Récit : UTCA, mon premier ultra par Val

Parce que je n’ai pas eu la chance d’y être mais que Val m’a fait baver devant mon écran avec ses photos, je voulais qu’elle nous raconte sa première expérience d’ultra version Bretagne.

 

Pourquoi l’UTCA ? (L’Ultra Trail des Côtes d’Armor pour ceux qui ne connaissent pas encore !)

 

Le 7 octobre 2015, le moral n’est pas au beau fixe : boulot, famille … et oui ça arrive. De plus je suis en pleine trêve sportive (volontaire !) : une coupure de 15 jours que je me suis imposée en « fin de saison » après mon Trail Estival du Sancy. Ce dernier m’avait laissé un goût amer car je m’étais laissée emporter par mes émotions (colère) au lieu de revenir dans ma bulle et de gérer correctement cette course. Je l’avais fini mais j’étais déçue enfin surtout de mon attitude face à des difficultés finalement passagères et indépendantes de ma volonté. Mais la leçon a été apprise, bien apprise. J’envisageais alors un maratrail dans le Périgord pour mars 2016, j’avais donc le temps de penser entrainement, séances spécifiques toussa …

Et puis voilà qu’en ce jour d’octobre si sombre, je tombe sur un fil de discussion sur Kikourou qui annonce une nouvelle course : un ultra de 80km en Bretagne, le long d la Côte de Granit Rose. D’un seul coup, tout bascule ! Tout devient évident ! Cet ultra il est pour moi ! Pourquoi ?

Parce qu’il y a 20 ans tout juste j’ai découvert cette endroit en randonnée en parcourant des paysages uniques et merveilleux !

Parce qu’il y a 2 ans je reprenais la course à pied par de petits footing de 20 min après 15 mois d’arrêt pour cause de sciatiques à répétition (une renaissance).

Parce que je n’ai jamais dépassé la distance du marathon en trail (ni même sur route).

Parce que j’avais envie pour 2016 de courir davantage sur mes trails.

Parce qu’il était programmé très tôt dans la saison (le 21 février) et que cela allait me permettre de ne pas me laisser aller cet hiver.

Parce que ce trail était déclaré comme roulant et qu’il allait me permettre de courir très longtemps, comme je ne l’avais jamais encore fait.

Parce que le nombre d’inscrits est très raisonnable : 350 ce qui, j’espère, m’évitera les bouchons que je déteste.

Parce que le terrain reste très proche de mes terrain d’entrainement, pas de neige comme sur un trail hivernal.

Parce que cela représentait enfin un beau défi qui éclairait cette triste journée en éveillant en moi la motivation de me dépasser et de donner le meilleur de moi-même cette fois sans faillir.

Bien sûr c’était l’inconnu : une nouvelle course, un site internet pauvre en informations, peu d’échanges sur le forum, une distance incroyable pour moi à la fois attirante et inquiétante. Mais l’inconnu c’est une aventure qui vaut le coup d’être vécue, un bouleversement dans le quotidien.

Ce sera donc l’Ultra Trail des Côtes d’Armor, 1ère édition, à Lannion, le 21 février 2016.

 

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La préparation
Et me voilà partie pour 3 mois d’entrainement ! Après la trêve, j’étais très en forme donc parfait. Je me suis inspirée de divers plans que je changeais tous les 15 jours hi hi, j’ai même fait des fractionnés courts et des courses nature pour apprendre à courir vite, dingue ! Et puis enfin j’ai trouvé un plan 100km (pour Millau ?) établi par Serge Cottereau 🙂 et j’ai surtout lu et relu ses conseils dans son Encyclopédie du Jogging (mon livre de chevet).

J’ai même fait un weekend choc au Pays Basque pour y retrouver le même type de sentier côtier et la même météo.

J’ai reçu de précieux conseils de la part d’ultratraileurs expérimentés : à 15 jours de l’épreuve j’ai levé le pied en ne gardant que de petits footing, pour arrêter complètement à partir du jeudi avant la course : bien se régénérer, être fraîche physiquement et mentalement. Toutes les petites douleurs « suspectes » se sont effacées dans les derniers jours aussi soudainement qu’elles étaient arrivées. Les doutes qui m’avaient submergée (genre j’aurais dû faire plus de ce type de séances, j’ai manqué cette séance, j’aurais dû changer ça …) se sont envolés. Je ferai de mon mieux quoiqu’il arrive, POINT.

 

La course
J’avais le secret espoir d’arriver avant la nuit, le départ étant à 7h et le temps limite fixé à 15h. Mais pas d’autre chrono en tête, juste suivre le chemin et être régulière.

