Free to Run : ou la liberté perdue…

J’ai donc vu lors d’une projection presse Free Run, documentaire sur la naissance du running moderne. Enfin c’est en fait beaucoup plus compliqué que ça et c’est le principal reproche que je ferai d’ailleurs au réalisateur : à vouloir trop en dire, on finit par avoir un truc confus qui ne va pas au fond des choses. Ok c’est un docu qui dure 1h40, pas un peplum de 3h… Du coup, c’est un peu une poupée russe avec des trucs qui s’imbriquent les uns dans les autres : on a l’arrivée difficile des femmes sur la distance marathon, la naissance et l’explosion du marathon de NY, le mouvement Spiridon, la naissance de Nike et la courte carrière de Steve Prefontaine. Chaque sujet aurait mérité son documentaire à lui tout seul parce que chaque sujet mérite vraiment qu’on s’y intéresse un peu sérieusement que l’on soit coureur ou pas d’ailleurs. Ah oui, ça c’est un des mérites du film, même si vous n’êtes pas coureur, il est forcément intéressant puisque c’est une vraie analyse sociologique des années 70.
Revenons-en au film et aux sujets traités : la place de la femme dans l’athlétisme et dans le monde du running actuel. Si l’on n’y connait rien, on a tout de même l’impression que les femmes n’avaient pas le droit de courir avant la révolte de Kathrine (j’ai consacré tout un article sur le sujet que vous pouvez lire ici)… C’est tout de même un peu raccourci puisqu’elles ne pouvaient pas courir la distance du marathon certes mais elles n’étaient pas interdites de jeux olympiques quand même ! Dieu merci Coubertin est mort et ses successeurs n’ont pas tenu compte de son machisme crasse. Alors évidemment nous sommes là, nous femmes du 21ème siècle à nous épouvanter devant tant de scandales et devant le caractère choquant de la tentative d’expulsion d’une femme du marathon de Boston mais saperlipopette les filles, en France à la même époque les femmes venaient à peine d’avoir le droit d’ouvrir un compte en banque seules sans l’accord de leur père ou de leur mari et de pouvoir travailler sans leur autorisation et l’avortement n’était pas légal !!! A mon avis il y avait des combats un peu plus urgents à mener que d’avoir le droit de courir un marathon. C’est d’ailleurs bien un vrai combat féministe qu’a mené ensuite Kathrine Switzer tout au long de sa vie. Mais ce qui est le plus drôle dans l’histoire justement, c’est que la première chose qu’elle a créé dès que sa notoriété lui a permis de le faire, c’est un circuit de courses féminines à travers le monde sponsorisé par une célèbre marque de cosmétiques, Avon pour ne pas la citer. Parce qu’elle a estimé que si on voulait encourager les femmes à venir courir, il fallait leur offrir un environnement rassurant et que cet environnement rassurant excluait les hommes… Mais c’est là que ça devient intéressant si l’on se penche encore un peu plus sur ce sujet, ces fameuses courses pour filles proposaient toutes les distances dont la distance marathon. Peu d’entre vous le savent mais jusqu’il y a peu, il y avait un marathon pour femmes organisé dans Central Park à l’occasion d’octobre rose (je le sais j’avais prévu d’y aller et paf l’année où je pouvais, ils l’ont supprimé !). Alors qu’aux US, on propose de longues distances, les organisateurs français ont récupéré le concept mais apparemment les km se sont noyés en traversant l’Atlantique… Le sujet méritait au moins 2h et j’en suis ressortie toute frustrée…

 


