Run : Ultra de la 6000D, ne jamais rien lâcher…

Puisque toute histoire se doit d’avoir un début et une fin, commençons par la genèse de ma participation à l’ultra de la 6000D. L’année qui précède ce récit, oubliant totalement que je m’étais « juré craché » de ne plus jamais courir en montagne mais désireuse quand même de faire un jour ma kéké avec ma polaire sans manche UTMB genre sale gamine qui veut son it bag, je décide de m’inscrire à l’ultra de la 6000D. L’idée est simple : avant de tenter 166 km, voyons donc si 110 km sont faisables pour moi, fille de la mer et des embruns. En quelques messages sur courir le monde, une communauté où je trainais mes baskets, j’embarque Fabrice dans l’aventure. Il était parti sur la petite (67 bornes…) mais 2 ou 3 « p’tit slip » plus tard, il change son inscription. Mon copain Stéphane est de la partie lui aussi .Mais rien ne se passe comme prévu : nous ratons une balise, nous perdons notre avance confortable sur les cut off et je décide de rendre mon dossard au CP2. Sur le coup, pas vraiment de regret, je n’ai pas le courage ni la force morale de me lancer sur une telle course le nez sur le chrono. Ce n’est pas moi, ce n’est pas ma conception de la course à pied, qui reste un sport, quelque chose d’important certes mais pas non plus de vital et surtout qui ne justifie pas qu’on se mette en danger pour ça.

Nous avions de toute façon décidé de prendre notre revanche sur la deuxième édition, prêts à nous rouler par terre pour que l’organisateur renouvèle l’opération qui ne devait être qu’exceptionnelle l’année dernière pour les 20 ans de la 6000D. Mais la vie en décide autrement et Fabrice a eu l’idée saugrenue de vouloir vérifier par lui-même si la légende urbaine des infirmières en cancérologie nues sous leur blouse est vraie. Stéphane, ayant rendu son dossard à seulement 20 km de l’arrivée, décide lui de se concentrer sur sa prépa Millau. Je suis donc toute seule à prendre notre revanche, autant dire que le poids d’une grande responsabilité pèse sur mes petites épaules… En plus, je dois courir l’UTMB fin août. Normalement, si j’étais une fille raisonnable, j’aurais dû me contenter de la « petite » mais c’est comme pour les magnum en fait… J’ai plutôt tendance à aller vers les gold ou les columbia, pas les tous simples vanille et entourage light au chocolat noir. OU comme pour les « mystères » que je n’aime que garnis avec chantilly et sauce chocolat ! Alors voilà ce que j’ai décidé de faire : 67 km, distance de la 6000D classic dans l’esprit course et ensuite je déroule tranquille en rando pour finir sans me blesser et en limitant la casse côté musculaire.

Aimé, Aime… le principal c’est d’y aller !