A la remise des dossards, c’est l’occasion de rencontrer « IRL » des amis virtuels (Marion et Philippe) avec selfies de rigueur. C’est toujours une joie de concrétiser ces rencontres.
Je trouve qu’on est plutôt gâté : une boisson de récupération de l’effort et un très beau buff qui reprend l’affiche du trail (Ploumana’ch?) entre autres, un grand gobelet bleu pour les ravitaillements et le ticket bière, ah non c’est encore mieux ! C’est un ticket « galette-saucisse ». Par contre, toujours pas d’infos sur le D+, pas de carte avec l’emplacement des ravitos… Je connais simplement leur parcours. L’hôtel proposé par l’organisation avec le prix de l’inscription a été très bien choisi et surtout pouvait nous permettre de prendre le petit déjeuner à 4h30 (Caroline Dubois veille parce que l’organisateur est une organisatrice, c’est important de le noter !). De plus, lors de la pasta party la veille au soir; les pâtes étaient al dente : parfait !

Je préfère finalement dormir 1h30 de plus et déguster mon gatosport (façon fondant au chocolat) dans ma chambre en guise de petit déjeuner. Je me sens bien, calme.
Je pars de l’hôtel en courant, je n’ai que 2km à faire (avec une belle côte) mais une voiture s’arrête, un traileur au volant me lance : « montez ! je vous amène » et hop me voici en 5 min sur la zone de départ – bon pour échauffement je ferai plus tard, on part dans 15 minutes.

7h, une chanson que j’aime bien de Christine and the Queens résonne. Il fait très doux. Contrairement à la veille où le crachin a persisté toute la journée, je peux dire que nous avons de la chance : un peu de crachin par moment certes, mais aussi quelques belles éclaircies. La pluie sera un peu plus présente vers la fin mais ne durera pas.
La tempête s’est déjà abattue la semaine passée : on y a échappé.
Un ami de Facebook, Jérôme, me reconnait et on discute un peu avant le départ 🙂 et là ensuite je trouve Laurence qui s’apprête à faire son 2ème ultra breton. On va se retrouver à plusieurs reprises sur le parcours.

C’est le moment de rentrer dans ma bulle : je ne pense qu’à une seule chose : courir avec fluidité, légèreté, aisance, ne pas entendre mes pas, un pas après l’autre, à mon rythme, sans me laisser emporter et surtout j’applique un conseil précieux qui m’a été donné : diviser la course en plusieurs courses entre chaque ravitaillement.

 

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C’est très simple : j’ai 6 courses à boucler -> 13km, 12 km, 13 km, 17 km, 10 km et 10 km (au final l’ultra est raccourci pour faire un peu moins de 80km). Je vous jure : c’est pour moi, une technique d’enfer ! génial ! Ainsi après chaque ravitaillement je repars à neuf (je prends quelques minutes parce que je m’y restaure bien) pour une petite sortie digne de mes séances d’entrainement et avec cette façon d’aborder la course, ça change tout !

Ce qui est chouette c’est que finalement même avec 350 inscrits, je n’ai jamais été seule au cours de ce périple. J’ai fait plein de rencontres sympathiques, comme par exemple un marathonien des sables tout équipé qui était là pour sa sortie longue (!) en préparation de son MDS 2016.

Les sentiers sont variés : terre, sable, bitume, graves, boue : ah oui, boue ! finalement on finit par passer en plein dans la flaque que dis-je la rivière de boue plutôt que de tenter de la contourner. D’ailleurs, c’est un miracle car à part une ampoule au petit doigt de pied droit, aucune autre ampoule malgré des pieds trempés.

Les paysages traversés sont magnifiques avec la météo changeante : des espaces naturels protégés, des petits ports, des plages, on court au milieu des bateaux à marée basse, dans la campagne, dans la forêt, sur les falaises … Je prends bien sûr quelques photos (difficile de s’en empêcher).

Courir tout le temps c’est bien mais j’en oublie de boire ! j’ai dû remplir 3 fois seulement une flask de 500 ml avec ma boisson Apurna en tout et pour tout ! Mais par contre j’ai bu au moins deux verres à chaque ravito (eau mélangée à du coca). C’est là aussi que j’ai bien mangé : quatre-quarts breton (forcément !), madeleines, carrés de chocolat, chips, un peu de pain brioché … ça manquait d’eau gazeuse. Bref, arrêt aux stands pendant de longues minutes à chaque fois et je repartais tranquillement après avoir bien mâché.
Résultat : aucun souci digestif ! j’ai transporté 7 ou 8 barres d’amandes ou de pâtes de fruits pour rien.

