouvoir trouver un abri. Je vais donc m’installer au milieu des outils de culture rouillés et clairement abandonnés sous le sourire bienveillant des occupantes de la maison qui me font coucou par la fenêtre de la cuisine. Heureusement que j’ai eu l’info parce qu’il a bien plu la nuit et j’ai pu ainsi dormir un peu au sec. Seul souci qui m’inquiète un peu, une telle pluie va forcément changer la nature du terrain et la boue risque d’être au rendez-vous. Franchement je n’avais pas besoin de ça pour commencer…

 

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Un camp ça ressemble à ça ! Vue de mon hamac !

Mais demain est un autre jour et que la fête commence !