Revenons en à la course tout de même maintenant que le décor est planté. Direction le charmant village d’Aime, que je prononce systématiquement « Aimé » parce que c’est plus joli et surtout parce que mon petit dernier s’appelle Paul Aimé. Je traverse tout de même toute la France pour ça, venant en droite ligne de mon île de Ré favorite. Escale dans mon Auvergne d’adoption pour me transformer en Heïdi des alpages et roule ma poule ! Depuis que j’ai eu un petit cabriolet (une 205 Roland Garros qui fait vavavoum !!!) pour mes 40 ans, la voiture dont je rêvais à 25, c’est marrant, j’adore conduire ! Vous me verriez, chapeautée, la queue de cheval au vent avec la musique à fond, j’ai 18 ans dans ma tête à défaut de les avoir sur le visage. Je dois être à l’heure sur place parce que j’ai rendez vous avec l’équipe d’Asics trail pour une séance de coaching. Mais avant direction le chalet pour retirer mon dossard où j’apprends qu’ils annoncent des températures négatives pour le lendemain… Problème : je n’ai pas vraiment prévu la chose question vestimentaire. Direction le village de la course pour remédier à ça et très vite je trouve un haut de la collection d’hiver Asics, bien rose, bien girly qui fera l’affaire et qui surtout me sauvera la vie le lendemain. J’ai encore du mal à réaliser alors que je suis en jupe et lunette de soleil que je suis en train d’acheter un truc doublé de polaire. Je récupère 2 pom’potes sur le stand andros pour compléter mon ravitaillement et retour à l’hôtel pour me changer en coureuse. Tiens d’ailleurs mon hôtel : La Tourmaline à l’entrée de la ville, pratique parce qu’à 500m du départ avec des croissants à tomber par terre pour le petit déjeuner du dimanche ! Il y a une piscine mais je n’ai pas eu le temps de tester. Séance Asics qui se passe super bien, je papote tranquillement quand j’entends « la petite Cécile Bertin est attendue par son papa et sa maman à l’accueil du magasin »… Bon ok c’est plutôt « la blonde Cécile qui a oublié son dossard au stand activesport est priée de venir de récupérer fissa si elle veut prendre le départ demain matin »… La honte… Retour hôtel pour douche obligatoire tellement il fait chaud. Quand on pense au froid du lendemain ! Et je retrouve Sylvain Bazin qui bien entendu dès qu’il y a un 100 bornes avec un dénivelé de folie est là. Direction la pasta party où doit se trouver Eric un copain engagé lui aussi sur la version longue. Lorsque je vois la queue, je ne tente même pas le truc. Retour à la pizzeria qui est ma cantine à Aime. Surprise lorsque je vois débarquer l’organisateur du marathon du Médoc et son épouse qui eux aussi ont craqué. Nous ne nous sommes pas vu depuis le marathon de Marrakech en 2009 et nous papotons tranquillement le temps de la cuisson. Avantage : je sais maintenant que Philippe, le meilleur chirurgien ortho spécialiste des pathologies des coureurs sera bénévole sur un CP et sera surtout toujours présent pour l’ultra. C’est idiot mais ça me rassure un peu.

Retour à l’hôtel en dégustant un magnum gold pour la réserve glycogène et aussi parce que je ne suis pas sûre d’avoir la force d’en manger un après la course ! De façon assez surprenante pour moi je vais m’endormir très vite devant un épisode d’Experts Manhattan. J’ai prévu de me lever à 3h30 du matin, mes affaires sont déjà prêtes, il n’y a plus qu’à !

Non je ne rêve pas de montagne, d’ampoules et de contractures, je dors !!! Réveil 30 min avant mon réveil, comme d’habitude. Même pas stressée la fille, je prends ma douche et je m’habille. Tout va bien donc forcément ça cache quelque chose… Un départ de course qui se passe aussi bien ce n’est pas normal. L’euphorie est en effet de courte durée puisque je n’arrive pas à fermer ma nouvelle poche à eau… J’ai un sac Nathan que je teste et le sac se ferme avec un système de glissière qui me résiste. Au bout de 2 min, je suis en nage, le cœur au bord de l’implosion et je sens que je vais hurler. J’ai horreur des trucs qui me résistent et plus ça me résiste, plus je m’énerve. En une fraction de seconde je décide de changer de tactique parce que de toute façon je me connais je vais tout casser et les minutes passent. Du coup, je chope ma gourde que j’ai eu la bonne idée de prendre pour mon trajet et zou dans le sac. Une petite bouteille d’eau supplémentaire fera l’affaire. Quoi il faut tester son matériel avant ? Oh ça va !

Allez hop destination le départ pour le contrôle du sac. C’est plutôt bien organisé puisque tu peux laisser ton sac après le dit contrôle dans le sas pour aller faire pipi 2 fois comme le veut la tradition. Avantage d’un ultra : c’est facile, 4 filles au départ, les toilettes pour dames sont forcément libres ! Je vous dis les filles arrêtez la parisienne, venez sur un 110 bornes, votre vessie vous dira merci.

