UTMB 2015 : Chronique d’un échec pas forcément annoncé…

Puisque pas mal de personnes sont maintenant au courant, il est temps de raconter ma dernière aventure.

J’ai donc bien pris le départ de l’UTBM mais en toute discrétion pour pouvoir gérer ça tranquillement, sans pression extérieure et en finir une bonne fois pour toute. Mon dernier bloc de prépa, à savoir les Transrockies s’est très bien passé. Je m’oblige à Chamonix à respecter les horaires de sommeil, même si cela perturbe un peu mon boulot, à respecter les horaires de repas et je mange le plus équilibré possible. Le célèbre restaurant japonais est mon ami ! Même mon mari est là, ce qui est presque un exploit plus important que finir cette foutue course… Il a pris une journée pour être présent et faire mon accompagnement. Je crois qu’il en a encore plus marre que moi de cette foutue course et qu’il veut lui aussi qu’on en finisse une bonne fois pour toute ! Je vais chercher mon dossard à 13h30 et direction ma chambre pour une dernière sieste. Je réussis à prendre le départ dans l’anonymat presque complet même si comme toujours je tombe par hasard sur un copain qui était là l’année dernière et qui est comme moi là pour prendre sa revanche.

Je pars heureuse parce que je sais que le parcours est sec et qui dit sec dit descente vers St Gervais nettement plus sympathique que d’habitude. Brian Joubert est resté en vacances ! J’arrive largement dans les temps, ravito en vitesse et je repars. Cela se passe tellement bien que je vais même arriver aux Contamines 45 min avant ce que les sms indiquent à mon mari. Heureusement le sms qui signale mon arrivée au ravitaillement lui fait comprendre que je suis là et nous passons en mode « dream team ». En 15 min, je suis changée pour la nuit, j’ai mangé et je peux repartir à l’attaque de ce qui me fait le plus peur : la barrière horaire des Chapieux, là où je me suis cognée l’année dernière. Mais là encore tout va bien, je tiens un rythme toujours régulier dans la montée du Col du Bonhomme et la descente se passe au mieux. Je vois enfin ce foutu ravito en pleine euphorie et ça me fait un bien fou au moral. J’ai le temps, je fais changer ma batterie au stand Petzl pour être vraiment tranquille pour finir la nuit sans toucher à ma propre batterie de rechange, je décide de manger tranquillement et à mon avis, c’est là que tout est parti en vrille… Un bol de soupe étrange avec des légumes dedans, trop compacte à mon goût mais je sais qu’il faut manger pour pouvoir avancer. Et je repars…

Je sens assez vite que quelque chose ne va pas au niveau digestif mais bon j’avance régulièrement, pas vite évidemment, vu le dénivelé du Col de la Seigne mais j’avance. Seulement les nausées deviennent de plus en plus gênantes au point que je finis par m’assoir sur un caillou pour tenter de les faire passer. Un coureur qui en fait me suit depuis un bout de temps s’arrête et me demande si je vais bien. J’ai juste le temps de lui dire « non j’ai des nausées » que je me mets à vomir mes tripes façon geyser… Sympa pour lui comme spectacle ! C’est d’ailleurs cette façon de vomir assez particulière qui me fait dire que c’était bien une intox alimentaire (au demeurant j’ai vu plusieurs coureurs vomir exactement comme moi). Je reprends mes esprits et je tiens à remercier publiquement ce coureur qui est très gentiment resté à mes côtés pour me permettre de continuer en toute sécurité. Nous repartons et j’en finis avec ce foutu col. Mais je n’ai pas idée de ce qui m’attend derrière… Le parcours a changé et ce que je vais raconter va parler à ceux qui sont déjà passés par là. Au lieu des 4km de descente en pente douce pour aller au Lac Combal, nous avons le droit à 4km (à mon avis un peu plus mais bon) à grimper le Col des Pyramides Noires. C’est juste un pierrier géant ! Au lieu des 30 minutes maximum que descendre au lac demande d’habitude et encore, je vais mettre 1h30 à passer ce truc qui va littéralement vider mes réserves. Et je ne suis pas la seule…

J’arrive enfin au ravitaillement épuisée et plus du tout dans les temps que je tenais pour le moment. Je suis à 20 min de la barrière horaire, totalement furax et là encore pas la seule. Les bénévoles me disent que c’est la panique totale, qu’ils ont trop de coureurs encore derrière nous alors qu’ils vont devoir fermer. J’avale tant bien que mal un verre de coca et je repars. Rien de solide ne passe et je dois même marcher parce que je sens bien que si je trottine, ce foutu verre va ressortir par où il est rentré. Je rumine comme une malade parce que je sais que le retard que je prends là, c’est ça de moins à Courmayeur et surtout une bagarre avec les BH que franchement je ne pensais pas revivre une nouvelle fois.

J’arrive à Courmayeur à 12h10, je dois ressortir avant 13h. Guillaume est là, m’aide à me changer mais semble inquiet d’avoir récupéré une épouse plutôt blême. Il va me chercher une assiette de pâtes pour que je mange un peu mais vraiment je me force à manger, sans que cela passe. Je sais ce qui est en train de se passer et je ne l’accepte pas encore. Je repars à 15 min de la barrière horaire mais très vite je comprends que c’est foutu. Je suis en pleine crise de tachycardie, je suis littéralement colée au sol et j’avance tellement lentement que ça devient tout bonnement ridicule. Il fait chaud mais je n’arrive plus à boire l’eau tiédasse de mes gourdes. Et surtout je calcule… La barrière horaire d’Arnuva à ce rythme ne passera pas. L’idée de me taper 4h de marche en plein cagnard avec le cœur qui s’affole, d’avoir à attendre un bus qui me ramènera à Courmayeur avant de pouvoir rentrer… J’appelle Guillaume qui est déjà en route pour la Fouly, nous discutons un peu. Il me dit de prendre 10, 15 minutes pour me reposer avant de repartir mais je n’ai pas 10 minutes ! Je décide donc de rentrer. Je récupère au passage une coureuse britannique qui vient de faire le même calcul que moi et nous rentrons toutes les deux tranquillement à Courmayeur, croisant des coureurs à l’agonie qui partent se bagarrer avec le temps qu’ils n’ont pas.

Je retrouve mon mari qui je crois est tout de même un peu rassuré de me récupérer maintenant plutôt que sur un brancard. Retour à Chamonix où nous décidons tous les deux de juste faire escale. Je prends une douche, je jette tout dans la voiture et nous rentrons directement à la maison. J’ai juste besoin de retrouver les miens. L’UTMB est définitivement terminé pour moi, je tourne officiellement la page de cette course. Quand ça veut pas, ça veut pas… Même si bien sûr une intox alimentaire, ce n’est pas vraiment prévisible. Alors il est grand temps d’arrêter de m’imposer ça. J’ai pris un plaisir de dingue à vivre les Transrockies qui sont vraiment un format dans lequel je suis bien comme finalement je me suis éclatée en Patagonie ou en Norvège, malgré les conditions météo compliquées. Pour moi ce sport ne doit m’apporter que du positif, pas de la souffrance physique et morale. Dans l’absolu je sais que je pourrais en voir le bout mais franchement là maintenant c’est bon j’arrête.