Le marathon de New York… Puisque c’est pour lui que j’ai commencé à courir, forcément je me vois mal dire qu’il ne fait pas rêver ! Je connaissais bien cette histoire, celle de Fred Lebow, coureur moyen mais homme d’affaires brillant qui a vite compris qu’il y avait quelque chose à faire autour de sa ville, de son parc et de ces personnes un peu bizarres qui couraient autour d’un réservoir. Là aussi, ça méritait facilement un documentaire juste sur ce sujet, documentaire qui doit d’ailleurs forcément déjà exister quelque part. Franchement je vous mets au défi de ne pas avoir la gorge serrée ou ne de pas essuyer une petite larme sur les images de son arrivée dans Central Park, alors que se sachant condamné par une tumeur cérébrale, il décide de courir pour la première fois Son marathon. Maintenant j’ai beaucoup plus de mal avec le traitement qui est fait de la fameuse annulation de 2012. Je n’ai aucun lien avec l’orga mais je reste absolument convaincue qu’ils ont vraiment cru qu’ils allaient pouvoir l’organiser jusqu’au bout. Je ne vois pas de manipulations purement mercantiles derrière tout ça même si évidemment ce n’est pas de l’humanitaire non plus, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Le souci, c’est qu’on a toujours l’image d’un pays qu’il n’est pas en réalité. 5 jours, les secours ont mis 5 jours pour arriver à la Nouvelle Orléans ! Imaginez un peu s’il se passait le même chose en France ? Le souci c’est qu’entre 2005 et 2012, les réseaux sociaux ont explosé et leur pouvoir avec. Ils ont fini par s’avouer vaincus, trop tard certes pour beaucoup de coureurs, mais sacrebleu ce n’est qu’un marathon quand même ! Je reproche par contre vraiment à ce film de voir dans cette annulation la fin du running à la papa, le running à la cool où tout le monde il était beau et gentil. Franchement, c’est vraiment comme ça qu’on nous présente les choses avec les témoignages des organisateurs de l’ancienne équipe qui confirment la fin d’une époque joyeuse et insouciante où rien n’était commercial alors que pour moi, cela remonte à quelques années en arrière. Cela remonte à la mort de Steve Prefontaine justement.

 


S’il y a une chose qu’il faut retenir de ce film, c’est qu’il faut absolument faire gaffe au petit nom que l’on donne aux gens… Baptiser quelqu’un le James Dean du running, ce n’est pas bien malin… Quand on sait qu’il finira comme lui, mort à 24 ans dans un accident de voiture, au volant d’un truc de course qui allait beaucoup trop vite même pour lui, l’homme le plus rapide des USA à l’époque, on se dit qu’ils auraient pu trouver autre chose. Bon déjà point ultra important à noter : apparemment les poils n’ont aucun impact sur l’aérodynamisme puisqu’ils portent tous à l’époque rouflaquettes et moustache ! Réflexion valable pour les fringues, les montres et les chaussures… Bon plus sérieusement, Prefontaine est connu pour avoir voulu professionnaliser son monde, pour avoir voulu officiellement gagner de l’argent alors que les fédérations d’athlétisme s’évertuaient à faire vivre les athlètes de haut niveau dans une relative pauvreté puisqu’ils ne pouvaient pas toucher d’argent venant de leur pratique sportive. En gros, ils devaient trouver une solution pour gagner leur vie à temps plein pour payer leur loyer tout en entrainant à temps plein pour maintenir leur niveau… Evidemment, ça semble tout de même un peu compliqué. Finalement son combat a fini par aboutir, les athlètes ont pu vivre grâce aux sponsors et grâce aux prize money, sommes versées en amont parfois pour venir courir une course et évidemment aux gagnants des courses (idée de Fred Lebow, vous savez le mec du marathon de NY !). Bref, le ver venait de rentrer dans le fruit et il en était fini du bel esprit Spiridon où au mieux tu repartais avec un t-shirt orange en coton… Tiens, en parlant de Spiridon, y a que moi que ça amuse de découvrir que le fondateur vit entre l’Ethiopie et la Roumanie où apparemment il court toujours ??? Amusant comme choix de terrain d’entrainement ! Autre petit amusement, apparemment la fédé d’athlé en France, elle est comme Julio, elle aussi elle n’a pas changé… L’histoire de Marvejol Mende est là pour nous le rappeler.
Alors on va voir ce film oui ou non ? Oui évidemment ! Parce qu’on y apprend pleins de choses et même si cela reste superficiel, c’est toujours mieux que rien. Surtout que la conclusion vaut la peine : courez sans montre, courez sans dossard, courez sans contrainte, sans plan, le nez au vent, oubliez le discours des marques et autres organisateurs de courses qui n’en veulent qu’à vos sous, soyez PURE ! Je m’en suis étouffée de rire dans ma super glace que je me suis offerte juste après. Moi j’attends avec impatience le dépôt de bilan d’ASO et autres organisateurs de trail, de Nike et d’Adidas, Garmin et Polar pour ne citer qu’eux…

 

Sortie le 13 avril

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