5h00 du mat, j’ai des frissons, je claque mon sac sur mes draps blancs froissés…

5h05 : le départ est donné et c’est parti. J’ai décidé de vivre cette course seule parce que je dois l’avouer, j’aime de plus en plus courir seule en fait, sur les longues distances en tout cas. C’est aussi la conséquence directe de mon expérience dans le désert algérien. Je sais que cela peut paraître paradoxal puisque je l’ai couru accompagnée sur plus de la moitié mais justement maintenant je sais que ce type d’exercice n’est pas vraiment pour moi. Nous avons tous en nous la force de le faire seul, il suffit d’aller chercher en soi, dans son vécu. Nous courrons pour nous même, pas pour les autres, personne ne nous oblige à le faire. Je ne suis pas payée pour ça, personne ne me menace de mort pour que je m’aligne sur ce type de course. C’est à moi et moi seule de mener ma barque. Mon lecteur MP3 sur les oreilles, je pars sereine comme jamais. Je me suis rendue compte que j’avais mémorisé énormément d’endroits, j’ai retrouvé le fameux petit cimetière à l’entrée du premier village et j’arrive au premier ravito sans avoir réellement vu le temps passer. D’ailleurs je ne vais pratiquement jamais regarder l’heure pendant toute cette course. La menace des cut off ne m’effraie pas une seule seconde, mon inconscience m’amuse d’ailleurs. Je me fais juste une remarque : j’ai du progresser puisque lorsque je repars du premier ravito, les premiers de la 6000D ne sont pas encore là. Ils me doubleront sur une grimpette juste avant qu’ils tournent à gauche pour le glacier alors que moi je pique à droite. Comme l’année précédente je suis stupéfaite de les entendre nous saluer et nous encourager… ça monte, ça descend, rien de bien original me direz-vous. Je vais vous épargner le parcours km par km parce que cela a tout de même un intérêt limité. Surtout que le temps n’est vraiment pas de la partie. On ne voit pas à 20 m et la beauté des paysages de l’année dernière nous est volé, un peu comme si l’on voulait que je me concentre sur ma course et pas sur les jolies pâquerettes. Tiens, d’ailleurs en parlant fleurs, j’ai vu plein d’arnica !

47 km : j’arrive au CP 2 en 7 h et des poussières. C’est là l’année dernière que j’ai abandonné. J’ai revu l’endroit où je m’étais plantée l’année précédente et ça m’a fait tout bizarre d’ailleurs. J’ai bien bifurqué tout de suite à gauche et foncer vers Champagny le haut. Tu ne m’auras pas cette année ! Je me fais aussi la réflexion que j’ai bien récupérée puisqu’il m’a fallu plus de 8 heures pour faire 42 km plus roulant 3 semaines auparavant. Mais mon arrêt pour ravitailler ne se passe pas comme prévu, ils n’ont pas de coca… Ils n’en ont pas prévu et c’est la panique. Je me sers de cette boisson pour protéger mon système digestif avant tout, pour la caféine aussi sans parler des sucres rapides. Si j’avais seulement imaginé une seconde qu’ils n’en avaient pas prévu à chaque arrêt, je me serai organisé en fonction. Là je suis totalement prise au dépourvu. Une des bénévoles me dit qu’il y a un refuge un peu plus loin qui doit en vendre et comme j’ai pris un peu d’argent comme conseillé, j’avale mon bol de soupe avec des pâtes et je repars de plus belle. Je plonge dans l’inconnu, je vais enfin voir ce fameux parc de la Vanoise et partir à l’assaut du col du Palet.