Par contre ma faible hydratation, je l’ai payée au passage du marathon : grosse douleur dans la cuisse ! une sorte de crampe énorme qui a duré jusqu’à la fin de la course. Là j’ai compris, qu’il fallait que je me remette dans ma bulle, que je devais me relâcher et continuer à courir, ne pas m’arrêter, ne pas marcher surtout sur le plat (on n’est pas là pour ça non mais oh). Le geste n’est plus aussi fluide mais j’ai continué, la douleur s’est transformée en gêne, elle ne m’empêche pas d’avancer, c’est bon, j’irai jusqu’au bout de toutes façons. Je souris, quand j’ai mal je souris encore plus. Je pense à une phrase comme à un mantra que l’on m’a dite avant mon départ : « tu souffriras, tu te demanderas ce que tu fais là, mais c’est de la bonne douleur, et tu continueras, je sais que tu continueras jusqu’au bout ».

Le ravitaillement à Trébeurden est pluvieux, près de la plage : j’ai eu le plaisir d’y retrouver l’organisatrice, Caroline Dubois, qui nous servait le coca : très sympa ! Elle m’annonce qu’il reste 20 km et je me dis : oh que ça ! (j’aurais jamais cru penser ça un jour !!!).
La pluie a fini par cesser, heureusement car il y a environ 10km un peu plus techniques dans les falaises et toujours cette boue !

Le dernier ravito arrive : oui je vous avais dit que je n’ai fait qu’une course de ravitos !
On nous dit qu’il reste 9 km (le parcours a été raccourci), là je me pose encore et je mange et bois bien. Je sais que c’est presque la fin de l’aventure. Un coureur qui m’accompagne depuis un moment (on se double mutuellement depuis 20 km) me dit qu’il espère faire le sub 10h. Je ne peux y croire. Bon n’ayant pas bien réglé le pointage GPS de ma montre Suunto afin de gagner en autonomie (j’étais pas certaine de faire moins de 15h avec le cardio, mais quelle nouille…), cette dernière m’indique des informations totalement décalées : je n’ai que 55km de parcourus, ma vitesse instantanée est fausse également. Heureusement je ne regardais ponctuellement que mon % de FCM. Avantage de ce fiasco technologique, c’est que je voyais arriver chaque ravito avec de l’avance ha ha ! Au total, ma montre me comptera 10km de moins et 500m de D+ en moins ! Bref nous décidons avec ce coureur de nous motiver et de repartir ensemble sur une portion plate de 5km sur un beau chemin de halage et nous courons sur un bon rythme : c’est très grisant, surtout en fin de course. Nous dépassons des participants qui marchent et qui semblent très fatigués.

 

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Mais j’avais eu la prudence de repérer la veille les derniers km en ville, Lannion étant assez vallonnée. A 3km de l’arrivée, voilà qu’on nous fait passer par les 140 marches du Brélevenez ! Et là tu te dis que l’album de Martine que tu avais aimé étant petite prend un sens nouveau. Les derniers km sont avalés du plus vite que je peux, je ne sens plus rien, je n’ai mal nulle part ! L’arrivée se fait à l’intérieur du gymnase : il y a du public, c’est très agréable ! Je passe l’arche je souris encore et encore : je l’ai fait en 9h51 ! Chrono inespéré pour moi. Certes, c’est un trail très roulant (1100m de D+ pour un peu plus de 75km) mais je n’ai jamais couru autant, et c’est que je voulais, j’ai profité pleinement de cette belle aventure et je suis arrivée au bout. Aucune souffrance.

La préparation a été bonne finalement, avec une méthode très #TrainHappy. Et j’ai eu ma revanche sur le Sancy : je suis restée concentrée et j’ai avancé à mon rythme sans m’emballer quand tout allait trop bien ou quand de petits grains de sable survenaient. Côté bobos : 3 ongles qui sont devenus noirs au bout d’une semaine mais ne sont pas tombés et 1 ampoule – rien quoi ! mais bon il faudrait que les Brooks Puregrit aient un meilleur pare-pierre quand même ! Encore des erreurs de gestion surtout pour l’hydratation mais je vais corriger tout cela. Ah oui j’ai aussi une folle envie de continuer à faire ce type de trail. La galette saucisse de l’arrivée a eu une saveur exceptionnelle, unique. Elle se mérite je crois.

Belle première que cet UTCA, j’ignore si la date hivernale sera maintenue en 2017 mais il mérite de se faire une belle place dans les ultratrails. Mon tee-shirt finisher 2016 est désormais collector.