Mais avant je fais mon arrêt au refuge comme prévu, je déboule comme une folle pour réclamer une canette de coca que je partagerai avec 2 coureurs qui passaient à ce moment là. En route pour le paradis des marmottes ! Alors je tiens à vous le dire tout de suite : coureurs, coureuses de tous pays, unissez-vous, on vous ment, on vous spolie !!! Vous croyez tous, comme moi d’ailleurs, que les marmottes, elles plient le papier alu autour de la tablette de chocolat milka au lait avec des grosses noisettes dedans. Eh bien non !!! Que dalle ouais !!! Les marmottes, elles te regardent quand tu passes avec ton sac et tes bâtons et tu les entends murmurer : « tiens, revoilà les fadas… eh la blonde, le cabinet de psy dans la vallée, il est encore ouvert à cette heure là, vas-y de ma part et demande lui double dose de prozac, t’en as bien besoin ! » avant de me tourner le dos pour plonger dans son terrier. Je croise aussi des randonneurs qui auront d’ailleurs à peu près le même discours d’ailleurs. Je vous passe les détails de la grimpette sur ce fameux col, j’ai cru que j’avais laissé la moitié de mes poumons en bas tellement le souffle me manquait. Je m’accroche désespérément aux fameux bâtons de Super Mumu à qui je vais devoir offrir son poids en macarons à ce train-là. Je finis même par me poser en pleine montée sur un gros caillou pour manger une petite mulebar, parce qu’une petite mulebar et ça repart… Ce qui me rassure un peu c’est que mes camarades de jeu n’ont pas l’air super top non plus. Je sais, c’est méchant de dire ça mais il y a un fond de vérité quand même. J’arrive enfin en haut du col du palet où je suis toujours 3ème féminine à ma grande surprise, il faut bien le dire. Comme je n’ai vu que 2 autres filles au départ, j’en finis d’ailleurs par penser que tout simplement nous sommes 3 et donc que je suis dernière ! Il fait en tout cas un froid de gueux et il n’y a que de l’eau froide pour se réchauffer. Je me maudis de n’avoir pas retrouvé mes gants en partant le matin. Un des podos présent a une solution : il me donne une paire de gants de chirurgie. Je crois que là j’ai atteint le summum du sexy absolu sur course ! Entre mes chaussettes de compression ambiance étudiante japonaise sur le retour, mes quadri de compression qui me donnent l’impression de courir en porte jarretelles parce que je dois régulièrement les replacer, ceux-ci n’étant finalement pas très compatibles avec ma jupette, mes cheveux en vrac, mon buff autour du cou dont je vais vous éviter les détails quant à son utilisation pendant toute la course mais pour faire court je n’avais pris que 2 kleenex… Non, pas de doute, je pouvais courir seule, aucun risque qu’une bête sauvage m’attaque et encore moins un berger coincé dans son alpage depuis 6 mois !

Bon elles sont où ces foutues marmottes ?

C’est reparti pour la descente et pour ma seconde partie de course qui va se dérouler tranquillement maintenant comme prévu. J’ai atteint mon objectif, maintenant je dois me préserver et juste finir. De toute façon mon genou gauche commence à trouver ça moyennement drôle et je trouve certaines zones comment dire « pète gueule ! ». Je vais même traverser un troupeau de vaches, pas du tout décidées à se bouger. Attention les filles j’ai des banderilles !!! On ne me cherche pas surtout… Personne devant, personne derrière, autant dire que je fais aussi gaffe à ne pas rater les balises qui sont moins nombreuses dans ce parc protégé. Alors que je plonge vers le PC 4 dans un petit chemin bien pentu, je vois débouler comme une fusée Eric qui prend juste le temps de me crier « ça va ? », ce à quoi je réponds « ben oui » et il est déjà hors de ma vue. Franchement ça me fait peur… D’abord parce que le chemin est tout de même un peu dangereux et surtout parce qu’à ce stade de la course nos organismes sont déjà mis à rude épreuve et cogner les articulations peut se payer un jour. Mais c’est un grand garçon et il fait bien ce qu’il veut.

J’arrive au CP4, toujours pas de coca (je vais tuer quelqu’un moi…) mais des toilettes chauffées, que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir. Je tente de discuter avec mon voisin de chaise qui n’a pas l’air bien, histoire de lui remonter le moral mais très vite il m’arrête : « italiano, no parlo francès ». Ok, comme mon italien se résume à : pizza, pasta, mozzarella, chianti et « ti amo », je m’abstiens de toute tentative de conversation qui pourrait à un moment ou à un autre être mal interprétée… Je repars vers le col de l’Arpette ou, ce qu’il serait plus correct d’appeler le col de « putain mais ça ne va pas finir de grimper ce truc » ou le col de « il est où le crétin qui a fait le parcours que je lui fasse goûter de mes banderilles ». Désolée d’être aussi triviale mais c’est vraiment à ça que j’ai pensé pendant les longues, très longues minutes qui se sont écoulées pour venir à bout de ce truc. Quand enfin j’en viens à bout, je suis épuisée… à bout de souffle mais j’ai fait la connaissance de Denis qui fait une entrée dans ma course, discrètement mais sûrement. Très vite j’apprends qu’il est comme moi, venu prendre sa revanche. Nous sommes au même rythme, donc pas très rapides il faut bien le dire mais nous avançons. Contrairement à moi, il est attendu par sa famille qui loge à la Plage Bellecôte. Quand nous arrivons enfin en vue de son immeuble et qu’il découvre son épouse et ses 2 filles je le sens heureux d’être déjà là. Un groupe de jeunes ados genre mon Alexandre sont là aussi pour nous encourager et l’un me demande : « mais comment on fait pour avoir un mental comme le vôtre ? ». Je lui réponds une phrase honteusement volée à un ami coureur « tu débranches les 2 neurones que tu as et tu avances » ! Il se marre et nous repartons vers le ravitaillement. Là j’ai la bonne surprise de retrouver mes amis du marathon du médoc qui sont là courageusement dans le froid à nous attendre pour nous bichonner. Je dis rapidement que j’ai mal au genou droit et zou je me retrouve allongée sur un lit de camp avec un des meilleurs chirurgiens de Bordeaux qui vérifie que ce n’est pas grave, glace le tout à la bombe, me strappe tout ça en une fraction de seconde et me relève en me disant : « vas y, ça va tenir ! ». Je me suis crue une formule 1 à un arrêt au stand ! Par contre du côté de Denis, ça va moins bien… Le mental tombe en flèche et il me parle d’abandon. Je sais que ce n’est pas vraiment physique, il n’est pas blessé, il est fatigué comme nous le sommes tous et je finis par me dire qu’il a peur plus qu’autre chose. Je lui dis juste d’un ton ferme : « tu ne vas pas laisser une mère de famille avec 4 enfants partir seule dans le noir non ? ». Il hésite, se relève et me dit « ok c’est bon on y va ». Je crois sans aucune prétention de ma part que si je n’avais pas été là à ce moment là, il aurait rendu son dossard. Son appartement était là juste à côté, sa famille et l’épuisement le gagnaient. Pourtant il vient et très vite un 3ème larron se joint à nous. Comme le monde de l’ultra est bien entendu très petit, nous avons des connaissances communes et c’est parti pour un papotage tranquille qui va nous mener jusqu’à l’arrivée. Aucun n’a l’intention de faire le fanfaron, juste d’aller au bout de cette aventure dans le meilleur état possible. Nouveau point de contrôle et nous tombons sur Eric. Je pensais qu’il nous attendait pour finir mais il me dit qu’il est blessé et souffre trop pour envisager 10 km de plus. Il tente de partir mais revient sur ses pas. Je ne sais pas quoi lui dire à part « tu es sur ? Tu es à 10 km de l’arrivée ? ». Mais s’il souffre vraiment je n’ai pas le droit de le pousser à aggraver quelque chose. Chacun doit prendre sa décision en son âme et conscience. Nous repartons et je dois bien reconnaître que je pensais à ce moment là qu’il finirait par nous suivre…

Aime un jour… Aime toujours !

La dernière descente vers Aime n’en finit pas… Je crois avoir été assez vulgaire, jurant après chaque caillou qui se met devant mes pieds, après chaque racine qui surgit sans que je ne lui ai rien demandé. Denis qui ouvre la voie m’entendra régulièrement comme les enfants dans une voiture « dis c’est quand qu’on arrive ? »… « Elle est encore loin la route ? ». Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est et je ne veux surtout pas le savoir !!! Je pense aussi à Eric et je me félicite de ne l’avoir pas trop poussé à se lancer parce que cette fin est terrible pour les jambes. Tout se passe tranquillement jusqu’à ce que tout d’un coup sortie de nulle part une fille déboule immédiatement suivi d’un coureur qui doit sûrement être son conjoint comme c’est souvent le cas sur ce type de course. Pas un bonsoir, pas un sourire, ils se contentent juste de nous pousser sur le côté de la monotrace que nous sommes en train de descendre. Et voilà comment je perds ma 3ème place à 4 km de l’arrivée… Ah ben mince alors, moi qui me voyais déjà en train de faire mon joli discours devant tout le monde pour remercier l’académie pour ce superbe oscar qu’on ne manquerait pas de me remettre puisqu’un tel exploit allait forcément débouché sur un film tourné à Hollywood. Bien entendu, ce n’est pas de l’oscar de la meilleure actrice puisque mon rôle serait tenue par Julia Roberts mais de celui du meilleur scénario pour « la revanche d’une blonde dans la Montagne, 2 le retour »… Que faire ? Foncer comme une dératée pour tenter de la rattraper ? Non mais ça ne va pas la tête ou quoi ? Nous sommes les 3 mousquetaires (oui je sais ils étaient 4, pas la peine de râler !) et nous allons passer la ligne d’arrivée tous les 3. Enfin la route, enfin Aime !!! Bon sang, j’en aurais embrassé la pancarte moi !!! Je suis partie depuis 23h, 29 min et 3 secondes précisément. J’ai la surprise de trouver Sylvain qui m’attend sagement à l’arrivée ! Il est 4h30 du mat et il est revenu spécialement pour me voir passer la ligne. Ca me touche énormément qu’il ait fait ça pour moi parce que pour la petite histoire, il a fini à 21h lui… Et encore il tournait un film pendant la course… Aucun commentaire !

J’embrasse mes compagnons de route que je rends à leur vie et direction l’hôtel. Pour la petite histoire, l’épouse de Denis me dira juste discrètement un « merci » quand je lui dirai au revoir. Cela m’a fait sourire mais après ce que son époux m’avait raconté sur les conséquences de son abandon l’année précédente, l’impact dévastateur sur sa vie perso et même pro, j’avoue que j’étais plutôt heureuse d’avoir réussi à le convaincre de me suivre.

Bon c’est pas tout ça mais je veux une douche chaude !!! Et un lit confortable aussi tant qu’on y est d’ailleurs. Ce qui est assez étonnant, c’est qu’à ce moment là je vais plutôt bien. Je papote, je marche sans problème et c’est plutôt satisfaite de moi que je passe le pas de ma porte. Et pourtant en quelques secondes je vais me transformer en loque humaine… j’enlève mes vêtements que je jette par terre, je prends ma douche en grelotant et en claquant des dents. J’avais prévu de quoi manger mais impossible d’avaler quoique ce soit. C’est en position fœtale, le corps tout d’un coup douloureux au possible que je tente de trouver le sommeil. 8h du matin j’ouvre un œil, j’ai mal dormi et j’ai le ventre qui crie famine. Direction la salle du petit déjeuner où je vais m’offrir un festin de roi ou plutôt de reine à coup de croissant et autres crêpes. Je retourne me coucher et je me rendors aussi sec. A 12h30, j’ouvrirai de nouveau l’œil en constatant que je vais mieux. Dire que je meurs d’envie de sauter dans mes baskets serait un tant soit peu exagéré mais faire la route pour rentrer chez moi ne me fait pas peur.

Alors que je suis en train de mettre mes sacs dans ma voiture j’entends l’attachée de presse de la course qui arrive en courant. « super vous n’êtes pas encore partie !!! J’ai votre lot pour votre podium !!! ». Comment ça le podium ? « ben oui, vous êtes 3ème vétérane ». C’est une jolie façon de dire que je suis dernière vétérane puisque nous étions 3 mais je comprends surtout que j’ai raté la remise de prix et ma minute de gloire… Si j’avais imaginé une seule seconde qu’ils récompensaient par catégorie, j’aurais mis mon réveil tu penses. Enfin je repars avec un superbe sac à dos de course Asics noir trop classe, un t-shirt, le livre de la 6000D et surtout le plus important : mon t-shirt finisher de cette foutue course. Je pars sourire aux lèvres, musique à fond avec le sentiment du devoir accompli.

ps : pas de photos désolée, je n’avais rien pris sur cette course, trop occupée à la finir…